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Le traversier

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Message par Elysea 14/3/2010, 07:42

Alors je tire cette histoire d'un de mes vieilles livres. Elle se nomme Le traversier. Magnifique.





C'était une rivière bohème, buveuse de ruisseaux, où s'abreuvaient les arbres, les mouches et les loups. Elle venait de loin, où commence l’écume, et charroyait des écorces gommeuses, promenait des canards et des joncs sous-marins ; les libellules s'y miraient en passant et des bancs de poissons verts, entre deux ombres d'arbres, y dormaient au soleil...
Jouant avec la bouteille qu'il y avait sur la table près de son verre, le vieux qui avait commencé cette histoire continua:
-C'est une rivière tranquille. Une orignale venait boire au détour à tous les matins, de bonne heure, avec son petit. Ma rivière était tranquille. Elle n'a pas beaucoup changé, elle. Les bords ont changé... Il n'y avait pas de maisons, n'y de village, ni de pont, quand je l'ai connue, moi. Elle était toute seule, dans le temps, avec nous autres puis une couple de familles : nos voisins. Mon père est arrivé un des premiers ici, attiré par elle. C'est lui qui lui a donné le premier coup de rame. Il a deviné qu'un jour ce serait une place d'avenir, il s'est fait traversier. Il a bâti un chaland pour voyager d'une rive à l'autre. Un beau chaland gris qui se tenait toujours les deux bras pendus au bout de ses poulies, comme un chien au bout de sa chaîne ; un chaland qui regardait le large, en grinçant des fois pour partir.
J'ai grandi dans ce chaland-là. Ç'a été mon berceau. je me faisais un lit de fougères vertes, le midi ; j’étendais ça dans le fond, sur le bois brûlant ; je me couchais dans la belle odeur de ma casquette en visière sur les yeux. Floup...gloup ; les vagues faisaient floup, glou, en tapant sur mon gros berceau. Puis je m'endormais, les oreilles pleines de chansons. Quand je me réveillais, je restais des heures à plat ventre sur le bout qui donnait au large. Je regardais passer l'eau, les boules d'écume, les poissons, puis, des fois, les remous qui faisaient comme un entonnoir. J'appelais ça des yeux, les yeux de la rivière qui regardaient les miens, puis qui continuaient à descendre en virant.
Le bord où notre maison était bâtis, c'était le bord civilisé' parce qu'à cinq milles de chez nous, il y avait le village : une petite église, un épicier, puis une maison. L'autre bord, c'étaient les places nouvelles.
Un monsieur Beaulieu, qu'on appelait le seigneur Beaulieu, s'y était bâti. Ç'a été le premier client de mon père. Durant l'été, il traversait tous les jours. Après lui, ç’a été quelques colons qui s’étaient acheté des lots autour de celui du seigneur, puis qui défrichaient dans le bois vierge. On les entendait bûcher quand le vent adonnait.
Tu veux me parler de l’école, là, je suppose ? J’y ai été . Comme de raison. Oui. Mais bien avant d’apprendre mes lettres, je connaissais le bois, la plage, le chaland, puis la rivière par cœur. À l’école, je m’ennuyais. Les yeux dans la fenêtre, je guettais le soleil ; j’avais hâte qu’il baisse pour retourner chez nous. Je dînais à l’école, à midi. J’emportais mon dîner. Je partais le matin de bonne heure, à pied, avec Marie. Des fois, quand les colons avaient affaire au village, ils nous acceptaient avec eux autres, puis ils nous ramenaient le soir.
Marie ? Qui était Marie ? Une petite fille à peu près de mon âge , l’enfant d’une des deux familles qui demeuraient au bord de l’eau avec nous autres. Marie ! Regarde ici, dans le fond de mon verre ; c’est vrai, tu ne la vois pas ; moi, je la vois toujours. Quand j’ai été plus vieux, en âge de comprendre, ils m’ont dit que ce n’était pas ma sœur. On était toujours ensemble ; nu-pied, on a grandi dans les joncs de la grève ; on ramassait les œufs de perdrix ; on pêchait des truites ou bien on faisait un nœud coulant au bout de nos lignes. Puis on capturait des suisses ; on allait aux fraises, aux bleuets, aux framboises, aux glands.
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