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Message par Tokri-en-plus-vieux 10/4/2022, 19:52

Sarouh, les mains dans les poches, se baladait rêveusement dans Nikidami. Ses blessures lui faisaient moins mal et il était presque revenu à son état de forme nominal. Excepté la douleur, ses muscles obéissaient comme il le désirait. Les soins avaient été de qualité, surtout étant donné les circonstances. Le jeune chuunin voulait désormais devenir vite plus fort, l'impatience de finir cette mission le rongeait. Cependant, il n'avait pas envie de revenir à Gensou. Pour y faire quoi ? Ses parents étaient en mission et il n'avait plus de nouvelle de son ancienne équipe. Et la simple idée d'y recroiser Masiku lui donnait la nausée. Finalement ce n'est pas l'Arabara, mais un Maboroshi qui l'avait remplacé dans son équipe. C'était presque la même chose.

Au moins, Chiraku serait satisfait par le degré de prestige qu'avait désormais le petit groupe... Malgré tout, Asori manquait au Tsumyo. Elle ne l'avait même pas félicité pour sa promotion... Il secoua doucement la tête. Il avait passé son temps à essayer de ne plus penser à eux, ce n'était pas pour invoquer ses vieux démons ici. Si la solitude l'avait rattrapé, il triompherait de nouveau d'elle et voilà tout.

 Le vacarme de ses pensées ne couvrait pas le bruit ambiant. La ville était en totale ébullition, dénotant complètement avec son calme nocturne. Les gens n'étaient que nuisance pour le Tsumyo. Ils braillaient et polluaient la place de leur simple existence. Encore une fois, ses pensées se dirigèrent vers la Grande Cascade dont le ronronnement régulier l'apaisait depuis toujours et ignora totalement le maire qu'il perçut au loin, pourtant en train de s'époumoner sur son coéquipier. Bon débarras.

Le duel de réputation entre les deux Villages lui passait au dessus de la tête. La vocation formatrice de l'expédition avait pris un tournant beaucoup plus sanglant que prévu et le seul bénéfice qu'il avait eu de toutes ces conneries, c'était de se faire empaler pour sauver une genin qu'il ne reverrait sans doute plus. Tu parles d'un succès. Sarouh craignait un peu la suite des événements. Logiquement, ils auraient dû en rester là, et laisser un noyau dur de brigands se reformer, permettant aux Villages de littéralement moissonner Nikidami chaque année, ayant une mission de formation et de l'or facile à se faire. Maintenant... Ils allaient sûrement devoir éliminer toute menace et ramener le chef en un seul morceau.

Son mauvais pressentiment se renforçait à chaque minute et il avait pris l'habitude de s'y fier. C'est donc un chuunin maussade qui manqua de percuter le juunin qu'il était pourtant allé voir de lui-même. Son éternel clope à la bouche, Gomaki était aussi perdu dans ses pensées que lui. Leurs réflexes pourtant proprement hallucinants en temps normal ne leur permirent de s'éviter que de justesse, au coin d'une rue relativement silencieuse, non loin du bâtiment qui leur avait servi de quartier général les deux premiers soirs.

— Oh, Sarouh. Excusez-moi, j'étais perdu dans mes pensées.

 Respectueux et poli, comme à son habitude, le Chikarate semblait partager son étrange état d'esprit. Que le chuunin s'efforça de dissimuler pour mieux montrer sa gratitude :

— Gomaki, je vous cherchais justement. Je tenais à vous présenter mes plus sincères remerciements pour les soins que vous avez aidé à prodiguer. J'ai déjà remercié Izul mais... Disons que je n'ai pas eu l'occasion de faire passer le message correctement.
— Ce n'est rien. Je n'allais pas laisser mourir un camarade shinobi des mains d'un vulgaire brigand. Et je n'oublie pas que vous vous êtes mis en danger pour sauver une de mes élèves. Pour ça, c'est moi qui vous suit redevable.

 A la grande surprise du Tsumyo il s'inclina bas. L'affection qu'il portait à ses genins toucha Sarouh, remuant encore des souvenirs qu'il préférait enfouis.

— Si c'était à refaire, je le referai. La suite risque de moins vous plaire.

— Comment ça ? Vous avez des informations supplémentaires pour ce soir ?
— Non, je... Je vais vous exposer mon problème, mes conclusions et vous allez me dire ce que vous en penser. Essayez de ne pas vous énerver avant que j'ai fini, je vous prie.

Ce fut à son tour de s'incliner. La surprise s'invita dans le regard du shinobi expert. Une autre mauvaise nouvelle ? L'inquiétude le gagnait, bien qu'il n'en montrât rien. Qu'est-ce que ses élèves pouvaient bien avoir encore fait ?

— Je t'en prie Sarouh. Tu permets que je te tutoie ?
— Bien sûr, ça sera plus facile pour moi aussi ... Bien, tout d'abord, sachez qu'avant Nikidami, nous nous sommes arrêtés avec Kazuo et Chihousou à un autre village, encore plus insignifiant. Nous y étions pour livrer un héritage, chose pour laquelle nous avons été grassement payés. Nous ne vous avions pas transmis l'information... Avant que Kazuo ne l'ouvre, pour draguer Izul. Ne vous en faites pas, je l'ai déjà remis à sa place pour ça et je pense savoir que Chihousou n'a pas été tendre avec lui non plus. Mais vous devez voir où je veux en venir. Personne n'était au courant pour l'argent. Chihousou n'a aucun intérêt à me voler, Kazuo m'aurait tout révélé s'il était fautif. Il ne reste que vos élèves.

Le chuunin laissa le silence s'abattre sur eux, le temps que son vis-à-vis mesure la portée de ce qu'il annonçait. Cependant, rien dans le comportement de Gomaki ne trahissait quoi que ce soit. Il était resté totalement impassible. Sarouh reprit, se résignant par avance à l'échec de son plaidoyer :

— Je ne pense pas qu'Izul me volerait. Elle s'en voulait déjà bien assez pour avant-hier. Mon échange avec Tokri m'a un peu apprit à le jauger. Je serais très surpris qu'il soit voleur... Mes soupçons se portent donc sur Mutika... Vous ne savez rien à ce sujet?

 Une lueur d'intérêt passa désormais dans le regard du juunin qui se décontracta de manière quasi imperceptible. Si ce n'était que ça... L'esprit de déduction du gensouard se mêlant à son instinct avec une certaine acuité piquait un peu la curiosité du Chikarate, qui pensait sincèrement ses élèves innocents.

— Si vol il y a bien eu, je ne sais rien du tout. Tu dirais à ton sensei que tu as volé un étranger toi ? Cependant, ce sont de sérieuses accusations, Sarouh-kun. je ne peux pas te laisser les traiter de voleur de la sorte.

— Je n'affirme rien pour le moment. J'aimerais juste m'entretenir avec le dénommé Mutika Oroshi. S'il me convainc, ça s'arrête là.
— Nous verrons après la mission. Pour l'instant on a plus urgent à gérer. Essaie de te reposer, Tsumyo. Ce soir risque d'être long. J'essaierai de voir mon élève de mon côté. Au revoir.

 Cela ne souffrait aucune contestation, donc il n'y en eu pas. Passant ses mains dans ses cheveux, le Gensouard soupira. Les chances pour qu'il ait cette entrevue et qu'il récupére son bien tout en respectant les contacts diplomatiques qu'il était supposé maintenir avec le Village du Désert étaient... Il ne trouva pas de mot assez faible pour représenter son idée et tapa dans un caillou de frustration avant de continuer sa balade. Il fallait qu'il se détende. Il n'avait pas eu un moment de sérénité depuis des mois, cela commençait à lui peser. Les humiliations répétées de l'examen, directement suivies de cette mission, pas étonnant que ses nerfs lâchent. A son retour, une autre équipe lui seraient sûrement affectée. Avec un peu de chance, il pourrait oublier l'échec cuisant de la précédente...

Ses pas le menèrent à un coin boisé, à la périphérie de la ville. Il s'était naturellement éloigné du bruit, son instinct n'appelait que le calme et la solitude. Il sut que c'était raté pour cette dernière en voyant au loin un kunai s'enfoncer profondément dans le bois dans un claquement sec, manquant de couper en deux le chêne qui était victime d'un acharnement manifeste. Tokri Utak, pantelant, s'équipa d'un autre projectile, n'ayant pas encore aperçu le chuunin, tout à son entraînement. Même dans ses jets, une espèce de colère froide semblait se manifester.

Sarouh s'arrêta pour l'observer un temps, adossé à un arbre. Projectile après projectile, il finit par comprendre que le genin insufflait un chakra futon à ses armes avant de les envoyer se ficher dans le bois. L'illusionniste comprit aussi, au bout d'un moment, pourquoi il ne parvenait pas au résultat désiré. Il se mordilla le bout du pouce. Est-ce que c'était vraiment son rôle d'aller l'aider ? Et comme d'habitude, son aide serait-elle bien reçue... ?

Pendant qu'il tergiversait, il prit le temps de détailler son collègue d'une mission. Moins grand que lui, des cheveux noirs et le teint basané, Tokri était exactement ce qu'on pouvait imaginer d'un ninja des Sables. Large d'épaule sans être un molosse, il était bien dessiné et sa carrure supposait une grande force. Le Tsumyo avait eu le loisir d'y gouter... Il se maudit, avant d'aller rejoindre le Chikarate

— Salut. Besoin d'un peu d'aide?

 Tokri se raidit en l'entendant arriver. Probablement qu'il avait envie d'être seul. Et des personnes qui pouvaient le déranger, le Gensouard était sûrement une de celles qu'il avait le moins envie de voir.

— Je peux savoir ce que tu fous là, Tsumyo ?
— J'essayais d'échapper au bruit. Je crois que je préfère encore la nuit et ses brigands que le bordel qu'ils font... Et je suis tombé sur toi.
— Et qu'est-ce qui te fait croire que j'ai besoin de ton aide ?
— Manifestement, le contrôle du chakra, c'est pas ton truc.
— Si c'est juste pour me dire ça...
— Ne sois pas autant sur la défensive, j'ai dit que je pouvais t'aider.
— Et qu'est-ce que tu y gagnes?

 Sarouh se mordit l'intérieur de la joue gauche, réfléchissant un peu. Il n'en savait rien. Il avait spontanément eu envie de proposer son aide. C'était dans sa nature, de vouloir expliquer ce qui échappait aux autres. Puis... Quelque chose chez l'Utak lui rappelait Cac'. C'est peut être la nostalgie des entraînements avec elle, qui le poussait à aider le Chikarate ? Rien n'était moins sûr.

— Disons... Que je suis un bon samaritain ? Et tu me rappelles quelqu'un.
— Mouais... Ca me semble faible, comme raison. Et qu'est-ce que j'aurais à apprendre d'un chuunin qui trouve le moyen de se blesser le premier soir de la mission ?

 Décidemment, il ne faisait rien pour se rendre sympathique. L'espace d'une petite seconde, Sarouh considéra l'idée de s'en aller et de le laisser galérer avec son malaxage. Puis il soupira doucement et pris sur lui.

— Le prochain coup, je la laisse se faire couper en deux, promis. Les Gensouards ont pour spécialité le genjutsu. De tous les arts ninjas, c'est celui qui demande le contrôle le plus fin du chakra. Et je crois comprendre ce qui te manque.

 Tokri le dévisagea, sans comprendre. Etait-il sur la défensive à cause du cadre de la mission, où ils avaient comme objectif secondaire de s'en prendre à leur réputation mutuelle, ou ne comprenait-il tout simplement pas qu'un shinobi étranger propose son aide ? Il était même possible qu'il ne comprenne pas que quiconque fasse preuve d'altruisme. Du genre à douter de tout et de tout le monde ? Pas illogique, dans ce monde.

— Bien. Et qu'est-ce qu'il me manque, selon toi?
— Un bon malaxage.

 Le Chikarate ne pu s'empêcher de lever les yeux au ciel. Apparemment il avait entendu ça des tonnes de fois. Du coup, le Tsumyo précisa sa pensée, avec le même ton professoral que lors de ses entraînements à la Cascade.

— Malaxer son chakra n'est pas un exercice générique. Pour chaque application, tu dois avoir une image bien particulière en tête, en fonction de ton affinité et de ta personnalité. C'est ce qu'on appelle l'imagerie mentale dans les bouquins. Est-ce que tu maîtrises des exercices de contrôle du chakra ?

— Me prends pas pour un naze parce que tu m'as battu. Je sais grimper aux arbres.
— Et marcher sur l'eau ? Ou peut être sur des sables mouvants, étant donné d'où tu viens ?
— Jamais eu l'occasion d'essayer.
— Suis moi.

 Sans vérifier si l'Utak s'exécutait, il partit à la recherche de la rivière qui coulait non loin d'ici, celle qui traversait le village et avait été au cœur de la zone de surveillance d'Izul la première nuit. Une fois arrivé, il constata que le genin le suivait effectivement, intrigué. Sa méfiance avait cédé le pas à la curiosité et au désir de devenir plus fort.

Sarouh se mit au milieu de la rivière, avec un naturel écœurant.

— Essaie, comme si tu grimpais à un arbre. Tu vas vite comprendre où je voulais en venir.

 Sans perdre une seconde ni s'interroger plus que ça, son élève du jour tenta... Et tomba dans l'eau avant même son deuxième pas.

— Pourquoi... je n'avais aucune stabilité, pourtant je suis sûr d'avoir libéré du chakra !

— C'est ce que je disais. Utiliser de l'énergie spirituelle n'est pas un exercice générique. Si pour marcher sur la cime d'un arbre, tu dois imaginer une adhérence, pour l'eau c'est légèrement différent. Tu dois imaginer quelque chose de plus diffus, comme un coussin d'air que tu ferais rapidement tourner sous tes pieds et qui continuerait sous l'eau, par exemple. Moi c'est ce que je fais. C'est aussi légèrement plus difficile, la quantité de chakra devant être mieux répartie.

 Tokri rejoignit la berge, trempé et en râlant. Il avait saisi l'idée, mais n'était pas persuadé que ce petit jeu allait lui apporter quoi que ce soit. Il refit un essai, appliqué, et pu faire quelques pas avant de perdre l'équilibre. Le rapide progrès du Chikarate montrait que le Gensouard avait vu juste. En soi, il savait bien utiliser son énergie spirituelle. C'était la concrétisation de son utilisation qui posait souci. Maintenant, il fallait qu'il s'approprie l'exercice et se créé ses propres ancres mentales, nécessaires à la réalisation de jutsus plus complexes.

— Maintenant que tu vois l'idée, on peut reprendre l'entraînement ? Moi aussi, j'aimerais savoir insuffler du chakra futon dans mes armes.
— Mais... T'es pas suiton ? Tu aurais une capacité héréditaire ?
— Nan, j'ai pas cette chance... Seulement une double affinité. Maîtriser deux types de ninjutsu est beaucoup plus dur, comme tu dois cycler les images mentales, justement... Je ne maîtrise qu'un seul jutsu fuuton et j'aimerais étoffer mon arsenal, si tu veux bien m'expliquer comment tu t'y prends.

 L'Utak, bon joueur, se plia au caprice de Sarouh et lui répéta au mot près ce que lui avait enseigné Gomaki. Retournant dans les bois, ils se mirent à deux sur les pauvres arbres qui demandèrent vite grâce. Tokri progressait à nouveau beaucoup plus vite, et le chuunin se hissa rapidement à son niveau. Lorsque le ciel se mit à décliner, ils se séparèrent avec un signe de tête, sans rien dire. Pas très loquace, le bonhomme. Cependant, le Tsumyo était content. Ils y avaient tous les deux trouvés leur compte.

— Allez, à la sieste. La nuit va être longue... Vivement que je rentre, putain.

 Et c'est sur ces belles paroles qu'il rentra à l'hôtel, de retour dans le bruit d'une ville en effervescence.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 10/4/2022, 19:54

Le chuunin rouvrit les yeux avec la très désagréable sensation de ne jamais les avoir fermés. L'espèce de nervosité qu'il ressentait ne voulait pas le laisser en paix. Il soupira, se livra à quelques assouplissements et se prépara pour la nuit. Tenue de combat, sabre, sacoche. Une fois tout en place, il se mit en marche vers la place centrale où aurait lieu le briefing du jour. Les shinobis allaient enfin savoir si leurs mauvais pressentiments se vérifieraient, Chihousou ayant reçu les instructions.

Pourtant à l'heure dans leurs bureaux, Sarouh était le dernier arrivé à la petite réunion. Tokri et Izul le saluèrent d'un mouvement de tête quand il arriva, tandis que Kazuo faisait tout son possible pour ne pas croiser son regard. La dynamique de groupe était bien différente de la première fois où ils s'étaient réunis. Cela n'échappa ni au Masaka, ni à Gomaki, qui pourtant n'en dirent rien. Ce n'était pas si important. Ils allaient bientôt se quitter.

— Bien. Vous n'êtes pas sans ignorer que la mission a pris un tournant inattendu. Les Villages ont statué, pour ce soir.
— Et... ? questionna Sarouh. Gomaki nous reprend le commandement, je suppose?
— Pas loin. Gensou, tout comme Chikara d'ailleurs, ne pense pas qu'il y a eu faute de commandement. Après analyses de nos diverses actions, compte tenu des informations à notre disposition, ils sont parvenus à la conclusion que nous ne pouvions pas nous attendre à une menace pareille. Que tu aies pris tes responsabilités a aussi allégé le débat.

Sarouh lui adressa un petit sourire triste. Inutile de lui dire que son Village faisait bien peu cas de sa vie et que sa blessure leur semblait bien peu de choses contre l'amélioration des relations avec Chikara. Au moins il avait servi les intérêts de la Cascade.

— Pour ce soir, l'ordre de mission diffère, poursuivit Chihousou. Nous aurions dû arrêter la chasse aux brigands, et les laisser se remettre, pour permettre une autre mission de cohésion pour l'année prochaine.
— Pardon ? siffla Tokri.
— Tu as bien entendu. C'est une mission facile, qui rapporte beaucoup. Elle permet de tester les capacités de commandements en situation des chuunins et de former les genins. Et sous couverts de soit-disant saboter nos réputations mutuelles, entraîne les troupes. Et parfois forme la camaraderie.

L'Utak ne répondit pas, mais la colère brûlait au fond de ses yeux. Que tout cela soit un simulacre l'énervait au plus haut point. Comment pouvait-on jouer avec la vie de ces gens, devait-il se dire ? Sarouh n'en pensait pas moins. Le procédé n'était pas très noble. Mais les ninjas ne sont pas des samouraïs, se rappela-t-il doucement. Et l'amitié entre les Villages sauverait sûrement plus de vie que l'attaque de bandits minables ne causerait de dégâts. Il l'espérait.

— En ce qui concerne cet ordre de mission, il est annulé. Maintenant, nous avons pour ordre de protéger la ville d'un dernier assaut. Après, nous devons traquer et éliminer tous les traînards et capturer le chef, vivant. Obtenir un échantillon de la drogue est également une priorité. Au moindre doute de Gomaki, il prend le commandement et peut intervenir à tout instant. Afin d'être les plus efficaces possibles, on garde la même organisation pour la première partie de la nuit, Gomaki intègre les patrouilles en soutien. On a l'autorisation de piéger ces zones-ci, montra le Masaka sur la carte étendue sur le bureau . Nous n'avons plus pour consigne d'épargner les brigands si possible, mais au contraire d'éliminer sans égards tous ceux qui remettraient en cause la suprématie des Villages. Ai-je été bien clair?

Tout le monde opina. Ce n'était ni plus ni moins que le pire scénario que chacun avait imaginé durant l'après midi. La mission de protection avait dévié vers l'éradication. Ils ne pouvaient plus se cacher derrière l'honneur, ça allait tout simplement être un massacre. Et le bien-fondé de tout ça n'était pas clair non plus. Cependant cette nouvelle série d'ordres était relativement bien accueillie, notamment côté Chikarate. Personne n'était d'accord avec l'idée de laisser sévir des brigands dans la région.

Le plus simple était encore de ne pas y penser. Et donc de se mettre en marche. Sarouh, Nika, Kazuo et Izul se mirent en place. La nuit n'étant pas encore tombée, ils pouvaient encore se permettre quelques préparatifs. Il restait encore de nombreuses heures avant une potentielle attaque. Piéger la zone fut un jeu d'enfant. La Hynomori s'avéra particulièrement douée.

— Pour une marionnettiste, les pièges, c'est un peu une seconde nature, s'excusa-t-elle presque devant le regard curieux de ses camarades.

Flèches empoisonnées, projectiles déclenchée par pression, câbles tranchants qui pouvaient décapiter ou déclencher d'autres séries de pièges, quelques parchemins explosifs... Rapidement, les arrivées connues pour rentrer dans Nidikami étaient devenues impraticables. De leur côté, l'équipe Masaka était arrivée au même résultat. La radio était régulièrement activée, Gomaki s'informant de l'état de l'avancement au Sud. Afin de pouvoir intervenir à tout moment il était resté non loin du centre de la ville.

Entouré par les deux kunoichis, Sarouh se sentait plutôt bien. Il se voyait un peu en elles, leur manque de confiance rappelant le sien. Il voyait aussi une certaine noblesse dans leur comportement qu'il appréciait beaucoup. Quelque part, il se sentait accepté. Et le silence auquel se tenait le dernier genin n'était pas pour lui déplaire.

La leçon avait été apprise, finalement. Il se doutait que le naturel du Sabishii reviendrait au galop dés son retour à Gensou, mais tant qu'il lui foutait la paix, il était content. Ils s'assirent en cercle sur le toit d'un bâtiment qui servait de promontoire, non loin des remparts sud-est, servant par là même de tour de guet de fortune. Il leur fallait désormais tuer le temps, à défaut d'autre chose. Le chuunin lança la conversation :

— Alors les filles, ça fait longtemps que vous êtes genins ? Vous avez toujours été dans la même équipe?
— ...Pourquoi? demanda timidement Izul.
— On va faire connaissance. Sauf si vous avez mieux à proposer? J'ai oublié mon jeu de cartes.
— Je croyais qu'on avait pas le droit de draguer, Tsumyo, persifla Kazuo.
—Tu n'es pas invité à la conversation parce que tu es un boulet multi-dimensionnel, ça n'a rien à voir.

Les deux jeunes filles rirent doucement de la remarque, apaisant le Sabishii qui se sentit alors intégré à la conversation acceptant totalement son rôle de clown. De toute manière, il n'avait aucune chance avec la kunoichi aux cheveux bleus clair. C'était bien dommage, ses attitudes, ses mimiques, ses petits sarcasmes lorsqu'elle prenait confiance... Tout cela plaisait bien au dragueur invétéré. Et ce n'était pas Sarouh qui allait le contredire, clairement pas indifférent à son charme. Ni à celui de sa comparse, d'ailleurs.

Les deux genins faisaient la paire. La marionnettiste contrastait tout en discrétion avec sa camarade. Là où Izul n'était que bleu clair, ses cheveux étaient d'un noir foncé intense, où se mêlaient certaines mèches teintes en violet profond, qui se dégradaient de rouge ou de nuances de bleus. Sa frange ne suffisait pas toujours à cacher ses yeux verts foncés. Aussi fines et grandes l'une que l'autre, le jeu des couleurs n'en était que plus saisissant.

Tranquillement installés, ils purent prendre un peu le temps de se calmer et de se voir, pour de vrai cette fois. Si le Gensouard s'était relâché, on pouvait en dire autant de ses camarades. Globalement, le chuunin inspirait une espèce de confiance joyeuse aux deux jeunes femmes. Son sacrifice le premier soir avait bien sûr eu son petit effet, mais surtout, il bénéficiait directement de la comparaison avec son glacial collègue. Elles se sentaient bien mieux là que dans le groupe au Nord.

— Alors, vous tenez le coup ? s'enquit Sarouh
— ...Pardon ? siffla Izul, sur la défensive
— C'est juste que c'est beaucoup à encaisser, je ne vous prends pas de haut. Cette mission était supposée être beaucoup plus tranquille. Je voulais être sûr que vous alliez bien.

Les Chikarates se regardèrent, un peu surprises. Définitivement, elles trouvaient ça bizarre tant de sollicitude. Pas désagréable pour autant, mais la maladivement timide marionnettiste préférerait sûrement qu'il ne la fixe pas avec autant d'intensité quand il lui posait ces questions.

— Si vraiment vous avez besoin d'une raison, vous n'avez qu'à vous dire que j'ai besoin de connaître votre état mental pour savoir si vous allez flanchez ou pas ce soir. Mais avouez quand même que c'est moins sympa.

La future médecin lui accorda un petit sourire et plongea son regard dans le sien, toujours sans répondre, essayant de se cerner mutuellement. Puis elle rendit les armes en faisant un petit mouvement de la main, comme pour éloigner l'insecte métaphorique que représentait leur gêne.

— Ca va beaucoup mieux maintenant. Hier était rude, mais nous avons repris nos esprits. Quelque part, je suis même satisfaite que ça se soit passé comme ça. Je préfère savoir qu'on aura fini le ménage.

— Je suis d'accord. Je suis inquiète pour les villageois. On doit les protéger.
— Et puis ça nous a permis de se rencontrer ! renchérit Kazuo, ponctuant le tout d'un clin d'œil envers Nika, lui faisant instantanément monter le rouge aux joues.
— Parfaitement, enchaina Izul, fichant de nouveau son regard dans le Tsumyo, le vert clair rencontrant l'émeraude, cette rencontre était providentielle.

Ce fut au tour du Gensouard d'être gêné, malgré l'ironie mordante perceptible. Finalement, la douce ninja avait du caractère. Ce petit jeu cessa rapidement, au bonheur de la demoiselle aux cheveux violets, la conversation dérivant sur des sujets plus banals. Académie, premières missions...

— ...Moi j'aimerais bien retrouver une technique perdue par mon clan il y a longtemps et devenir plus forte que mon père ! finit par affirmer Nika.

Elle montrait de la passion pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Et s'il y avait une chose que le Tsumyo respectait, c'était l'amour filial. Dans sa voix résidait une force inattendue venant de la timide Hynomori, comme si elle les défiait de se moquer de son objectif, ce que personne n'avait envie de faire en réalité. C'était au tour d'Izul de prendre la parole, quand les premières détonations résonnèrent : Il était l'heure.

— Ca pète de notre côté, informa Sarouh dans un soupir. Ca dit quoi au Nord?

— RAS pour le moment. Gomaki arrive de votre côté pour s'assurer que rien ne se passe. Je vais faire la chasse de mon côté, en solo, pour éviter un autre fiasco, répondit le Masaka.

Le Tsumyo pouvait sans peine l'imaginer fusiller du regard le reste de son équipe en déclarant cela.

— Entendu.

 Le juunin arriva presque immédiatement, donnant l'air de revenir d'une marche tranquille alors qu'il avait traversé la moitié de la ville en un battement de cil. Il s'alluma une cigarette en faisant un signe de tête au Tsumyo. Il n'y avait pas encore besoin qu'il prenne les choses en main, donc c'était au chuunin de gérer ça comme il l'entendait. Pour l'instant, du moins. Les choses furent organisées simplement : Aller-retours entre les pièges, achever à distance et sans prendre de risque les blessés. Au moindre doute quant à un piège, ce serait à la marionnette de Nika de prendre les devants. Si l'idée ne l'enchantait pas, elle se rendit rapidement à son avis : valait mieux risquer du bois que leurs vies.

 La besogne de nettoyage commença. Si la stratégie du jeune homme n'avait rien d'honorable, elle ne manquait en rien d'efficacité. Il essayait tout de même de faire le pire lui-même, se gardant d'exposer les deux jeunes femmes aux bandits aux jambes arrachées par les explosifs, qui rampaient douloureusement en pleurant sur le sol détrempé. Ce n'était pas beau à voir. Eliminant toute émotion en lui comme il savait si bien le faire, Sarouh poursuivit sa macabre besogne sans relâche. Les fléchettes empoisonnées et les fils tranchants étaient un peu plus propres. Retenant son envie de vomir, il acheva un dernier homme de main d'un coup de katana sec. Aura décapita comme s'il ne s'agissait que de beurre mou, alors qu'il entendait l'ordre de rappliquer au Nord et fissa.

— J'ai trouvé le Big Boss. Tsumyo, on sera pas trop de deux.
— J'arrive.

 Il se doutait de l'euphémisme de Chihousou. Si ça pouvait être réglé simplement, les griffes de fer du géant blond seraient déjà plantées dans le corps du chef, prêt à envoyer direction Chikara. L'escouade Sud se hâta donc, sans s'attendre à trouver le monstre qui croisait le fer avec le Masaka...

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 09:40

L'Utak posait ses derniers pièges, concentré à ne pas céder à la rage qui l'avait envahi depuis le briefing. Tokri faisait au mieux pour éviter le regard de Chihousou qui s'affairait à encadrer l'aménagement de la zone. Trop interagir avec leur chef d'équipe risquait de lui faire perdre le contrôle.

Lorsqu'il eut terminé son secteur, le Genin s'éloigna de ses partenaires. Il bondit sur le toit depuis lequel ils allaient effectuer la surveillance de cette dernière soirée. Quelques minutes plus tard, Mutika le rejoignit.

— Chihousou a vérifié nos pièges et est parti.

— Tant mieux. Ça m'évitera de le tuer, lâcha froidement Tokri.

Mutika s'en retrouva muet durant quelques minutes. Contrairement à son ami, Tokri n'était en rien gêné par ce silence. Le rouquin finit par trouver l'inspiration pour le briser.

— Nika et Izul sont encore avec les Gensouards, soupira-t-il. Tu penses que ça se passera bien ?

— S'ils leur font quoi que ce soit de désobligeant, je les tue. En particulier Sabishii.

Nouveau silence. Cette fois, Tokri s'en sentit mal à l'aise. Mutika faisait des efforts pour occuper leur temps d'attente, il n'était guère correct de sa part de réagir ainsi. D'autant qu'ils venaient tout juste de renouer leurs liens et que son ami n'était en rien responsable de sa colère.

— Désolé, s'excusa l'Utak. Chihousou m'a mis en rogne.

— A propos de la vraie nature de notre mission ?

— Ouais. Mettre en péril un village qui n'a rien demandé par soif de profit, ça me fout les nerfs à vif...

— Ça a toujours été le cas et nous avons été formé pour cela. Même si ce mec est un con, Chihousou n'est pas responsable des décisions des Villages. C'est la loi de notre monde. Être le plus fort, ou se faire écraser par les puissants...

— Ça me fait gerber.

Un troisième blanc tomba subitement. Mutika avait eu l'impression que son ami souhaitait couper court à la discussion. Tokri se sentit obligé de préciser en soupirant :

— Le fait que Masaka applique les ordres sans broncher me met les nerfs à vif. La nature de cette mission ne me surprend pas. Je ne suis pas assez naïf pour me voiler la face à ce point. Mais que ce crétin soit prêt à sacrifier des innocents sans que cela ne lui pose le moindre souci me donne envie...

— De le tuer ? compléta Mutika.

— Ouais, confirma Tokri. Mais il faut voir le positif. On a l'autorisation de faire ce qui est juste : éliminer ces enfoirés jusqu'au dernier.

Mutika ricana, heureux de retrouver le Tokri cassant et justicier qu'il avait toujours connu. L'ambiance s'était détendue. Ce fut au tour de l'Oroshi de relancer la conversation :

— Comment va ta famille ?

— Tu les connais, répondit Tokri en haussant les épaules. Fidèle à eux-même. Okioto est en mission depuis que je suis Genin. Mon grand-père vit seul et a embauché une bonniche pour les tâches ménagères. Le pauvre était démuni sans moi. Quant à Ryul et Utika, ils se prennent la tête à longueur de journée. Toujours le grand amour.

— Content de l'entendre, dit Mutika en souriant.

— Et toi ?

— Toujours pareil.

C'était au tour de l'Oroshi de couper court. Ses yeux se perdirent dans le vague, comme emporté par un tourbillon de pensées. Tokri se mordit l'intérieur de la joue. Faire preuve de tact était décidément une compétence qu'il n’avait pas encore acquise.

Depuis leur plus tendre enfance, Tokri avait toujours connu Mutika écrasé par la présence envahissante de sa mère. Cette dernière avait toujours vu d'un mauvais œil l'amitié entre son fils et Tokri. L'Utak avait toujours eu un comportement hors des clous, cherchant en permanence à remettre en question les faits établis. Voir son fils suivre une telle tête brûlée l'avait mise hors d'elle à de nombreuses reprises. Le coup de grâce avait été leur échec commun lors de leur première tentative à l'examen Genin. Cet événement avait été un électrochoc pour l'Utak, le poussant à se mettre sérieusement à son entraînement et ses études pour ne serait-ce qu'espérer atteindre un jour son objectif.

Il avait été surpris de voir Mutika s'éloigner paradoxalement de lui. Tokri avait vite compris que sa mère lui avait mis une pression plus importante que jamais pour les amener à ne plus s'adresser la parole, eux qui avaient toujours été connus pour être inséparables. L'Utak lui en avait longtemps voulu de s'être laissé influencer.

— Elle n'a pas apprécié que nous soyons dans la même équipe ? se risqua Tokri.

— Bingo, répondit à demi-mot Mutika.

— Je suis pourtant devenu Genin…

Nouveau silence, qui eût cette fois un goût plus pesant que les précédents. Tokri avait peur de comprendre, son poing se referma par instinct.

— Est-ce que... commença Tokri.

Il n'eut pas le loisir de formuler le fond de sa pensée qu'une explosion retentissante l'interrompit. Les adolescents comprirent que les brigands tentaient une offensive. De leur point de vue, Tokri et Mutika comprirent qu’ils étaient aux prises avec leurs pièges. Le résultat ne devait pas être beau à voir. La voix de Chihousou se fit entendre dans leurs oreillettes :

— Tout va bien ?

— Sous contrôle pour le moment, répondit Tokri. Le plan a l'air de fonctionner.

— On les tient à l'œil, ajouta Mutika.

— OK. J'envoie Gomaki à l'équipe Sud, les informa le Masaka. En cas de soucis, appelez-moi. Chihousou, terminé.

La communication achevée, Tokri dirigea toute son attention sur les brigands. Après quelques secondes de hurlements de souffrance et de terreur, les Genins décidèrent qu'il était temps de se rendre sur place pour constater leur œuvre.

L'Utak eut un haut le cœur en arrivant sur le lieu du carnage. Le spectacle était rude au vu de leur jeune carrière. Des traces noires d'explosion meurtrissaient le sol, accompagnées de bouts de viandes à demi calcinées. De ci de là traînaient des membres arrachés à leurs propriétaires. Tokri aurait été bien en peine de reconnaître ce qu'avaient été certains lambeaux…

Mais ce n'était pas ce spectacle qui frappa le plus d'horreur l'Utak. Le souci était que certaines victimes étaient encore en vie, gémissant de douleur et de désespoir. Dépité, Tokri se saisit d'un kunai. Il l'insufla de Chakra Fuuton et s'approcha du premier gémissant aux jambes arrachées. L’Utak se fit un devoir de le fixer droit dans les yeux lorsqu’il lui ficha le projectile en plein front. La mort avait été immédiate. Au moins n'avait-il pas souffert davantage.

Le jeune homme se surprit à trouver l'acte plus simple que la nuit dernière.

Tokri se tourna vers Mutika, qui s'était muni lui aussi d'un kunai. Il tremblait et avait remonté son écharpe jusqu'à son nez pour se protéger de l'odeur de sang qui emplissait l'atmosphère.

— Laisse-moi faire si tu ne te sens pas prêt, lui murmura avec compassion Tokri.

— Non, répondit fermement Mutika. Je dois remplir ma part du boulot.

L'Oroshi exécuta son premier homme. Tokri sentit que son ami était décontenancé par son acte, bien qu'il n'entra pas dans un état de choc, certainement énergisé par le fait que la mission était en cours. Pas le temps de souffler, il digérerait pleinement l’évènement une fois la mission terminée.

Ce fut un soulagement lorsqu'ils passèrent aux blessés plus propres qui avaient été pris par les fils de fer et autres traquenards de ce goût. Pour penser à autre chose et rendre plus automatique ses gestes, Mutika se remit à parler non sans garder son écharpe sur son nez :

— Il y a un truc entre toi et Nika ? demanda-t-il avec une fausse légèreté.

— Pardon ? s'étonna Tokri en abattant dans le même temps un kunai d'un geste sec.

— La façon dont elle te regarde amène à le penser, tenta de se justifier l'Oroshi.

Devant le silence de Tokri, Mutika ne put s'empêcher d'ajouter :

— Et tu n'as pas l'air insensible non plus, du coup je me demandais ...

— Tais-toi, lui intima Tokri.

A peine eut-il prononcé son ordre que le Genin entendit une corde se détendre dans un claquement sec. Il se jeta sur le côté et sentit un trait filer non loin de son flanc. Il s'en était fallu de peu. Tokri regretta de ne pas avoir demandé quelques conseils supplémentaires en matière de piège à Nika.

Pestant contre les failles de leur traquenard, Tokri jaugea le point de provenance de la flèche et y envoya son projectile. Il entendit un choc non loin de lui, suivi d’un juron de la part de Mutika. Tokri n'eut pas le temps de comprendre ce qui se passait que Mutika le heurta avec fracas.

Par-dessus l'épaule de son ami, l'Utak vit un homme tout en muscle fondre sur eux. D'instinct, il poussa son ami sur le côté et intercepta à deux mains le poing de son adversaire. Ce dernier abattit son second poing vers son visage, le forçant à dégager sa gauche pour le bloquer. Le colosse força, mais Tokri tint bon en usant de Chakra pour se renforcer. Le Genin eut tout le loisir d'observer dans le feu de l'action son adversaire du moment. C'était l'archétype de l'homme habitué à la prison : crâne rasé, boucle d'oreille de mafieux et cicatrice sur la joue. L'œil de Tokri repéra quelques détails qu’il sut être d'importance : des veines noirâtres apparentes sur ses bras et en particulier au niveau des tempes.

Une colonne de terre s'éleva à côté de son visage, dans laquelle se ficha une flèche. Tokri comprit aussitôt ce qu'il venait de se passer : Mutika lui avait sauvé la vie. L'Oroshi ne s’arrêta pas là et envoya plusieurs kunai de là où il avait vu venir l’attaque. L'archer bondit de sa cachette, au moment où Tokri se libéra de son assaillant en prenant appui sur son torse, le repoussant de quelques pas. Mutika effectua quelques signes pour générer des étreintes de terre qui stoppèrent net la course de l’archer en s’emparant de ses chevilles.

L'Utak se saisit d'un kunai, le rendit plus tranchant de par son affinité, et l'envoya entre les deux yeux de l'archer. Mutika relâcha sa prise, laissant leur cible heurter avec lourdeur le sol. Les deux Genins firent face à leur dernier adversaire qui n'en menait pas large.

— Putain... Avec plus de Boost S, je vous exploserais !

Tokri haussa un sourcil, surpris.

— Boost S ? s'étonna Mutika, formulant le questionnement muet de son partenaire.

Le rasé sembla se rendre compte de son erreur et fonça vers Mutika en hurlant. Ce dernier effectua les mêmes mudras que précédemment, provoquant l'enlisement des pieds de son vis à vis. Tokri songea à l'épargner pour interrogatoire, mais se rappela les ordres des Villages : pas de survivant, hormis le chef si possible. Et ce n'était clairement pas lui.

L'Utak bondit vers l'homme en chargeant sa jambe de Chakra et le frappa au cou. Le Chikara Sen’puu fit mouche, provoquant un sinistre craquement qui envoya au sol le dernier brigand. Hésitant, Mutika alla vérifier le pouls de l'homme.

— Tu ne l'as pas loupé, déclara-t-il. Nuque brisée.

— Bon débarras, cracha sèchement Tokri.

Leur radio se mit à grésiller. L'Utak prit conscience que Chihousou avait tenté de les joindre plusieurs fois durant le combat. Concentré sur l'action, son esprit avait totalement occulté les appels. Il enclencha le communicateur en appuyant sur son oreillette :

— Désolé, s'excusa t-il. Les pièges avaient des failles, on a dû s'occuper de deux gars.

— Rien à foutre, aboya Chihousou. On a besoin d'aide sur la place du village.

Un brouhaha se faisait entendre derrière eux. Des bruits de combat.

— Le chef, commença t-il avant de marquer un temps d'arrêt comme pour esquiver une frappe. Il nous pose plus de soucis que prévu. L'équipe de Sarouh est déjà là. Magnez-vous de rappliquer !

Chihousou n'avait pas besoin de le préciser. Tokri et Mutika étaient en train de bondir de toit en toit dans leur direction, aussi vite que possible.

— On est en route. Tokri, terminé.

Depuis le début de la mission, jamais il n'avait perçu la moindre nuance d'inquiétude dans la voix du Masaka. Jusqu’à cet échange. Tokri fit en sorte de réfréner toute angoisse. Chihousou et Sarouh étaient sur place, Gomaki non loin. Rien ne devrait arriver à leurs coéquipières.

Malgré la gravité de la situation, il ne put s'empêcher de préciser entre deux bonds.

— Mutika ?

— Oui ?

— On est juste amis.

Mutika mit quelques secondes avant de comprendre de quoi son ami parlait. Lorsque le lien fut établi, il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. S'il devait mourir d'ici peu, il aurait au moins eu le plaisir d'être amusé par Tokri Utak.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 10:09

Le monstre était littéralement cerné. Deux Chuunins et un Genin rien que pour lui. Pourtant, il ne reculait pas d'un iota. Pire, il semblait gagner du terrain de seconde en seconde. Nika en était terrifiée.

Chihousou tentait divers assauts de ses griffes de métal. Sarouh et Kazuo exécutaient des frappes d'estoc et autres tactiques avec leur katana et sabre. Les trois étaient habitués à combattre ensemble depuis quelques semaines. Ce n'était pas le cas d'Izul et Nika qui étaient restés en retrait et attendaient une ouverture pour apporter leur aide.

Jamais l'Hynomori n'avait vu quelqu'un d'aussi grand. Dépassant la hauteur de Chihousou, il faisait facilement plus de deux mètres. Mais contrairement au Gensouard, le chef des brigands n'était fait que de muscles depuis qu'il s'était injecté un étrange produit.

Ils avaient doublé de volume, donnant l'impression à Nika qu'ils essayaient de s'extirper du corps de leur propriétaire. Diverses veines noirâtres apparentes saillaient son cou, son torse et ses bras. Certaines étaient également visibles sur son crâne quasi nu, sur lequel trônait une crête verte claire.

Le punk esquiva un coup de Chihousou d'un pas de côté tout en lui saisissant le bras. Il le fit tournoyer en le soulevant comme s'il ne pesait rien et l'envoya heurter les deux autres. Profitant de l'innatention de l'ennemi, Nika ne se fit pas prier pour activer l'un des mécanismes de Kokuro : des fléchettes tranquillisantes.

A sa grande stupeur, son ennemi parvint à esquiver la première salve en se jetant à plat ventre sur le sol. Il se releva à une vitesse quasi inhumaine aux yeux de l'Hynomori et commença à foncer dans sa direction. Nika activa la seconde salve, puis la troisième. Mais le monstre lui accordait toute son attention et esquiva chaque attaque sans aucun mal.

Dépassée par les événements, Izul était tétanisée...

Calculant le moment où son adversaire serait sur elle, Nika bondit en arrière et parvint à éviter de justesse un puissant coup de poing. Le dopé avait fait l'erreur d'ignorer la marionnette, il en paierait le prix fort. D'un mouvement de doigt, Nika fit fondre son épouvantail sur son monstrueux assaillant, toutes lames sorties. Cinq en tout, qui étaient cachés dans la bouche et les quatre membres de la poupée. Le combattant se retourna et l'attrapa par le torse, frôlant de peu l'une des lames.

Il plaqua Kokuro au sol et leva les bras au ciel. Ses fils de Chakra détachés, Nika ne put que hurler d'effroi en voyant le monstre, dos à elle, fracasser de ses deux poings son meilleur ami, qui vola dans un éclat de bois en un effroyable craquement. Abattue, la marionnettiste eut la sensation que l'on venait de lui arracher un morceau d'elle-même. Elle tomba à genoux, sanglotante et tremblante. Elle n'osa pas lever les yeux, de peur de voir le cadavre de Kokuro.

— Nika ! Cours !

La Hynomori reconnut la voix de sa partenaire. Son cœur refusa d'obéir à cette injonction rationnelle. Elle avait pourtant senti la présence du colosse face à elle, mais son esprit était trop abasourdi et abattu pour penser à autre chose que la perte de son pantin.

Une pression à ses épaules l’intima à se relever. Nika se sentit emporter. Elle leva enfin les yeux et constata qu'elle était dans les bras de Mutika :

— Qu'est ce qui te prend ? l'apostropha-t-il une fois avoir senti son regard.

Nika jeta un œil au-dessus de son épaule et vit Tokri en équilibre sur l'arrière du crâne de leur adversaire. Au vu de la position inclinée de sa tête, l'Utak venait de lui tomber littéralement dessus. Tokri effectua un salto avant et atterrit avec souplesse hors de sa portée. Bien que son adversaire faisait plusieurs têtes de plus que lui, le Genin le toisa froidement du regard sans manifester la moindre crainte.

— Il a détruit Kokuro, dit Nika d’une voix faible.

— Merde, pesta le rouquin.

Le monstrueux brigand se frottait la tête. Tokri était tombé de haut et le choc avait été rude.

— D'où tu sors, morveux ?

L'Utak n'avait pas parcouru la moitié du village pour faire connaissance. Il fondit sur son ennemi et tenta un Chikara Sen'puu, qui fut paré de l'avant-bras. Prenant appui sur sa jambe pour rester en l'air, il donna un puissant coup de son pied libre, paré également. Se sachant en position de faiblesse, Tokri se dégagea en une pirouette arrière. A peine eut-il touché le sol qu'il bondit à nouveau sur son adversaire et tenta de nombreuses feintes et attaques, décidé à ne pas relâcher la pression.

Mutika s'occupait de faire revenir Nika parmi eux. Izul assistait au combat, pestant contre son impuissance. Le monstre parait et esquivait chaque coup. Bien que très rapide pour un Genin, le brigand semblait voir venir chacune de ses attaques.

Tokri esquiva un uppercut en se projetant en arrière tout en lançant un kunai, qui fut paré d'un coup de poing. L'Utak glissa sur quelques mètres en souriant mystérieusement. Le colosse tenta de le rejoindre, mais stoppa sa course lorsque Sarouh s'interposa entre eux, une lance aqueuse en mains. Il hurla en l’abattant, provoquant une impressionnante explosion d'eau qui leur étourdit les tympans. Le chef des brigands hurla de douleur et recula de quelques pas. Pour la première fois depuis le début du combat, il arbora quelques blessures. Bien que superficielles, la vue des plaies donna de l'espoir aux shinobis. Il n'était pas invulnérable.

Le colosse tenait toutefois sur ses deux jambes. Sarouh haletait, peinant à reprendre son souffle. Le Chuunin avait tout donné avec ce Jutsu.

— Je vais t'écrabouiller, menaça le brigand en marchant vers lui.

Malgré son état, Sarouh lui répondit d'un sourire narquois. Kazuo sauta dans son dos, sabre chargé d'électricité. Son arme pénétra son épaule et déchargea l'ensemble du Raiton dans le corps de leur adversaire. Encore trempé, l'effet en fut multiplié. Il hurla à nouveau de douleur avant de s'effondrer lourdement au sol, amenant le sabre à s'extirper du corps dans une giclée de sang.

Voyant leur ennemi à terre, Sarouh traîna des pieds en se dirigeant vers Tokri. Ravis de ce dénouement, Kazuo leva un pouce en signe de victoire. L'Utak se doutait qu'il s'adressait à Nika et Izul plutôt qu’à lui.

— On lui explosé sa tronche !

— Tu crois ça ? tonna une voix qui semblait sortir d'outre-tombe.

La main du monstre se referma brusquement sur le poignet directeur de Kazuo, qui se tordit dans un craquement sinistre. Le sabre tomba au sol dans un tintement de métal qui fut masqué par le hurlement de douleur du Sabishii. Ce cri fut rapidement coupé par un poing qui le fit voler sur plusieurs mètres.

— Kazuo ! hurla Chihousou qui se jeta à nouveau au corps à corps contre le colosse.

Le Masaka s'était tenu à l'écart durant l'attaque en duo de ses compagnons au cas où leur assaut ne nécessite un renfort supplémentaire. Le voyant au sol, le Chuunin l'avait cru mort et avait relâché sa vigilance durant quelques instants. Aux prises avec ce qui ressemblait à présent à un titan, Chihousou pestait intérieurement contre son manque de vigilance.

Tokri repéra un injecteur au sol. Ce fou venait de s'injecter une nouvelle dose de ce mystérieux produit. L'homme était encore plus monstrueux qu'auparavant. Il avait de nouveau gagné en taille, dominant de quelques têtes le Masaka. Ses muscles avaient doublés de volume et semblaient prêts à éclater, tout comme les veines sombres qui avaient suivi leurs enflements. Ses yeux étaient injectés de sang à la teinte sombre. Le plus dramatique dans ce spectacle était que la blessure infligée par la lame de Kazuo terminait de se résorber.

— Fais chié, pesta l’Utak en envoyant un shuriken.

A sa grande stupéfaction, le projectile rebondit contre le dos de leur adversaire. Le colosse ricana tout en réussissant à frapper au visage Chihousou, qui parvint toutefois à tenir sur ses positions.

— T'inquiète pas morveux, ton tour viendra bientôt.

Décidé à avoir la peau du bandit, Tokri insuffla du Fuuton à un second projectile et l'expédia dans le dos de leur ennemi dès que l’occasion se présenta. Cette fois, le shuriken se planta dans sa cible. Tokri jubila intérieurement. Le Fuuton était un danger pour ce cinglé !

— Chihousou ! hurla l'Utak tout en se munissant de deux kunais. Fuuton !

— Tu t'imagines que c'était pas déjà le cas abruti ? répliqua Chihousou en esquivant un poing.

— Ducon, marmonna Tokri.

L'Utak se tourna vers Sarouh, Izul, Mutika et Nika qui s'était regroupé non loin de lui.

— Trouvez un truc.

Et il s'élança.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 11:34

— Trouvez un truc ? Il en a de bonnes ! pesta Mutika.

Izul ne l'écouta pas. Elle suivait avec anxiété le combat qui venait de reprendre tout en faisant fonctionner à pleine vitesse ses méninges. Sa passivité depuis le début du combat la minait. Le choc des transformations du brigand l'avait tétanisé, aussi bien physiquement que mentalement. Voir ses coéquipiers se démener pour en venir à bout l'avait réveillée en un électrochoc de motivation.

La Genin aux cheveux bleus n'avait pas un arsenal de combat impressionnant. Elle ne connaissait qu'un Jutsu Suiton, l'élément de l'Eau, n'était pas particulièrement douée en Taijutsu et ne connaissait du Genjutsu que la théorie. Sa maîtrise du Chakra, ses neurones et son esprit logique étaient ses meilleurs atouts.

Tokri esquiva de peu un coup et tenta de planter un kunai dans le bras du monstre, qui parvint à le frapper à l'estomac avant que la lame ne le transperce. Ne lui laissant pas le temps de cogner à nouveau le Chikarate, Chihousou ne parvint qu'à lui porter une estafilade au torse.

— Peut-être un Genjutsu ? suggéra Mutika en jetant un regard à Sarouh.

— Déjà tenté avant votre arrivée, répondit Sarouh qui avait récupéré un peu de souffle. Ça a échoué. J'ai voulu le court-circuiter rapidement quand il s'est fait sa première injection. Une grande quantité de Chakra pour rien...

— Super efficace le Genjutsu.

— De l'intensité que j'y ai mis, ça t'aurait mis à terre pour au moins deux jours, répliqua froidement le Tsumyo. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé avec lui ! Mon attaque a fonctionné quelques secondes, puis plus rien. C'est comme si son Chakra était perturbé à un point rendant le Genjutsu inefficace.

— Les lames de Kokuro étaient imprégnées de poison paralysant, ajouta Nika. Je suis certaine que l'une d'elles l'a suffisamment touché. Sa résistance est effrayante !

Izul retira une mèche de cheveux qui s'était glissé devant ses yeux tout en observant Tokri se prendre un coup de genou en plein menton. Un coup de coude failli faire chuter Chihousou. Les deux shinobis perdaient de plus en plus de terrain et essuyaient bien trop de frappes compte tenu de la force destructrice de leur adversaire. Il allait falloir faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. Izul avait écouté l’échange entre ses partenaires et intégrait les informations à sa réflexion.

La Genin hésita à rejoindre Kazuo pour tenter de le soigner, mais cela l'aurait amené à contourner les combattants. Le risque était trop grand d'attirer l'attention du monstre. Espérant que Kazuo n'était pas grièvement blessé, elle décida de le tenir de fait à l'écart. Un début de plan en tête, elle se tourna vers Sarouh :

— Tu es en état de te battre ?

— Ce sera difficile, avoua le Chuunin. Le Genjutsu et la lance aqueuse ont consommé la quasi-totalité de mon Chakra.

— Je vois, répondit-elle, pensive.

Une possibilité en moins. Toutefois, un plan était prêt dans son esprit. D'une voix peu assurée, elle annonça :

— Je crois avoir une idée.

Ses partenaires se tournèrent vers elle, intrigués. Elle ajouta à l'adresse du Tsumyo :

— Sauf si tu veux tenter quelque chose. Tu es le plus gradé parmi nous après tout.

— On s'en fout, assura fermement Sarouh. Des effectifs restants de Gensou, Kazuo est hors-jeu et Chihousou est trop occupé à nous faire gagner du temps. Tu connais tes partenaires mieux que moi. On t'écoute, Izul.

La Genin prit une profonde inspiration. Elle noua ses cheveux bleus tout en jetant un œil à Tokri qui venait de se prendre un nouveau coup au visage. Sans comprendre pourquoi, Izul sentit son coeur se serrer. Déterminée, elle déclara :

— Ok. Voilà ce que l'on va faire.

*******

Venant d'encaisser un puissant coup de poing, Tokri retira le sang qui coulait de sa lèvre inférieure. Il passa sa manche sur une plaie au-dessus de son œil, ayant la vue obscurcit par instant. L'Utak enrageait. Malgré tous leurs assauts, le muté semblait inépuisable. A l'inverse, les deux shinobis peinaient de plus en plus comme en témoignaient les nombreuses blessures qu'ils arboraient.

Tokri resserra ses prises sur ses kunais. Leur ennemi lui tournait le dos et luttait contre Chihousou. Il songea à lui envoyer les projectiles, mais l'Utak savait que cela ne suffirait pas. Pour l'éliminer, il allait falloir être le plus vif. Il guetta une ouverture et, lorsqu'il la vit, fonça. Le Genin bondit avec l'intention d'atteindre le haut de son dos et de lui trancher la carotide.

Malheureusement, les sens anormalement surdéveloppés du colosse eurent raison de la vitesse du Chikarate. Il éloigna Chihousou d'un violent coup de pied au torse, se retourna pour saisir Tokri à la gorge et l'envoya contre son supérieur. Les shinobis ne purent rien faire d'autre que de choir au sol. Le monstre éclata de son sinistre rire :

— Ça se la raconte moins maintenant que les jeux sont équilibrés hein ?

Il tenta de faire un pas vers eux mais fut soudainement cloué sur place. Tokri regarda ses pieds et vit qu'ils étaient soudés au sol par un amas de terre solidifié. Le muté tira rageusement sur ses jambes, ne parvenant qu'à craqueler légèrement ses liens.

Il releva la tête bien trop tard. Izul avait bondit, un globe d'eau en main qu'elle fit exploser au visage de son vis à vis. L'attaque n'avait rien de dangereuse mais la jeune femme avait visé un point bien précis. Aveuglé, le colosse rugit de frustration en portant ses mains à son visage.

Tokri s'apprêta à exploiter cette ouverture lorsqu’il sentit la main ferme de Chihousou se poser sur son bras. Il lui jeta un regard aussi furieux qu'accusateur. Bien que ne pouvant pas le voir, le Chuunin dût en ressentir les énergies négatives car il prit la peine de lui signifier :

— Fais confiance en tes partenaires.

Au moment où le Masaka termina sa phrase, Nika Hynomori, joues gonflées, apparut d'un bond dans le dos de leur ennemi. L'Utak reconnut le signe de mains que maintenait son amie pour l'avoir régulièrement vu durant leurs entraînements.

— Gokkakyu no jutsu, chuchota t-il.

La marionnettiste souffla un puissant jet de flamme sur le muté, qui hurla cette fois de douleur. Il plia genou au sol tandis qu'une odeur de chair brûlée emplit l'atmosphère. Durant un bref instant, les shinobi crurent que c'en était fini. Mais la silhouette encore fumante fonça telle une ombre vengeresse vers la fautive de sa douleur.

— Putain ! rugit Chihousou en se précipitant à sa suite.

Le ninja aveugle n'eut pas le temps de s'interposer. Ce ne fut pas le cas de son collègue aux cheveux bleus, qui s'était approché malgré son épuisement tout au long de l'action et avait guetté le moindre signe de vie de leur terrifiant ennemi. Sarouh bouscula sans ménagement l'Hynomori et n'eut d'autre alternative que d'encaisser son coup de pied. Le Tsumyo fut propulsé sur quelques mètres, heurta le sol en plusieurs roulés-boulés avant de finir inerte.

Chihousou fut à deux doigts de transpercer le mutant, mais ce dernier redoubla de vivacité et le sonna d'un violent uppercut. Ne laissant pas le temps au Gensouard de se reprendre, il le saisit au visage, le souleva de quelques centimètres au-dessus du sol et le fracassa au sol. Quelques dalles pulvérisées volèrent autour d'eux.

Ne sachant que faire pour l'aider, Tokri entendit Izul lui chuchoter à l'oreille :

— Fonce lui dessus tant que son attention n'est pas sur nous. Vite !

Tokri sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il n'avait pourtant pas le sentiment d’avoir peur, trop énergisé par l'adrénaline du combat.

L'inhumain tenta de lever un pied pour achever le shinobi, mais se retrouva une fois de plus vissé par des prises de terre. Le mutant repéra la source du Jutsu.

— Putain de morveux ! rugit-il à l’adresse du rouquin.

Ce fut le moment que l'Utak choisit pour lui bondir dessus, deux kunais prêts à égorger leur inépuisable adversaire. Ce dernier interrompit sa tentative en le saisissant à la gorge :

— Vous allez crever bordel ?

— Toi d'abord connard, lui cracha Tokri avec le peu de souffle dont il était encore capable.

Une lame s'enfonça dans l'œil du muté, qui hurla de douleur presque aussi fort que lorsque Nika l'avait brûlé. D'un mouvement réflexe, il frappa Izul avec le corps de Tokri dans l'unique but de les éloigner tous les deux. Heurtant douloureusement le sol, l'Utak en perdit ses armes.

— Putain de gosses de merde ! Je vais vous éventrer, vous briser, vous anéantir !

Ivre de fureur autant que de douleur, le colosse parvint à briser ses liens Doton et fonça vers les deux Genins qui eurent juste le temps de se relever avant de le voir filer à côté d'eux. Tokri comprit trop tard qu'ils n'étaient pas sa priorité du moment.

— Mutika ! Éloigne toi ! hurla-t-il à son ami.

Le Genin savait pertinemment qu'il n'avait nul endroit où fuir. Une seule option se présentait à lui. Il composa donc rageusement ses mudras, générant colonne sur colonne en espérant que l'une d'elles fasse mouche. Le muté enchaîna malheureusement esquive et destruction des Doton d'un simple coup de poing. Lorsqu'il fut trop proche, Mutika se saisit d'un kunai mais n'eut pas le loisir de s'en servir. Son souffle fut coupé par le choc qui creusa momentanément son estomac. Gardant appui de son poing contre le ventre de l'aspirant shinobi, le mutant le souleva avec délectation jusqu'à l'amener face à son visage.

— Dégage.

Il projeta le corps de Mutika en l'air. Le rouquin sembla léviter quelques instants et, lorsqu'il commença à tomber, fut frappé en plein visage. Mutika heurta le sol tout comme Sarouh quelques instants plus tôt jusqu'à stopper sa course en fracassant un étal en bois.

Nika avait rejoint Izul et Tokri. Ce dernier sentit la terreur qui s'était emparé de ses partenaires. Même lui peinait à conserver son sang froid. Ils étaient les derniers en état de combattre, mais la victoire semblait bien loin malgré tous leurs efforts.

— On fait quoi maintenant ? demanda l'Hynomori d'une voix tremblante.

— Je n'ai plus la moindre idée, avoua Izul en tentant de conserver une respiration régulière.

Le colosse se tourna lentement vers eux. Ses blessures lui donnaient une aura encore plus effrayante. Sa peau grisâtre se détachait et était complètement carbonisée par endroit. Durant une fraction de seconde, il sembla boiter. Il se reprit bien vite et adressa un sourire cruel à l'attention des trois Genins, traversé par le sang provenant de son œil crevé.

Tokri réfléchit à toute vitesse. Kokuro était brisé. Leurs alliés ne donnaient plus signe de conscience. Y avait-il des morts dans leurs rangs ? L’Utak bannit cette pensée de son esprit. Ce n’était pas le moment de s’en inquiéter.

De front, Izul et Nika ne pouvaient plus rien faire. L'Utak se doutait que leur ennemi ne se laisserait plus avoir par les techniques respectives de ses amies. Quant à lui, ses aptitudes au corps à corps lui avaient permis de gagner du temps jusque-là. La conclusion se présentait d'elle-même à son esprit.

— Lorsque je sortirai des armes, fuyez, ordonna t-il en un chuchotement.

— Pardon ? s'étouffa Nika tout en maintenant sa voix au plus bas.

— Hors de question de t'abandonner ! l'accompagna Izul en peinant à ne pas hurler.

Le colosse fit un pas vers eux. Il semblait prendre plaisir devant les mines terrorisées des derniers ninjas. A moins qu'il ne reprenait son souffle et que ses blessures l'handicapaient bien davantage que Tokri ne l'avait cru ? Si la seconde option était la vraie, peut-être avait-il une chance de l’achever.

— Je suis le seul à pouvoir espérer tenir face à lui. Si vous restez, vous me gênez. Barrez-vous et allez chercher Gomaki !

— Tu n'as aucun droit à nous donner des ordres, hurla Nika, perdant le contrôle de ses émotions.

— Je t'interdis de te sacrifier, lui souffla Izul qui commençait à sentir les larmes lui venir aux yeux.

Le sourire du muté s'esquissa davantage. Il avait entendu le cri de l'Hynomori et semblait trouver la situation encore plus amusante. Il pressa le pas. Tokri comprit que son ennemi voulait leur forcer la main. L'Utak fonça vers lui en lui jetant une salve de shuriken acérés au Fuuton tout en hurlant :

— Décarez d'ici putain !

Le muté esquiva les shurikens et fonça également vers le Genin. Mais il ne fit que deux mètres avant d’être saisi par un nouvel amas de terre, bien plus importante en quantité que précédemment. Il eut tout juste le temps de jurer qu’une prison Doton emprisonna la quasi-totalité de son corps. Il parvint à maintenir un bras en dehors de sa prison, tandis que sa tête fut épargnée. Tokri stoppa sa course et vit son sensei atterrir tranquillement devant lui. Gomaki se tourna vers son élève en affichant une expression peinée :

— Navré d'avoir été aussi long. Plusieurs brigands ont réussi à pénétrer le village. Ça m'a pris plus de temps que je ne l'aurai voulu de tous les éliminer.

Le Jounin balaya du regard le champ de bataille. Les dalles de la place centrale étaient détruites à plusieurs endroits, plusieurs étals avaient été saccagés. Il constata également que seul Tokri, Nika et Izul étaient encore debout.

— Bon sang...

De son côté, Tokri se tourna vers Izul et Nika pour constater qu'elles n'avaient pas bougé d'un pouce. Le jeune homme ne put retenir un soupir d'exaspération.

— T'imaginais vraiment qu'on allait détaler ? le taquina Nika, soulagée par ce dénouement.

Gomaki reporta son attention sur son prisonnier en s'avançant vers lui.

— Tu vas devoir t'expliquer.

— Sur ton cadavre enfoiré ! rugit le paralysé.

Entendant cela, Tokri remarqua bien trop tard que le colosse tenait un injecteur de sa main découverte.

— Gomaki ! Il va se remettre une dose !

Le Jounin exécuta un mudra afin d'étendre la prison Doton à l'ensemble de son corps, mais c'était sous-estimé la détermination du titan. Forçant ses muscles dans un effort surhumain, il parvint à planter la seringue dans sa nuque et s'injecta. Il commença aussitôt à gonfler, craquelant sa cellule de terre en hurlant tel un démon. Gomaki se jeta en arrière et leva les poings devant son visage :

— Partez, ordonna t-il.

— Vous n'allez pas nous faire ce coup là vous aussi ! protesta Nika.

— Je suis votre supérieur. Obéissez !

Lorsque le géant fracassa en éclat sa prison, Tokri saisit fermement les poignets des deux jeunes femmes et les força à fuir avec lui. Le jeune Genin avait une confiance totale en Gomaki Myô. Ce dernier ne semblait nullement inquiet par la situation, cela lui suffisait pour lui confier la suite des opérations. Mais à peine eurent-ils fait quelques mètres qu'ils entendirent le Jounin les interpela. Les Genins stoppèrent leur course et virent que le colosse était à terre. Gomaki l'avait vaincu si rapidement ?

Leur mentor, qui semblait tout aussi surpris que ses élèves, se pencha sur le corps pour poser deux doigts sur la gorge du drogué. De la bave blanche était visible aux bords de ses lèvres. Ses yeux grands ouverts semblaient figés quelque chose d’inaccessible à leurs visions. Le Jounin lâcha sobrement :

— Aucun pouls. Il est mort.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 11:36

Sarouh ouvrit les yeux alors que la douleur vrillait à travers son corps. Serrant les dents pour ne pas laisser échapper de gémissements, il fut happé par ses souvenirs de l’affrontement. N’ayant pas totalement sombré durant le combat, il avait eu conscience de manière parcellaire de la fin et qu’ils avaient fini par l’emporter, sans trop savoir comment.

Il réalisa qu’il était seul alité, dans sa chambre lui rappelant amèrement le premier soir. Une puissante vague d’agacement envahit le chuunin, face à son impuissance, encore. Au cours des trois dernières années, qu’avait-il donc accompli, pour sans cesse devoir contempler l’étendue de sa faiblesse ? Comme pour répondre à son énervement, une autre vague de douleur le tordit en deux et ce faisant, lui fit encore plus mal. Si ce coup était moins spectaculaire que la lame qui l’avait perforé le premier soir, il était bien plus mortel. Si Nika ne l’avait pas tiré en arrière à l’aide de fils de chakra, amenuisant l’impact, ses organes auraient été détruits sur le coup.

Sans se poser plus de questions que ça, Sarouh avait assumé son rôle de pivot défensif dans la formation improvisée des Chikarates, se servant du reste de son chakra pour améliorer ses excellents réflexes et sa vitesse. Pourquoi se mettait-il sans cesse dans cette situation ? Faisait-il si peu cas de sa propre existence…? En regardant au fond de lui, le chuunin ne vit que l’abysse. Son nindô était désormais vide de sens et malgré le temps qui passait, il n’avait jamais su en avoir un autre.

Ses relations avec Takaneiki et Naniki demeuraient excellentes, mais son élévation de grade les éloignait de plus en plus. Finalement, le jeune homme aux cheveux bleus était seul au monde. Il continuait à agir selon des convictions qu’il n’était plus sûr de vouloir. En son for intérieur, il se sut cependant incapable de laisser l’Hynomori mourir sous ses yeux, alors qu’il re-déroulait mentalement la scène. Ne lui restait qu’à devenir plus fort, s’il ne voulait un jour être capable de protéger les siens. Même s’il commençait à douter que ce mot ait du sens un jour.

La vague de souffrance diminuant, le chuunin se remit précautionneusement en position assise. Ce coup-ci, il lui faudrait du temps pour fonctionner de nouveau normalement, quelle que soit la qualité des soins. Revenir chez lui impliquait un long voyage en compagnie du Masaka et de Kazuo. Inutile de dire que l’ambiance serait mortifère et le trajet douloureux. Aucune chance que Chihousou respecte sa condition, il préférerait rentrer vite et oublier que cette mission avait un jour eu lieu. Alors, Sarouh se retrouverait à nouveau à enchaîner les missions en tant que bouche-trou dans des équipes éphémères. Le semi-échec de cette mission lui retomberait dessus à un moment donné, servant de prétexte pour continuer à le placarder. Le rêve, en somme.

Alors qu’il réfléchissait à un semblant de plan pour se sortir de là, il entendit frapper à la porte de sa chambre. Faisant de son mieux pour masquer tout signe de souffrance, il invita à rentrer, sans se lever. Izul Leïl se montra dans la pièce avec un petit sourire. Sarouh se détendit un peu avant de lui rendre tant bien que mal. De tous les membres des deux équipes, la future médecin était celle qui le stressait le moins.

— Tu peux pas t’en empêcher, hein ? le taquina-t-elle

— Lâche-moi Izul…

— Je plaisante, détends-toi. Merci. Pour Nika. Elle aura du mal à se remettre pour Kokuro, mais elle est en vie.

— C’était notre travail. Si moi je suis encore là, c’est grâce à vous, qui avez terminé le combat.

— Même. Tu n’avais pas pour mission de nous protéger ni elle ni moi, et pourtant tu l’as fait, je voulais… Enfin, laisse tomber. Montre-moi tes plaies, au lieu de jouer au shinobi modèle.

Sans ménagements, sûrement un peu agacée par son incapacité à dire ce qu’elle avait sur le cœur, la jolie kunoichi commença à défaire les bandages de Sarouh, pour inspecter son ventre en détail. Ce n’était pas beau à voir. Violacé, confinant au noir par endroit, il sentit sous les doigts experts d’Izul qu’il avait beaucoup saigné à l’intérieur. Cependant, elle eut l'air soulagée.

— Bien… Ca n’a pas empiré. Comme tu peux le voir, tu as eu une sévère hémorragie interne. On a réussi à suturer ça, mais il va te falloir de meilleurs soins si on veut éviter la nécrose des tissus.

— La nécrose… ? Je ne suis pas sorti d’affaire donc… Combien de temps j’ai devant moi ?

— Quelques jours, tout au plus. Après, ta fièvre va exploser. La chair morte va se répandre dans ton corps et même nos meilleurs médecins ne pourront plus rien y faire.

— Ça ne me laisse pas beaucoup de solutions…

— Et non ! Tu reviens avec nous à Chikara !

Le jeune homme se surprit à en éprouver de la joie, alors qu’il croisait le regard de sa sauveuse. Après tout, les deux jeunes femmes avaient été adorables pendant le temps passé ensemble et il se réjouissait de pouvoir faire durer le plaisir un peu. Et c’était réciproque, la jeune femme aux cheveux bleus cachait mal son enthousiasme à le ramener au bercail.

— Tu vas voir, tu seras bien là-bas. Chikara a de supers médecins, un temps idéal pour la convalescence et… On pourra continuer à se voir un peu.

— J’y suis déjà allé, tu sais ? Je suis venu faire un tournoi, il y a… un peu plus de deux ans. Je n’ai pas passé la phase de poule mais c’était intéressant. J’ai adoré mon séjour…

Les souvenirs le prirent par surprise quelques instants, mais le chuunin s’en détourna pour mieux se concentrer sur la kunoichi.

— Et les autres, comment vont-ils ?

— Surprenamment bien figure toi. Mutika est plus solide qu’il en a l’air. Et il a eu beaucoup de chance. Ses organes ne se sont pas mis à saigner, contrairement aux tiens. C’est essentiellement les abdominaux qui ont encaissé le plus gros des chocs. Plusieurs de ses côtes ont tenu leur rôle en cassant net. Il s’en sort très bien. Il doit impérativement éviter tout choc, mais il peut bouger.

Izul marqua un temps de pause pour le laisser absorber l’information, avant de passer aux autres membres de l’équipe.

— Pour Chihousou, par contre… Comment dire… Franchement, il devrait être mort. Apparemment il a pu dévier les impacts avec le futon d’une part, et avec son chakra il s’est partiellement renforcé, mais même comme ça, je suis très surprise. Il est déjà sur pieds. Aucune lésions graves.

— C’est un soulagement.

— Parce qu’il ne te suivra pas à Chikara c’est ça ?

  La jeune femme lui adressa un clin d’œil et Sarouh dû se retenir de rire, pour éviter la douleur. Elle l’informa que Kazuo n’avait qu’un poignet cassé net qui guérirait vite. En soi, ils pouvaient revenir à deux aux villages des illusions sans craintes. Le Tsumyo était le seul à en être incapable. Les blessures de Tokri étaient nombreuses, mais légères, son incroyable condition physique jouant en sa faveur. Son expérience du taijutsu lui avait appris à diminuer la puissance des coups qu’il recevait. Sarouh considéra une seconde que plus tard, il serait un formidable adversaire. Nika avait eu plus de peur que de mal, pareil pour Izul. C’était donc le dernier jour de la mission C. Aucune victime civile n'était non plus à déplorer.

  Ensuite, elle lui raconta la fin de l'affrontement, jusqu'au presque sacrifice de Tokri, à l'arrivée de Gomaki. Encore une fois, le taciturne jeune homme montait dans l'estime du Tsumyo. Lui aussi était capable de mettre en jeu sa vie pour ce qui comptait. Globalement, leur survie à tous tenait du miracle. Il entendit la voix de la jeune kunoichi se serrer, alors qu'elle le revoyait leur intimer de fuir. Finalement, si Gomaki n'était pas intervenu, ils seraient morts tous les trois.

— D'ailleurs... Comment ça se fait qu'il n'est pas arrivé plus tôt? Sans vouloir lui manquer de respect, de simples clones auraient réussi à arrêter les autres bandits. Pourquoi il n'est pas intervenu immédiatement lorsque nous avons été en difficulté? demanda le chuunin avec une moue ennuyée

— A cause d'un simple problème technique. Après que vous ayez demandé à Tokri de revenir, vous avez bien dû remarquer que les radios ne répondaient plus.

— C'est... Une troublante coïncidence.

— Tu n'es quand même pas en train d'accuser notre sensei ?!

— Non du tout. Pour tout te dire, je lui ferais plutôt confiance d'instinct. Je pense surtout qu'ils avaient un brouilleur.

— Pardon ? De simples bandits?

— C'est une suggestion, mais le timing me semble bien trop parfait... J'en parlerai aux autres, on verra ce qu'ils en pensent. Chihousou a peut-être remarqué quelque chose qui m'a échappé. Ou je suis parano.

  La kunoichi se calma. Une lueur de curiosité et d'intérêt dans le regard. Elle partageait les déductions du jeune chuunin. Mais ça ne collait pas. Il y avait trop de trous dans cette histoire. Izul avait commencé à imaginer plusieurs scenarii, prenant en compte les intérêts de chaque village et ce qu'elle savait de chacun d'entre eux. Quelque chose dans cette fausse mission C les dépassait. Peut-être que le Tsumyo arriverait à finir sa réflexion?

  La douleur reprit Sarouh, qui dû lutter pour garder son souffle, alors qu'Izul lui ordonnait de se détendre. Les mains froides de la jeune femme sur son ventre lui firent du bien.

— Repose toi encore un peu. Tu as deux heures avant le rassemblement. Ensuite, il faudra partir. On ne peut pas attendre trop longtemps dans ton état. J'en ai informé Gomaki, maintenant que nous avons ton accord, Chihousou devrait nous laisser t'embarquer sans mal.

 Elle sortit sans attendre la réponse qu'il n'aurait pas pu formuler même s'il en avait envie. Alors que la douleur refluait, la fatigue l'envahit. Il se laissa aller à une sieste sans rêve.

****

 A son réveil, toute la fine équipe entra à son chevet. Ils étaient tous plus ou moins marqués par l'affrontement, mais globalement ils semblaient aller bien. Sarouh se surprit même à rendre son sourire au Sabiishi. Ce n'était pas un mauvais bougre, malgré son indiscipline. Les membres comme eux étaient indispensables pour le moral des troupes et Kazuo avait su se rendre utile. Sans ses décharges de raiton, le combat aurait pu prendre une bien plus sinistre tournure. Le semblant de synergie des Gensouards avait forcé à elle seule le brigand à monter à trois doses. Ça devait bien vouloir dire quelque chose.

— Bien maintenant que la princesse s'est réveillée, que fait-on ? demanda-t-il, se faisant incendier du regard par un Chihousou d'une mauvaise humeur sans précédent, et c'était peu dire.

— Déjà, je vais vous communiquer ce que je rapporte à Gensou. Je compte sur vous Gomaki pour en faire de même pour Chikara. Ensuite, il faut décider de ce qu'on fait de lui là.

— Enfin, la question ne se pose pas ! Soit il vient à Chikara, soit il meurt, exposa Izul d'une voix glaciale.

— Le choix te revient Tsumyo. Gensou n'aura aucune exigence à ce niveau là. Et comme tu as tant à cœur les relations inter-villages, tu pourras faire valoir que vos sauvetages mutuels ont renforcé la cohésion, j'imagine.

— J'y compte bien, acquiesça le concerné.

Il ne sentait aucune animosité dans la voix du Masaka, seulement de la fatigue devant l'accumulation de problèmes qu'avait représentée cette mission. Au vu de la difficulté de celle-ci, finalement, il se respectait. Pas en tant qu'hommes, mais en tant que soldat. Ils n'auraient aucun mal à travailler de nouveau ensemble et ils le savaient.

— Donc ça c'est réglé.

 Le Masaka enchaîna sur le récit succinct des événements de la nuit. Personne n'eut rien à rajouter à son rapport, à l'exception de Sarouh.

— Dis, Chihousou, tu ne trouves pas que cette panne radio tombe trop bien? Ton ouïe surpuissante, est-ce qu'elle perçoit les basses fréquences?
— Non... Tu penses à un brouilleur? En plus de la drogue? C'est du matériel militaire de pointe...
— Pas plus que la substance utilisée. Il est possible qu'ils aient un soutien puissant.
— Un Village...?

 La défiance s'installa immédiatement dans la pièce. Elle était belle l'Armistice Shinobi.

— A vrai dire, j'en doute. C'est pas le genre de la maison. Trop de traces. Mais l'Histoire a son lot de déchets. Des Séparatistes aux fous, on a de tout. Un effort commun sera nécessaire pour éviter que l'ambiance de cette pièce ne vienne contaminer le monde entier. Ma guérison à Chikara servira aussi à montrer notre bonne foi. Je suppose que vous avez retourné l'endroit et rien trouvé. Deux options : Je me trompe et tout va bien. J'ai raison et ils ont nettoyé ce qui rend la situation plus préoccupante encore. Je serais vous, je présenterais la pire version.

  Un autre silence s'installa. Sarouh reprit son souffle. Il avait déjà beaucoup parlé. Maintenant, c'était aux responsables de voir ce qu'ils faisaient du raisonnement. Le Tsumyo avait du mal à se sentir concerné par ces événements et leurs horribles implications, pour une raison qui lui échappait. Peut-être qu'il se fichait un peu de savoir comment le jeu de pouvoir allait changer. Chaque année passant, le shinobi croyait un peu moins à la paix. Si une guerre éclatait, il se battrait aux couleurs de Gensou, mais sans plus de convictions que ça. Yassin de Mahou, Izul de Chikara, méritaient-ils vraiment que l'on se batte contre eux, finalement? Pour protéger qui?

— C'est pour ça que tu en parles maintenant... Je comprends...

 Tous les regards se tournèrent vers Nika, surpris et curieux, à l'exception de Sarouh qui lui accorda un petit sourire. Elle était futée cette marionnettiste. Futée et dangereuse. Leurs regards se croisèrent, l'intimant silencieusement à prendre la parole. Même si elle était restée prostrée depuis la destruction de Kokuro, la jeune Hynomori n'avait pas pour autant cessé de réfléchir. Hésitante, elle finit par donner son raisonnement:

— Il fait ça pour nous obliger à coopérer. Il aurait pu n'en parler qu'à Chihousou. En forçant maintenant et tout de suite le dialogue, devant tous, il retire à Gensou un éventuel coup d'avance et oblige Chikara de tout de suite mettre en place des moyens adéquats et en coopération avec la Cascade. Si on ne répond pas, on se montre très hostile à la paix. Les relations entre nos deux Villages ont toujours été plutôt bonnes. Il compte là-dessus et espère aussi blanchir son Village, nous indiquant par là qu'il n'est pas responsable. Mais en réalité, votre équipe aurait totalement pû être sacrifiée pour masquer cet état de fait. Mais du coup... Ça veut dire...

 Une lueur de compréhension supplémentaire vînt s'inviter dans ses yeux verts alors que l'excitation du raisonnement venait désinhiber la timide aspirante. Se pourrait-il que Sarouh n'ait pas réfléchi jusque là? Ou alors il se fichait de s'être possiblement mis dans une situation de traître en parlant? La joueuse d'échecs en elle ignorait le degré de lecture du jeu de son coéquipier de circonstance.

— Ca veut bien dire que je me moque totalement de savoir si Gensou est ou pas derrière cette action, quitte à être réduit au silence par la suite, tu as bien compris. L'important est de préserver ce simulacre de paix tant qu'on peut, je joue la carte qui augmente cette possibilité. Si c'est Gensou, ils simuleront la coopération en nettoyant et ça s'arrêtera là, de toute manière.

  Il toussa, lui arrachant un gémissement. Peut-être surestimaient-ils l'importance de ce qui se passait ici. Peut être que ce n'était pas grand chose. Dans ce cas, il s'exposait peu. Gensou ne lui faisait pas confiance de toute façon. Mais s'il avait raison, Sarouh prenait de gros risques en indiquant clairement sa position et il en était conscient.

— Fais attention à toi Tsumyo. Tu sais que je répéterai tout au Q.G.

— Ca aussi j'y compte bien, tu es l'exemple même de la discipline. Mais je prends un risque modéré. C'est trop bourrin pour venir de chez nous, ajouta-t-il avec un semblant de sourire.

— Prions pour que tu aies raison alors. Kazuo, on part. Même si on est qu'un et demi, on devrait pouvoir rentrer sans problème, sans le détour de l'aller, on devrait pouvoir prendre des chemins sans risques.

 C'était probablement le maximum dont était capable le Masaka en terme d'estime. Cela suffisait à Sarouh. Ils se saluèrent et le géant blond sortit, talonné par Kazuo. Ne restaient que les Chikarates. Tous s'étaient tus pendant l'espèce de duel mental auquel s'étaient livré le blessé et la marionnettiste, mais rien ne leur avait échappé. Ils le dévisageaient d'une nouvelle manière. Avec défiance mais respect, un mélange étrange que seuls les shinobis pouvaient connaître. C'est Gomaki qui mit fin à cette stase générale.

— Allez, finis de prendre tes affaires, on y va. Izul a lourdement insisté pour qu'on ne traîne pas. Elle sera avec Mutika. Nika avec Sarouh. Départ dans cinq minutes, porte Sud.

 Tokri et Gomaki disparurent de suite chercher leurs affaires, tandis qu'Izul raccompagnait doucement un Mutika raide mais souriant, laissant les deux derniers membres du groupe récupérer les affaires du Tsumyo. Celui-ci regarda attentivement la marionnettiste qui prenait un soin infini de ses affaires, comme s'il s'agissait du blessé lui-même. Il se sentit touché par l’attention. Une marionnettiste savait prendre soin du matériel et comprenait qu’on le considère comme une part de soi. Finalement, avant de partir, elle ne lui posa qu'une question :

— Dis, tu jouerais pas aux échecs par hasard ?

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 11:45

Le retour vers le village du Désert fut tant éprouvant que court. Si Sarouh et Mutika ne pouvaient pas se déplacer normalement, les autres le pouvaient. Les convalescents étaient allongés sur des espèces de civières de transport renforcées, attachés pour ne pas tomber et éviter des mouvements douloureux. Tokri en profitait pour charrier le pauvre roux qui n'était pas en état de rentrer au pas de course. Leurs jeux de piques ne semblaient pas dater d'hier. Le Gensouard soupçonnait le curieusement bavard Utak de se donner du mal pour que son camarade oublie la douleur.

 De son côté, c'était Gomaki qui s'était cloné pour le rapatrier. Cela avait à la fois le mérite d'épargner les filles et celui plus politique de mettre en avant que l'élite de Chikara avait à cœur la santé des shinobis alliés. Ça ne changeait pas grand-chose pour le concerné, qui dormit l'essentiel du trajet d'un sommeil fiévreux. Il aurait aimé discuter avec Izul et Nika, mais s'en vu incapable. De temps en temps, la kunoichi médecin venait vérifier ses constantes, en lui parlant doucement. Sur la fin du trajet, le chuunin n'arrivait plus à comprendre le sens qui se cachait derrière ses mots. Il ne se sentait pas pour autant en danger, rassuré par les expressions de l'aspirante. Sa voix apaisante le relaxait malgré son état et il hochait bêtement la tête à ce qu'elle disait.

 Le reste de son temps de conscience, il était hypnotisé par le ballet violet et bleu des chevelures des jeunes femmes qui progressaient devant lui. Les rayons du soleil se reflétaient dans une verdure de moins en moins présente ainsi que dans l'azur d'Izul et les mèches de couleur de Nika. Dans son état second, la chorégraphie sublime qui enchantait le paysage changeant fascinait le shinobi propulsé à toute vitesse par Gomaki.

 Dès leur arrivée, Sarouh fut pris en charge par l'unité médicale, même s'il n'en garda aucun souvenir. L'opération fut très rapide. Pour changer, Le Tsumyo reprit conscience dans un lit d'hôpital, après seulement quelques heures d'absence. Mais le chuunin sentit avec plaisir la pression moindre au niveau de son ventre et pu s'asseoir presque sans difficulté.

 Également, il n'avait presque plus de fièvre et son esprit était clair. S'il en croyait les signaux que lui envoyait son corps, il serait sorti le soir même. Sa satisfaction fut balayée quand la kunoichi médecin qui s'occupait de lui rentra dans la pièce. Tornade brune aux cheveux bruns en carré et au visage triangulaire et sévère, Sarouh la reconnut de suite. Le chuunin comprit une fraction de seconde avant elle. Il ne sortirait que demain matin.

- Tu l'aimes tant que ça cet hôpital ? demanda-t-elle d'une voix qui le fit frémir d'effroi.

 Même si cela sonnait comme une question, le Tsumyo ne s'y trompa pas. Purement rhétorique, de nombreuses remarques de ce style pleuvraient bientôt sur le jeune homme. Il était moins désemparé qu'à son premier passage, quelques années auparavant. Il n'avait jamais oublié le sermon qu'il s'était pris à l'époque. Il resta silencieux, laissant l'infirmière lui rappeler son irresponsabilité, le fait que tout alliés qu'ils soient avec Gensou n'impliquait pas de sauver des têtes brûlées, ce genre de chose. Finalement, il fut sauvé par le gong. Tokri Utak et Nika Hynomori rentrèrent dans la pièce, sous le regard perçant d'Utika.

- Vous vous connaissez...? Voilà qui explique beaucoup de choses. Mon cher neveu... Ta tendance à finir à l'hôpital, bien que maladive, n'est pas supposée être contagieuse.

 Il y eut un regard de connivence entre le chuunin et l'aspirant. Le fait qu'Utika soit sur le dos de Sarouh le rendait d'autant plus sympathique à ses yeux, qui quant à lui compatissait en imaginant ce que ça pouvait être de l'avoir pour tante. Tokri lâcha un soupir qui voulait dire "Mais j'ai rien fait pour une fois..." avant d'ignorer Utika qui finissait de préparer les différents médicaments dont le Tsumyo aurait besoin.

- N'essaie même pas de te foutre de moi, Tsumyo. Gomaki veut te voir.

- Tu noteras que je n'ai rien dit. Que me veut-il ? Je resterai bien au repos, pour une fois.

- Ça attendra demain. Et en es-tu si sûr ?

 L'Utak désigna de la tête Utika qui avait changé de cible, s'attaquant à une Nika aussi rouge qu'il était possible de l'être

- Ça marche pour demain matin, capitula le Tsumyo dans un soupir. Où ça ?

- Izul se fera une joie de passer te prendre.

- Elle est où d'ailleurs ?

- Coincée chez elle, apparemment.

 La marionnettiste réussit à échapper quelques secondes à l'infirmière une seconde pour lui dire qu'elle était contente de voir qu'il allait mieux avant de battre en retraite devant le sourire sadique de l'infirmière qui s'était équipée d'une bien vilaine seringue.

- Bien. Tu y réfléchiras à deux fois avant de te blesser de nouveau.

 Le shinobi, tout expert de l'affrontement qu'il était, ne put que déglutir avant de subir son courroux sans avoir eu le temps de dire qu'il n'avait pas vraiment fait exprès de finir là. Après avoir pris son traitement, une violente nausée le prit avant que la fatigue ne l'achève. Le cocktail médicamenteux était efficace, mais avait son lot d'effets secondaires. Utika le laissa tranquille aux premiers signes de vomissements. Puis il sombra dans un sommeil enfiévré.

***

 Sarouh se réveilla en se sentant étonnamment bien. Il était faible mais sans aucun symptôme. Il inspecta rapidement son ventre. Quelques points d'entrée étaient visibles, mais qui ne laisseraient pas de cicatrices. Le travail était propre. Le drainage du sang avait aussi donné une couleur moins terrifiante à l'ensemble qui tirait encore sur du bleu foncé. Il comprit que les vomissements avaient pour but de finir de purger son appareil digestif. Sur sa table de chevet, quelques pilules étaient posées avec un mot qui lui intimait de prendre le tout sans poser de questions. Premier repas autorisé seulement ce midi. Le shinobi passa sa main dans sa tignasse bleue désormais totalement hirsute. Ca aussi, il allait devoir s'en occuper. Il soupira.

 Se frottant les yeux, il vit le soleil ardent embraser les bâtiments arrondis de Chikara par sa fenêtre. Au moins il ne manquait pas de lumière. L'astre était déjà assez haut dans le ciel et les marbrures ocres avaient laissé place à un plafond d'un bleu immaculé qui impressionna le Gensouard habitué aux nuages bas et à la pluie des marécages. Il resta ainsi à contempler ce tableau qui lui semblait complètement irréel plusieurs minutes, avant de réaliser qu'il allait être en retard. Même si aucun horaire précis ne lui avait été spécifié, il était sûr qu'Izul arriverait bientôt. Instinct qui ne le trompa pas, la jeune kunoichi tapa doucement à sa porte alors qu'il finissait difficilement d'enfiler son bas. Elle n'attendit pas avant d'entrer, se retrouvant nez à nez avec le chuunin torse nu, qui eut du mal à ne pas rougir.

- Bonjour Sarouh, comment te sens-tu?

 Son regard détaillait le corps du chuunin avec intensité, glissant sur les nombreuses cicatrices qu'il portait. Elle s'arrêta sur la tâche centrale en se pinçant les lèvres, avant de seulement rencontrer le regard du Tsumyo, comprenant qu'elle n'avait pas entendu sa réponse.

- Je disais, ça va mieux merci. Mais je comprends que tu te sois laissée allée à la contemplation, le charria-t-il.

- Et moi qui m'en faisait pour toi... On aurait mieux fait de laisser Gensou s'occuper de ton cas ! J'espère qu'Utika t'a passé un savon légendaire !

 La moue de Sarouh lui répondit mieux que n'importe quelle phrase. Ils gommèrent tous les deux la gêne avec d'autres blagues légères, avant qu'Izul ne lui tende d'autres vêtements.

- Tu ne pensais pas sortir habillé comme ça, j'espère ? Tu vas mourir de chaud. Je me suis permise de t'apporter de quoi supporter notre climat. C'est très agréable à porter et... Ca t'ira bien je pense.

 Le chuunin ne sut dire si elle se moquait de lui ou non et baissa un peu la tête, le temps de reprendre sa contenance. Décidément, Izul le destabilisait beaucoup trop pour son propre bien. Il finit par lui répondre par un sourire franc. Quelques minutes plus tard, ils étaient dehors dans les ruelles Chikarates, direction leur terrain d'entraînement. Ils passèrent non loin de la fameuse enclave qui donnait sur l'arène. Sarouh se surprit à reconnaître le chemin qui menait à destination.

 Désormais, il portait un pantalon de textile fin blanc et une chemisette bleue clair qui resplendissait au soleil. Effectivement, la matière était très agréable. Ils n'échangèrent que quelques mots, la kunoichi ne sachant pas plus que lui pourquoi Gomaki tenait à le voir. Était-ce en rapport avec leur dernière mission? Ils arrivèrent finalement au terrain d'entraînement. Le sol rocailleux était égal, l'espace dégagé et un recoin était prévu pour faire des pauses à l'ombre. Le chuunin s'y sentit tout de suite à l'aise. L'entraînement représentant toute sa vie, les endroits qui y étaient dédiés étaient un peu son chez lui. Caressant la poignée d'Aura comme porte bonheur, Il s'arma de courage avant de saluer le juunin qui l'attendait, cigarette à la bouche.

- Ha Tsumyo ! C'est un plaisir de te revoir. J'espère que tu te sens mieux ?

- Beaucoup mieux merci Gomaki. Que puis-je pour vous ?

- J'ai une faveur à te demander. Suite à votre affrontement avec la... chose de Nikidami, mes chers élèves, et notamment Mutika pour ne pas le nommer, pensent le genjutsu inoffensifs.

- Tiens donc... En voilà des propos intéressants.

 Nika, Izul, Tokri et Mutika détournèrent rapidement le regard. Il était fréquent que les spécialistes du corps à corps déprécient l'art des Illusions. En général, ils le considéraient comme un art lâche. Mais inefficace était un terme rarement associé au genjutsu, même si les réels experts en la matière étaient très peu nombreux.

- J'y peux rien, sembla regretter Mutika, si on avait eu un expert en ninjutsu en lieu et place de Chihousou et toi, le combat n'aurait pas demandé l'intervention de Gomaki.

- Tu vois, Sarouh, je pense même que tu peux trouver ton compte dans cet entraînement...

 Le juunin laissa son propos en suspens. Insinuait-il qu'il lui offrait là l'entrevue qu'il avait réclamée à Nikidami ? Peut être bien. Plus que son argent manquant, c'est son orgueil piqué au vif qui le poussa à accepter. Evidemment que son Art n'avait pas fonctionné contre l'autre monstruosité. Qu'ils puissent croire que ça le rendait faible l'irritait, surtout que Sarouh traversait déjà une période de remise en question. Il n'allait pas laisser un genin tout droit sorti de l'académie le miner davantage.

- Très bien, très bien. On considère que ce cours est le mien, et que j'emploie la méthode que je veux ?

- Fais comme tu le sens. Ils ont mangé, souffla Gomaki, en un trait de fumée de sa cigarette

 Son air un peu blasé en disait long. Le Tsumyo vit où il voulait en venir et s'arma d'un très énervant sourire en coin dont il n'allait pas se départir de tout l'entraînement. Il malaxa son chakra et commença plus ou moins subtilement à tisser sa toile sur les aspirants démunis, alors qu'il leur parlait. Avec le temps, il avait appris à aimer ce jeu-là.

- Tout d'abord, sachez que le genjutsu peut être un art très subtil. Il n'est pas nécessaire de créer une illusion très puissante pour être efficace.

- Mouais..., marmomma Mutika, sceptique

- Evidemment tu es peu convaincu... Nika ! Tu sais les défaire, évidemment ?

- Je... Non, je..., bafouilla-t-elle, surprise d'être soudain prise à partie.

- Pourtant le contrôle du chakra fait bien partie de la fierté des marionnettistes?

- Oui mais je...

- Déjà que j'ai pu voir que le corps à corps ce n'était pas ça, tu es en train de me dire que les illusions non plus tu ne domines pas ? Et tu te prétends shinobi ?!

 L'Hynomori se retrouva plus rouge que jamais, accablée par les propos du Tsumyo. Même s'il avait donné de la voix, il était évident que sa réaction était disproportionnée, lorsqu'elle se laissa tomber à genoux. Cela échappa totalement à l'Utak.

- Parle lui encore une fois sur ce ton, et...

- Et quoi ? Tu me tues...? Parce que tu t'en crois capable ? Tu es faible, Tokri. A peine capable de gérer deux pauvres brigands. Incapable d'aider tes coéquipiers. Obligé de ritualiser la mort d'un ennemi pour passer à l'âge adulte. Repasse me voir quand on n'aura plus besoin de changer tes couches.

 Il déclencha ainsi une nouvelle réaction disproportionnée. Dans un beuglement qui n'avait rien de sexy, il se jeta sur Sarouh, et vit son poing bloqué par un Gomaki calme, mais qui semblait un peu déçu de la facilité avec laquelle ses élèves rentraient les uns après les autres dans le jeu du Gensouard. Cela étant entendu, le coup que l'Utak lui avait destiné l'aurait peut être effectivement tué. D'instinct il avait visé sa récente blessure. Bloqué par son sensei, il sembla lentement réaliser ce qu'il était en train de faire.

- Vous voyez, il vous en faut peu...

 Le silence s'abattit sur le reste du groupe. Izul et Mutika étaient effarés de voir à quel point les petits points faibles de leurs alliés s'étaient transformés en névroses puissantes en à peine deux phrases. En combat de telles réactions seraient mortelles. Sarouh ne les laissa pas se relâcher. Il modifia légèrement son expression faciale, la rendant moins sordide et piquante, pour passer sur quelque chose de plus avenant. D'une voix douce et chaude, il interrogea la kunoichi restante, en prenant soin de croiser son regard.

- Izul, toi qui est intelligente, que peut-on retenir de ce qui vient de se passer ?

- Tu t'appuies sur des choses existantes. J'en déduis que tu te sers de la parole pour simplifier la manipulation. Tu nous prépares peut-être ? Ce ne semble pas si différent de l'hypnose.

- Exact ! Si jamais vous vous sentez manipulés et ce quelque soit l'intensité de l'illusion, il est important de désarmer vos émotions. N'oubliez jamais deux choses. Les émotions sont les ennemis du shinobi et le cerveau n'aime pas la négation. Je reviendrai là dessus plus tard. Félicitations Izul.

 Il la fixa de nouveau d'un regard plein de promesses. Pendant son petit cours, Izul ne l'avait pas quitté des yeux. Ses pupilles se rétrécirent et elle s'humecta les lèvres, soudainement proie d'une intense chaleur. Sans s'en rendre compte, elle s'était mise à respirer avec la bouche et à rougir, comme en plein effort. Tout son corps semblait plus sensible. Un frisson la parcourut. Elle ne comprenait qu'à moitié ce qui lui arrivait, mais elle n'était pas la vraie cible de l'attaque du Tsumyo.

 Mutika, qui lui avait bien compris quel genre de réaction le Gensouard cherchait à provoquer, bouillait de colère. Tokri et Nika étaient encore sonnés par leurs brutaux changements d'humeur pour comprendre ce qui s'opérait, même s'ils avaient tous deux compris que Sarouh avait simplement changé de binôme de cibles pour l'entraînement.

 L'Utak était maintenant hors de lui contre lui-même, tandis que l'Hynomori peinait à lever les yeux. Les émotions avaient une inertie, comme tout en ce monde.

 Si le chuunin avait empli Izul d'un désir physique puissant et probablement nouveau pour la jeune femme, c'était pour mieux atteindre l'Oroshi. Le genin roux découvrirait seulement maintenant qu'en réalité le Gensouard était rancunier. Les réactions de l'aspirante n'avait que pour but de lui permettre de faire exploser la jauge de jalousie de son camarade. Il était évident que dans une équipe de jeunes hommes bourrés d'hormones, la jolie kunoichi attirerait les envies. Et c'était le seul angle d'attaque qu'il voyait pour le dernier genin. Sans se départir de son infâme sourire, le Tsumyo s'approcha de Mutika et lui chuchota, en posant une main sur son épaule :

- Alors...? Ça fait quoi de voir ce que l'on a toujours voulu pris par un autre? Izul ne sera jamais à toi. Tu ne la mérites pas de toute façon. Tu n'es pas de taille. Même pas foutu de protéger ses camarades en mission, voleur... Non... Tokri serait un meilleur choix, s'il n'avait pas déjà Nika pour lui... Enfin, ça n'empêche rien... Puis, je pense que moi aussi je dois avoir une fenêtre, tu en penses quoi ?

 Sarouh ne connaissait pas bien le jeune Oroshi et avait un peu plus piffé son attaque que face aux autres. Plus tard, il reconnaîtrait être allé plus doucement sur les jeunes femmes que sur Tokri et Mutika qui étaient finalement ceux qui remettaient le plus en cause l'attrait du genjutsu.

 Cependant, au fur et à mesure qu'il parlait, il voyait bien la colère dans le langage corporel de sa victime qui tentait pourtant de masquer ses réactions. Il avait tout de même rapidement réalisé ce qu'impliquait les petites phrases du Tsumyo et tentait de lui céder le moins possible. Mais la réalité était tout autre. La jalousie l'envahissait, et il était tellement en colère que des larmes pointaient et que ses jointures en blanchissaient, sans pour autant être capable de le frapper. Sarouh se décida à asséner le coup de grâce. Il malaxa son chakra, déclenchant un torrent là où il n'y avait qu'une rivière, servant de sa main préalablement posée sur Mutika :

- Ninpô : Visions du Mal et de l'Enfer

 Mutika tomba par terre en hurlant, sous les regards éberlués des autres qui peinaient à comprendre ce qui venait de se passer.. Il y avait mis une puissante dose de chakra, l'aspirant allait déguster. Il jeta un regard interrogateur à Gomaki, qui n'intervint pas, même s'il n'était pas ravi de voir un des élèves se tordre par terre secoué de douleurs imaginaires et de peur.. Sarouh s'accroupit à côté du genin se débattant contre des ennemis fantasmés. Il demanda de manière à ce que seul lui entende :

- Alors, tu aurais pas quelque chose à me dire ? Si je me souviens bien, j'avais une bourse pleine en arrivant à Nikidami...

- J'ai merdé c'est vrai, mais je t'en prie arrête ça... Non...

 Au bout d'un court moment, Sarouh stoppa l'illusion et se redressa. S'il continuait, Tokri allait vraiment tenter de le buter. Le garçon aux cheveux de feu laissa un ange passer, puis vomit lorsqu'il revint pleinement à lui.

- Enfoiré... T'es vraiment un enfoiré putain...

- C'est bon, tu peux te lâcher, le cours est fini. Dernière chose : je n'étais pas à fond. Donc un conseil, respecte un peu le genjutsu.

 Il se retourna vers les autres avec un faux air ravi. A ce stade, peu lui importait l'estime des Chikarates, ou son argent. Les leçons importantes sont toujours apprises dans la douleur, se rappela-t-il. À part Izul qui n'osait même pas regarder vers lui, il n'y avait plus que de l'inimitié dans les yeux de ses camarades du jour.

 Sarouh ne s'attendait pas à s'être fait des amis, mais peut-être qu'un jour, cette pénible session les sauverait. Il se sentit un peu triste d'avoir dû donner cette leçon lui-même. Il garda cependant son large sourire, masquant la détresse et l'extrême fatigue qui l'envahissaient.

- Bien, des questions ?

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 14:28

— Bien, des questions ?

Un silence pesant s'ensuivit. L'atmosphère était à la fois électrique et empreinte de dépit selon les membres de l'équipe. Plus Tokri reprenait ses esprits, et moins il parvenait à décolérer. Son poing droit refusait de se décrisper, blanchissant la paume et jointures de la main. Pour ne pas céder à un nouvel excès de violence, l'Utak évita de croiser le regard du Tsumyo.

Pourtant, Tokri avait retenu la leçon le concernant. Ses émotions prenaient bien trop souvent le pas sur sa raison. Le mantra du shinobi était de les mettre de côté afin d'accomplir son devoir envers son Village. L'Utak avait toujours rejeté ce principe. Ses émotions, en particulier sa rage, avait permis au petit garçon de survivre au meurtre de sa mère. Les mettre sous cloche reviendrait à le livrer à une forme de mort psychique.

Le Genin avait toutefois pris conscience tout au long de leur précédente mission de la nécessité d'apprendre à les contrôler. Ses émotions le guidaient dans sa quête de vengeance et de pouvoir, mais ne devaient en aucun cas mettre sa vie ou celles de ses alliés en danger. Et jamais plus il ne devrait sous-estimer un adversaire. Malgré la tempête émotionnelle qui tournoyait en lui, une conclusion s'imposait nettement en son esprit : il allait lui falloir apprendre à contrer l'Art des Illusions.

Tokri était bien plus furieux contre lui-même qu'envers Sarouh Tsumyo. Concernant le traitement subis à ses collègues, le schéma de pensée était tout autre. Le Chikarate ne cessait de les observer alternativement et constata bien vite que chacun semblait se fermer sur lui-même.

Mutika semblait à la fois honteux et désemparé. Toute colère semblait s'être dissipée suite au rendu de son petit déjeuner. Son regard était perdu dans le vague, mais évitait de croiser celui de ses partenaires. Gomaki le rejoignit pour lui offrir un mouchoir. Penaud, il mit quelques instants avant de comprendre et finit par se nettoyer en se cachant tant bien que mal de ses amis.

A genoux, Nika se tenait les mains, levés au niveau de son visage empourpré pour camoufler ses yeux. Tokri n'avait pas besoin de les voir pour savoir que ses yeux étaient en larmes. La jeune marionnettiste n'avait que peu confiance en elle et le Genin craignait que cet épisode est détruit le peu qu'elle avait réussi à se forger.

Izul tenait toujours sur ses jambes, bien que tremblotantes. La jeune femme fixait ses pieds, les joues presque autant empourpré que celles de Nika. Son regard était tout aussi humide, bien qu'elle ne s'en cachait pas. S'en était-elle rendu compte ? Tokri n'en était pas certain. Elle levait de temps à autre la tête, mais la rebaissait dès qu'elle croisait le regard de Sarouh ou de Tokri.

L'Utak pensait comprendre ce qu'elle avait subi. Et c'est ce point qui le mettait particulièrement en colère. Jouer sur les peurs et le sentiment de culpabilité était une chose. Mais toucher à l'intimité au sens le plus strict de son amie le rendait fou de rage. Une pensée effleura l'esprit du Genin, mais sa méconnaissance du Genjutsu l’empêchait certainement de comprendre pleinement ce qui venait de lui arriver.

Gomaki Myô tapa dans ses mains, dans une volonté évidente de tous les sortir de leur torpeur.

— Bien. Je pense que nous pouvons nous arrêter pour aujourd'hui.

Le Jounin se tourna vers Sarouh et lui adressa un sourire reconnaissant tout en s'allumant une cigarette.

— Tu y es allé bien plus fort que je me l'étais imaginé. Tu peux disposer. J'imagine que tu as besoin de repos.

— Effectivement, répondit-il sans se départir de son sourire.

Tokri se retint une fois de plus de lui sauter dessus. Le jeune homme voyait clairement que l'expression du Chuunin était forcée. Était-il plus épuisé qu'il ne voulait le montrer ? Dans tous les cas, le voir arborer cette stupide expression après avoir fait souffrir ses amis lui donnait envie de le transpercer de kunais. Le Genin n'esquissa toutefois aucun geste, déterminé à tenir sa nouvelle résolution.

Sarouh fit quelques pas en vue de quitter le terrain d'entraînement lorsque Gomaki l'interpella une dernière fois :

— Tsumyo ?

— Oui ? répondit le concerné, un peu surpris.

— Les règles de cette séance étaient exceptionnelles. N'en fais pas une habitude.

Le Jounin n'avait en aucun cas changé d'intonation. Aimable, cordiale. Le sous-entendu n'en demeurait pas moins clair. Sarouh ouvrit la bouche, avant de la refermer, clairement interloqué.

— Je comprends, se contenta-t-il finalement d'affirmer.

Le Chuunin reprit sa marche. Gomaki attendit qu'il soit suffisamment éloigné avant de s'adresser à ses élèves sur un ton compatissant.

— Cet entraînement a été éprouvant pour vous tous. Vous avez quartier libre pour aujourd'hui. Rendez-vous demain à la même heure. Il me reste quelques bases à vous enseigner avant que nous ne passions au stade supérieur de vos formations.

Le groupe de jeunes commença à se diriger vers la sortie du terrain d'entraînement lorsque le Jounin ajouta :

— Tokri ? Je souhaiterais te parler seul à seul.

Les Genins s'échangèrent des regards interloqués. L'Utak espéra en son for intérieur qu'il ne s'agissait pas de mauvaises nouvelles concernant le brigand qu'il avait tué lors de la seconde nuit. Tandis que Gomaki écrasait sa cigarette et l'envoyait dans une poubelle par une légère brise de vent, les Genins convinrent d'un point de rendez-vous.

Lorsqu'il rejoignit son sensei, ce dernier sortit une nouvelle cigarette et désigna d'un mouvement de tête un banc taillé dans la roche. Tokri marcha dans sa direction aux côtés de son mentor, qui alluma sa cigarette d'une flammèche du pouce. L'Utak savait cette pensée puérile, mais il ne pouvait s'empêcher d'admirer le charisme du Jounin lorsqu'il effectuait ce tour.

— Comment vas-tu ? lui demanda Gomaki d'une voix paternelle lorsqu'ils furent installés.

— Bien, répondit Tokri, quelque peu décontenancé. Je suppose.

S'attendant à subir une remontrance, le jeune homme était véritablement surpris par cette question emplie de bienveillance.

— Ces dernières semaines ont été éprouvantes, commenta Gomaki en laissant filer un trait de fumée. Je tenais à ce que tu saches que je suis fier de la direction que tu as pris dernièrement. Tu progresses, et pas que du point de vue martial.

Tokri ouvrit la bouche pour le remercier, mais aucun son n'en sortit. Gomaki sembla s'en amuser.

— Il y a tout de même quelques points sur lesquels tu vas devoir travailler, le prévint le Myô. C'était l'objectif de la session d'aujourd'hui. Tu vois de quoi je parle ?

— Oui. Mais je refuse d'éteindre mes sentiments, l'informa Tokri, sur la défensive. J’ai quand même pris conscience d'une chose. Il me faut apprendre à contrôler mes émotions.

— Cette voie me semble saine, en convint Gomaki. Bien plus que celles suivies par bien trop de shinobis de ma connaissance.

— Vous vouliez me voir uniquement pour cela ? lui demanda Tokri.

— Non. J'ai des informations à te transmettre, et quelques missions à te confier.

Le Myô jeta sa cigarette au sol, l'écrasa, et l'envoya une fois encore dans une poubelle d'un mouvement de doigt qui leva une légère brise de vent.

— J'ai de bonnes nouvelles qui vont nous permettre de repartir sur de bonnes bases. J'ai reçu la conclusion du QG concernant le gars que tu as tué. Chikara considère sa mort comme étant une résultante logique de la mission. L'affaire est donc close.

L'Utak ne put retenir un soupir de soulagement. Le contraire aurait été surprenant, le meurtre étant un acte naturel du shinobi. Cette épée de damoclès était toutefois une source de stress dont Tokri était ravi de se débarrasser.

Gomaki sembla hésiter, mais craqua finalement et sortit une nouvelle cigarette.

— Entrons dans le vif du sujet, dit-il tout en l'allumant. Pour améliorer la cohésion du groupe, j'ai jugé qu'il était bon de nommer un chef d'équipe. Pour me seconder, et également assurer le commandement lors de mes absences.

Il marqua un temps de pause pour tirer sur sa cigarette. Tokri prit cela comme un exercice de perfectionnement de sa patience.

— Je vous ai observé durant ces premières semaines, l'informa t-il tout en expirant. Ma conclusion est la suivante : tu es le plus apte à ce poste.

— Sérieusement ?

Cette discussion allait de surprise en surprise. Lui, chef d'équipe ? Gomaki était un ami proche de Okioto. Tokri ne doutait pas qu'il était au courant de l'objectif des frères Utak. De plus, le Genin avait prouvé plus d'une fois qu'il avait des difficultés à gérer sa colère et avait été en rejet de la carrière de ninja durant de longues années. Gomaki sembla comprendre le mutique questionnement qui saisissait son pupille face à cette annonce.

— Crois moi, j'ai longuement réfléchi avant de prendre cette décision. Tu es mentalement bien plus fort que tu ne te l'imagines.

— Izul ne serait pas meilleure à ce poste ? ne put s'empêcher de douter le jeune homme. Ou Nika ?

Le visage de Gomaki fut brièvement masqué par un nuage de fumée qui n'empêcha pas le Genin de percevoir un léger pincement de lèvres. Lorsque la fumée se dissipa, il fut surpris de découvrir un regard peiné chez son mentor.

— Tu ne connais pas tes partenaires aussi bien que tu ne le penses, affirma Gomaki avec douceur. Crois moi, leurs failles actuelles m'empêchent de leur confier ce rôle.

— Comme si je n'en avais pas, rétorqua le jeune homme.

— Je connais ton passé, Tokri. Je sais sur quelle base tragique tu as construit ta vie. Et c'est ce qui fait la différence entre eux et toi. Tu es celui qui a appris à rester debout malgré les tourments qui t'étreignent au quotidien. Tu as l’étoffe d’un leader. Je préfère que tu apprennes les détails en te liant à tes collègues. Crois moi, leurs failles sont bien différentes des tiennes. Et ils ont besoin de l’aide d’un guerrier tel que toi.

La gorge du Genin se noua, prise par l'émotion. Jamais il n'avait reçu de tels compliments, pas même de la part de son frère. Que cela vienne de celui qui prenait de plus en plus la place d'un père de substitution le touchait d'autant plus.

— Merci, répondit Tokri d'une petite voix.

Sentant quelques larmes couler le long de ses joues, il se frotta vigoureusement le visage de sa manche. D'instinct, il imagina quelques excuses. La fumée de cigarette ? Du sable dans les yeux ? Avec bienveillance, Gomaki ne lui en tint pas rigueur.

— J'officialiserai ce statut demain. Ca te convient ?

— Oui.

— Dis-moi quand tu seras prêt à recevoir quelques conseils et tes premières directives.

Tokri inspira un grand bol d'air, puis expira. Décidé à se montrer digne de la confiance de Gomaki, il opina du chef avec détermination.

— Tout d'abord, tâche de requinquer au mieux l'équipe et apprends à les connaître. La compréhension de ses troupes est la compétence première d'un chef d’unité. L'objectif de la séance était qu'ils comprennent le danger que représente le Genjutsu, ainsi que la nécessité de ne jamais sous-estimer un adversaire.

L'Utak se mordit la lèvre. Sa première tâche allait lui demander un grand effort. Malgré la confiance manifestée par Gomaki, il n'était pas sûr d'être assez à l'aise socialement pour réussir brusquement cette tâche après des années de misanthropie.

— Je vais faire au mieux, assura Tokri.

— Je n'en doute pas, répondit Gomaki en le gratifiant d'un encourageant sourire qui mit du baume au cœur de son élève. Ma seconde demande concerne notre ami Gensouard.

Nouvelle inspiration de cigarette, tandis que Tokri haussa un sourcil de surprise.

— Tsumyo ?

— Etant donné le contexte de son séjour, Chikara et Gensou ont convenu qu'il serait bon pour les relations de nos Villages que nous continuions notre collaboration. Tu comprendras certainement que cela permet à l'un comme à l'autre de montrer patte blanche. De plus, cela fait environ deux ans que ce genre de collaboration s'intensifie. L'Armistice entre les Trois n'a que dix ans et je ne t'apprend rien en te disant que la paix est fragile.

Tokri soupira d'exaspération, faisant soulever quelques mèches de son front. Bien que shinobi, l'Utak n'avait cure des affaires politiques et des jeux de pouvoir entre les Villages. Il tentait de faire abstraction de n'être qu'un pion de l'échiquier Yuukanien, mais cette simple pensée le révulsait.

Gomaki décida de passer outre la réaction de son élève. La journée avait été riche en émotions et en surprise pour le nerveux Genin. Il ne doutait pas qu’il aborderait avec lui et les autres l’importance du rôle politique et social du ninja. Qu'ils le veuillent ou non.

— Je te demanderai donc d'intégrer ce garçon à l'équipe.

— Formidable, grinça l'Utak qui parvint miraculeusement à retenir un juron.

Les deux rôles lui semblaient contradictoire. Remonter le moral de l'équipe tout en intégrant l'illusionniste responsable de la ruine de leur mental. Son rôle de chef commençait fort.

— Il est Chuunin, mais hors de la juridiction de son Village, reprit Gomaki, impassible dans ses explications. Jusqu'à nouvel ordre, il n'est en aucun cas votre responsable hiérarchique. Sarouh participera aux entraînements et vous conseillera sous ma direction. Son rôle est celui de consultant et d'agent de liaison. Tu me suis ?

— Ouais, répondit sèchement Tokri. Permission d'être totalement honnête ?

— Accordé, dit Gomaki en inspirant sur sa cigarette.

— Chikara me casse les couilles avec sa politique.

Gomaki éclata d'un rire franc et manqua de s'étouffer avec sa bouffée.

— Je m'y attendais, mais pas aussi franchement. Il va falloir t'y habituer Tokri. Ce genre d'ordre ne sera pas le dernier.

— Je me doute, répondit Tokri d'un demi-sourire.

— Ne sois pas si braqué envers Sarouh. J'ai le sentiment que c'est un bon garçon. Un ninja compétent qui a certainement subi son lot d'épreuves, comme nous tous.

— Je ne pense pas qu'il ait un mauvais fond, répondit Tokri. Mais après la séance d'aujourd'hui, je crains que l'estime de l'équipe soit au plus bas. En particulier pour Mutika. C’était également particulier pour Izul.

— Je le pense aussi, lui confirma Gomaki. Fais de ton mieux et en tant que sensei, je tâcherai de te faciliter la tâche. Outre son expérience, Sarouh est une opportunité martiale pour vous. Il a une double affinité. Son Fuuton et son Suiton vous seront utiles, à toi et Izul.

— Il m'a déjà aidé, lui apprit Tokri. A Nikidami. C'est grâce à lui que j'ai réussi à maîtriser la technique d'affûtage. Je pense qu'il pourra nous aider à parfaire nos manipulations du chakra. Et tout le monde a dû comprendre la nécessité d'apprendre à se défendre du Genjutsu.

— Et en échange, nous l'aiderons pour le Taijutsu. Donnant-donnant.

— Il en a bien besoin, glissa sournoisement Tokri.

— Tout le monde y trouve son compte dans cette histoire, conclut Gomaki en effectuant son rituel avec son mégot.

Le Jounin se leva. Comprenant que la conversation touchait à son terme, Tokri l'imita.

— Je te laisse rejoindre tes camarades. Ressourcez-vous bien. Je vous attends ici dès demain à l'heure habituelle. De mon côté, je vais aller régler quelques formalités avec le QG et j'aimerai m'entretenir avec Sarouh.

— Bien.

Tous deux quittèrent le terrain d'entraînement et se séparèrent à l'opposé de l'autre. A peine eut-il fait quelques pas que l'Utak s'arrêta et se retourna pour interpeller Gomaki :

— Sensei ?

Gomaki se retourna à son tour, surpris.

— Oui ?

— Merci. Pour votre confiance et...

Il hésita, puis décida d'achever sa phrase :

— ... Et pour tout le reste.

Gomaki s'alluma une cigarette, un sourire amusé aux lèvres.

— C'est normal, Tokri. C'est mon boulot, et vous méritez qu'on se donne pour vous cinq.

Gomaki lui tourna le dos et reprit sa route, laissant l'Utak se motiver intérieurement. Trois amis attendaient de retrouver le sourire.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 15:05

Le moral renforcé par les paroles de son mentor, Tokri était en route pour la zone commerciale de Chikara. En pleine réflexion sur la façon dont il allait aborder ses amis, le jeune homme se mordait la lèvre à chaque hésitation. Le Genin effleura de la main la surface douce et chaude des bâtiments de sable et de roche de son Village, comme dans un espoir que ce dernier lui offre le plan parfait pour requinquer les apprentis ninjas.

Lorsqu’il les rejoignit, Tokri comprit en un coup d'œil que la journée allait être ardue. Mines renfrognés, chacun esquivait le regard des autres. Ils ne virent qu'au dernier moment l'arrivée de l'Utak, mains dans les poches. Mutika fut le premier à lever les yeux vers lui :

— Alors ? Que te voulait Gomaki ? lui demanda-t-il d’une voix quelque peu éteinte.

— M'informer que je n'aurai pas de sanction vis à vis de la seconde nuit, lâcha tranquillement Tokri.

Le Genin fut ravi de l'effet produit par sa petite phrase lorsqu’il vit se peindre un sourire sur leurs visages.

— Formidable ! s'exclama Nika.

— Pourquoi ne voulait-il pas annoncer la nouvelle devant nous ? s'étonna la perspicace Kunoichi aux cheveux azurs.

Tokri passa devant eux et leur fit de le suivre tout en répondant :

— Il avait des informations à me transmettre. Je vais vous expliquer, mais pas ici.

Étonnée, la fine équipe suivit presque instinctivement. Ils passèrent devant plusieurs boutiques, sans trop comprendre où Tokri les emmenait. Après quelques minutes de marche, l’Utak s'arrêta devant un magasin d'alimentation.

— Attendez-moi là, dit-il à l'attention de ses équipiers. Je n'en aurai pas pour longtemps.

Sans laisser le temps à quiconque de réagir, il entra dans l'établissement. Tous se jetèrent des regards interloqués.

— Vous comprenez où il veut en venir ? demanda Nika.

— Absolument pas, répondit Izul en se tournant vers Mutika. Une idée ?

— Euh..., bredouilla le rouquin en se grattant la joue avec gêne. J'ai beau le connaître depuis longtemps, je ne suis pas dans sa tête.

Au bout de quelques minutes, Tokri sortit finalement du magasin avec un pack d'eau dans une main, et un de bières dans une autre.

— Je me suis dit qu'on avait besoin de décompresser.

Il commença à reprendre la route, avant de constater que ses collègues ne le suivaient pas. Il s'arrêta et fit volte-face, étonné.

— Ne le prends pas mal, lui dit Izul d'une petite voix. Mais... Tu peux nous expliquer ce qui se passe ?

— Tu te comportes étrangement, ajouta timidement Nika.

— Ah, lâcha Tokri qui commençait à prendre conscience de la raison du malaise.

Le Genin se maudit intérieurement. Depuis la formation de l'équipe, le jeune homme avait eu un comportement distant avec ses camarades. Réticent à l'idée de se lier à d’autres personnes, l’Utak s'était replié dans un réflexe défensif d'isolement. La mission l'avait certes amené à renouer clairement avec Mutika, mais la peur de souffrir l'avait empêché de manifester son amitié pour la Team Gomaki. Son attachement à ses camarades s'était fait progressivement, en toute discrétion.

Pour le montrer sans filtre, il avait fallu qu'un monstre le pousse à la décision de sacrifier sa vie. Pas étonnant que sa sollicitude soudaine les perturbe. Tokri oubliait bien souvent que les rapports sociaux étaient plus complexes à gérer qu’un combat.

— Tu ne peux pas nous transmettre tes infos maintenant ? insista Izul.

— Je pourrais, répondit Tokri en haussant les épaules. Mais tant qu'à faire, autant se mettre à l'aise.

Izul voulut répondre, mais elle fut interrompue par Mutika qui lui passa devant pour rejoindre son ami. Le rouquin tendit une main vers l'un des packs de son ami. Ce dernier marqua un instant d'hésitation, le temps de comprendre son intention.

— Tu as une idée derrière la tête, c'est ça ? lui demanda-t-il en se saisissant des bières.

Tokri esquissa un petit sourire.

— Je connais un coin sympa.

Mutika se tourna vers les filles, un sourire goguenard aux lèvres.

— Il n'est pas sous emprise d'un Genjutsu, ne vous inquiétez pas.

L'équipe éclata d'un grand rire connecté. Cette boutade fit son petit effet et détendit le groupe, qui suivit avec curiosité Tokri à travers les ruelles jusqu'à atteindre le grand rocher de Chikara. Les Genins le longèrent jusqu'à déboucher sur un escalier.

— Il y a un peu de montée. Mais ça vaut le coup, leur assura le jeune homme.

Tokri gravit les marches qui lui était routinier depuis plusieurs semaines, tout en prévenant ses camarades des instants traîtres. L'accès était vieillissant et peu entretenu par le Village, à un point qui avait amené l'Utak à se demander si le QG en avait souvenir. Il n'avait jamais rencontré quiconque à la plate-forme rocheuse en dehors de Toshirô.

Une fois au sommet, Tokri continua à les guider. Tous gardaient le silence, observant les environs avec curiosité et se demandant où le jeune homme souhaitait les emmener. Ils finirent par atteindre le bout de la plate-forme rocheuse qui offrait un incroyable panorama sur Chikara. Son architecture était flagrante de cette hauteur. Le Village était construit en un demi-arc de cercle avec le QG comme point central. De ce bâtiment, noyau de l’activité Chikarate, partaient de grandes artères menant aux secteurs stratégiques de la Cité-ninja, tels que l'Hôpital ou la zone commerciale.

Face à eux se présentait le second promontoire rocheux, jumeau de celui sur lequel ils se trouvaient. A leur droite et gauche s'étendait à perte de vue le désert de Chikara. Le vent en faisait onduler les grains et donnait de cette hauteur la sensation d'être entouré par un océan de sable.

— Bienvenue chez moi, annonça Tokri en s'asseyant.

Il ouvrit le pack et en sortit deux bouteilles d'eau. Tokri en but une gorgée, tandis que ses amis s'asseyaient à ses côtés en se disposant de sorte à se voir les uns les autres. Mutika ouvrit son chargement et tendit une bière à Tokri, qui la décapsula d'un mouvement du pouce. Assise près de Tokri, Nika prit la seconde bouteille d'eau. L'Utak eut la surprise de voir Izul tendre la main vers Mutika pour une boisson alcoolisée.

— C'est magnifique, commenta rêveusement Nika en admirant la vue.

— J'adore venir ici, répondit Tokri en un demi-sourire. Loin de tout, tout en étant proche du Village. C'est tranquille pour s'entraîner, et relaxant pour les pauses.

— Tu viens souvent ? s'étonna Izul en décapsulant sa boisson à l'aide d'un shuriken.

— Tous les soirs. Parfois le matin.

Izul but une gorgée, pensive. La jeune fille s'était faite la réflexion que Tokri était celui qui avait progressé le plus rapidement parmi eux. Elle comprenait mieux pourquoi, bien que la raison de son zèle lui échappait. A l'Académie, il n'avait jamais montré un quelconque attachement au métier de ninja et il avait longtemps été un cancre parmi tant d'autres de son point de vue. Depuis la formation de l'équipe Gomaki, elle redécouvrait le jeune homme et elle devait admettre qu'il la surprenait de jour en jour.

— On t'écoute, l'informa Mutika.

Avec appréhension, Tokri termina sa gorgée avant de répondre. Il se fit la réflexion qu'il valait mieux ne pas y aller par quatre chemins.

— Gomaki a décidé de me nommer chef d'équipe.

Un silence de surprise suivit cette déclaration. Chacun l'intégra à sa façon et tentait de comprendre ce que cela signifiait pour les jours à venir. Tokri reprit :

— Personnellement, j'aurai pensé à Izul pour ce rôle. Elle nous a prouvé en être capable.

— Pardon ? s'étonna la concernée.

— Tes plans étaient parfaits. Sans eux, nous ne nous en serions pas aussi bien sortis.

Pour une fois, ce ne fut pas Nika qui se mit à rougir. Surprise par ce compliment qui ne souffrait d'aucune remise en question, les joues de la jeune femme s'empourprérent. Elle baissa les yeux vers sa bière lorsqu'elle répondit :

— L'esprit stratégique ne fait pas tout pour un chargé d'unité.

— Un stratège sait identifier les points forts de chacun, continua Mutika. Un chef sait le faire bien sûr, mais il est également capable d'inspirer ses troupes.

A ses mots, Tokri se mordit une lèvre. Il se reconnaissait pas du tout dans cette description et craignait de plus en plus que ses partenaires ne l'acceptent pas dans le rôle qui lui avait été attribué. Aussi fut-il surpris lorsqu'il entendit Nika dire d'une petite voix :

— Tokri est un bon choix.

L'Utak lui jeta un regard interrogateur qui l'invita à développer. Elle le fit sans oser croiser son regard, les joues teintées de sa familière et adorable rougeur.

— Tu ne baisses jamais les bras, et tu cherches toujours à te dépasser. Quand on manque de confiance, cela donne envie de faire de même.

— Je ne le fais que pour moi, tenta de se justifier maladroitement Tokri.

— Ça ne change rien au fait que ce soit inspirant, répliqua Mutika avant de boire une gorgée. T'as la force de caractère qui va avec le rôle.

Izul releva la tête. Depuis le compliment de Tokri, elle s'était contenté de jouer avec le goulot de sa bouteille. Elle sentait bien que l'Utak était peu à l'aise avec le choix de leur sensei. La jeune femme comprenait la pression que devait ressentir le jeune homme. Mais après ce qu'ils avaient vécu au cours de leur mission, elle avait envie de l'encourager à assumer le statut qui lui avait été confié.

— Tu étais prêt à sacrifier ta vie pour nous protéger, lui rappela Izul. Quelqu'un prêt à cette extrémité me donne sincèrement envie de me fier à lui.

Gêné par ces compliments, Tokri s'enfuit derrière sa bouteille en buvant une longue gorgée. Les voir accueillir la nouvelle aussi sereinement le rassurait et le poussait à faire de son mieux pour se montrer à la hauteur de leur confiance.

— Mais c'est qu'il rougit le mignon, le taquina Mutika.

— Tagueule.

— Ok chef, ne put s'empêcher d’ironiser l'Oroshi.

Un fou rire général secoua la bande d'adolescents. Remués par les récents événements, tous prirent conscience qu'ils en avaient grandement besoin. Tokri prit le temps de reprendre son souffle et que chacun retrouve un semblant de sérieux avant d'attaquer le sujet qu'il savait d'avance être plus difficile à digérer que son nouveau statut.

— J'ai une dernière chose à vous dire. Nous allons devoir prolonger notre collaboration avec Tsumyo.

— Pardon ? manqua de s'étouffer Mutika dans une exclamation mi-furieuse mi-surprise.

A la surprise de l'Utak, Izul et Nika affichèrent un large sourire enchanté. L'adepte du Suiton sembla particulièrement réceptive à cette annonce. Compte tenu de ce qu'elle avait subi lors de l'entraînement au Genjutsu, Tokri en fut décontenancé. Le jeune homme s'était attendu à une réaction semblable à celle de Mutika.

— C'est une blague ? s'emporta Mutika. Ce mec nous prend de haut, il nous martèle la gueule avec son Genjutsu de merde et on devrait continuer à supporter sa présence ?

— On a merdé avec les illusions, rétorqua sévèrement Tokri. En particulier toi et moi.

— Je m'en fous ! C'est une raclure ce type ! C'est pas vous qui vous êtes mangé le plus gros morceau !

— Pas nous non plus qui l'avons volé, coupa sèchement Izul.

Mutika en resta muet de stupéfaction quelques instants, avant de formuler la pensée de l'Utak de manière plus abrupt qu'il ne l'aurait fait :

— Sérieusement ? Ce mec t'a pratiquement violée psychiquement et tu le défends ?

La mâchoire d'Izul se crispa, et Tokri crut voir ses yeux s'embraser. Il ne put s’empêcher de se demander si c'était à cela qu'il ressemblait lorsqu'il se mettait en colère.

— Tu n'as strictement rien compris à la leçon.

Nouveau silence pesant. Le rouquin et la belle azurée se fixèrent en chien de faïence. Les poings d’Izul se serrèrent. Se retenait-elle de le frapper ? L'Utak hésita à intervenir, mais il décida que tous deux avaient besoin de lâcher leurs ressentis.

— Développe, l'invita froidement Mutika.

— Il s'est servi de ce qui existait en nous, expliqua Izul en se contenant à grand peine. Tout ce que nous avons ressentis existaient déjà. Sarouh les a juste fait ressurgir en les accentuant. Si tu as un souci avec les éléments qu’il a manipulé, travaille sur toi-même.

L'Utak commença à comprendre ce qui était arrivé. Il avait saisi la mécanique pour son cas personnel, mais il s'était demandé si Sarouh avait procédé de la même façon pour chacun d'entre eux. Ses doutes s'était particulièrement porté sur Izul, mais les explications de cette dernière lui prouvaient que tel était le cas.

— Tu as donc envie de te le taper, lâcha Mutika d'un ton dont Tokri crut percevoir une pointe de jalousie.

— Je dois te faire un cours sur les hormones féminines aussi ? rétorqua Izul, piquée au vif.

— Ca suffit, les coupa brutalement Tokri.

Ces mots étaient tombés comme un couperet. Ce n'était pas une demande, mais un ordre qui ne souffrait d'aucune remise en question. Mutika, qui était sur le point de répondre quelque chose, l'avait bien compris.

— Le débat est clos, conclut l'Utak. Je comprends vos points de vue à tous deux, mais je vous interdis de vous manquer de respect.

— Tu partages son avis ? l'interrogea Mutika.

— J'en ai parlé avec Gomaki. L'objectif était effectivement de nous faire prendre conscience de la dangerosité du Genjutsu. Et je me retrouve pleinement dans les explications d'Izul. La rage que j'ai ressentis n'a pas été produite. Elle est en permanence en moi, je la contiens au quotidien. Tsumyo a juste eu besoin de la réveiller pour me piéger.

Mutika ricana nerveusement et termina en une fois sa bouteille.

— Super. Tu es de son côté toi aussi.

— Fourre-toi dans le crâne qu'il n'y a pas de camp, Mutika. Nika, que penses-tu de la séance d'aujourd'hui ?

L’Hynomori sursauta en entendant son prénom. Silencieuse tout au long du houleux débat, Tokri était curieux de prendre connaissance de son analyse. Lorsqu'elle répondit, ce fut avec un calme ponctué de crainte.

— C'était violent, mais nécessaire. Nous n'avions pas conscience de la dangerosité de cet art. Imaginez si un Genjutsuka nous avait attaqué ainsi en pleine mission ? Nous serions tous morts.

L'Oroshi baissa les yeux et se mordit l'intérieur d'une joue. Il savait que ses amis avaient raison, mais l'admettre lui coûtait. Tokri ne doutait pas que son ami comprenait la leçon à en tirer : chacun devait travailler sur ses propres failles.

— Quoiqu'il en soit, Tsumyo va rester au sein de l'équipe. Que cela nous plaise ou non, Chikara l'impose pour renforcer les liens entre nos Villages.

L’Utak fit un mouvement de la main devant son visage, comme pour chasser un insecte.

— Je ne vais pas vous faire un cours de politique. C’est suffisamment emmerdant comme ça.

Cette dernière remarque arracha un sourire au rouquin. Il connaissait suffisamment Tokri pour savoir qu'il retenait son avis concernant l'échiquier politique et leurs rôles de pions.

— Officiellement, il est un agent de liaison entre Gensou et Chikara. Officieusement, Gomaki m'a fait remarquer que Tsumyo a autant à gagner que nous dans cette affaire, reprit Tokri sur un ton de conclusion. Nous sommes complémentaires d'un point de vue martial et il a autant à apprendre de nous que nous de lui.

L'Utak termina sa bière, et s'en ouvrit une nouvelle. Avoir autant parlé lui avait donné soif. Le jeune chef d'équipe avait volontairement évité de mentionner qu'il connaissait personnellement les compétences pédagogiques du Gensouard. Cela faisait déjà énormément d'informations à digérer, en particulier pour Mutika. Autant éviter une nouvelle colère s'il le pouvait. Tokri se fit la réflexion qu'une omission volontaire n'était en rien un mensonge. Commençait-il à adopter la mentalité d'un leader ?

Le jeune homme se demandait si l’affaire du boost S avait un lien avec la décision de faire perdurer le partenariat entre la Team Gomaki et Sarouh. Les QG leur avaient-ils confié l’enquête ? L’Utak préféraient ne pas parasiter les pensées de l’équipe de ses soupçons. Ils étaient suffisamment préoccupés.

— Pour finir, je note tes reproches envers lui Mutika. J'en parlerai à Gomaki et nous verrons. T'as merdé en volant la bourse de Tsumyo, mais il n'avait pas à te faire subir un Genjutsu aussi violent.

Mutika s'ouvrit également une bière, et la but en silence. Le reste de l'après-midi se déroula dans une relative détente. Les adolescents profitèrent du paysage et des bouteilles pour se détendre tout en se rafraîchissant. Mutika fut à cran un temps, mais relâcha peu à peu la pression. Il fut tout de même le premier à rentrer chez lui. Tokri n'aurait su dire s'il obéissait à un couvre-feu imposé par sa mère ou s'il était encore trop en colère vis-à-vis de l’intégration de Sarouh. Les deux à la fois peut-être ?

Nika et Tokri accompagnèrent Izul jusqu'à chez elle. L'ambiance resta conviviale une partie du chemin. L'Utak remarqua toutefois que plus ils approchèrent de leur destination, et moins la stratége prenait la parole. Arrivé au bout de sa rue, Izul les remercia précipitamment de l'avoir accompagné et leur souhaita une bonne soirée sans leur laisser la possibilité de l'accompagner jusqu'au pas de sa porte.

— Etrange, marmonna Tokri en la voyant s'éloigner jusque chez elle.

— Quoi donc ? s'étonna Nika.

— Ses réactions, répondit l'Utak, pensif.

Il se frotta les yeux de son pouce et de l'index.

— Oublie. Je me fais sûrement des idées, soupira le jeune homme. La journée a été épuisante.

— C'est vrai, admit Nika. Tokri, je peux te demander quelque chose ?

— Hmm ? Oui, je comptais te raccompagner.

— Ah, euh, oui, bredouilla Nika qui sembla être prise de court.

Ils reprirent leur marche dans un relatif silence. L'Utak tenta de rallumer la conversation, mais n'obtint que peu de réponses de son amie. Il mit cela sur le compte de la réserve naturelle de l'Hynomori, certainement alimenté par la fatigue. Tokri ne put toutefois s'empêcher de la trouver particulièrement pensive. Quelque chose la travaillait ?

Ils finirent face à l'entrée du domaine du clan Hynomori. Deux immenses piloris en bois en encadraient l’accès. Leurs sommets étaient reliés par un panneau sur lequel étaient gravées diverses représentations de marionnettes. Tokri songea qu’il devait s’agir des marionnettes ayant marqué l’Histoire du clan.

— Bon eh bien, à demain Nika.

Il venait de lui tourner le dos lorsque la marionnettiste lui saisit le poignet.

— Attends Tokri ! Je voulais te demander quelque chose d'important.

Surpris, Tokri se tourna vers elle et l'interrogea du regard.

— Oui ? l'invita t-il gentiment.

Elle hésita une fraction de seconde en se mordillant la lèvre, avant de finalement se lancer :

— Je vais réparer Kokuro. Et j'ai quelques idées pour l'améliorer pour le renforcer, pour qu'il ne soit plus détruit aussi facilement.

— Je vois. Fais attention à ne pas le ralentir. Sa vitesse de frappe est l'un de ses meilleurs atouts.

— Ce sera inévitable, mais j'ai quelques idées pour limiter cette perte de vivacité. Il va me falloir le traiter avec des pièces de métal spéciales. Et pour y parvenir, j’ai besoin de l'aide de quelqu'un de physiquement fort.

Tokri venait de comprendre où elle voulait en venir. Etait-ce cela la raison pour laquelle elle s'était perdue dans ses pensées ?

— La mienne ?

— Si cela ne te dérange pas bien sûr, dit-elle en relevant l'une de ses mèches violettes de son front.

— Bien sûr que non. Mais ton père ne peut pas t'aider ? Ou ton mentor de clan ?

— Il est de tradition chez les Hynomori de construire et de réparer soi-même ses marionnettes. Un Hynomori peut en conseiller un autre, mais toute aide en pratique est interdite.

L'Utak leva un sourcil de surprise. Il ne saisissait pas la logique de son amie.

— Et que moi je t'aide, ça ne va pas les déranger ?

— Non. Le clan considère les alliés comme une ressource du marionnettiste. En dehors de ses membres bien entendu.

— Si je te suis bien… Ils me verront comme un outil ?

Nika se mit à rougir et baissa les yeux une fraction de seconde. Lorsqu'elle osa replonger son regard dans le sien, elle sembla s'excuser en lui adressant une adorable moue.

— C'est ça.

— Très bien. J'accepte de t'aider si ça ne t'amène aucun souci. Tu commences quand ?

— Demain matin. Tu peux venir quatre heures avant notre session avec Gomaki. Merci Tokri.

Elle s'inclina en guise d'au revoir. Cela gênait toujours autant l'Utak, peu réceptif aux codes de politesse traditionnel. Le jeune homme lui adressa un bref signe de la main, et reprit la route vers la zone commerciale. Le Genin comptait s'acheter de quoi dîner rapidement avant de se rendre à son entraînement nocturne à la plate-forme rocheuse. Son corps accusait encore le contre-coup subis par le Genjutsu, mais s’être si peu entraîné depuis leur retour de mission lui était insupportable.

Il ignorait s'il s'était montré à la hauteur des attentes de son sensei pour son premier après-midi de chef d'équipe. Ce dont il était sûr était que chaque membre de leur formation allait lui demander des efforts d'humanité dont il doutait encore posséder.

Les échanges s'annonçaient houleux entre Sarouh et Mutika. Le comportement étrange d'Izul titillait son instinct. Et mieux valait prendre garde à ce que la réserve de Nika ne l'empêche pas de progresser. Quant à Sarouh, il représentait une variable inconnue à l’équation. Tokri soupira. Tout cela l’exaspérait déjà.

Alors pourquoi ne pouvait-il pas s'empêcher de sourire ?

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 15:59

Les jambes flageolantes, le souffle court, le visage rougi par l'effort, Sarouh s'affaissa dans le sable chaud dès qu'il fut hors de vue des Chikarates. Sa crinière bleue se mêlait à l'ocre, alors qu'il peinait à se reprendre. Il avait réussi jusqu'à la dernière seconde à faire illusion. Comme s'il était capable de manipuler plusieurs personnes et d'infliger une dérouillée mentale pareille à quelqu'un sans le payer très cher dans son état. Lorsque Gomaki l'avait interpellé, le Gensouard avait manqué de se trahir. Mais sans tressaillir, il avait maintenu son agaçante mais efficace façade. Plus il grandissait et plus il en comprenait l'intérêt.

Fréquenter Asori avait été riche d'enseignements. L'apprentissage par l'expérimentation étant son crédo, Sarouh avait vite intégré qu'il fallait plus observer son sensei que l'écouter. Mais affalé ainsi, il se sentait faible et ridicule. Il ne devrait plus compter sur personne. Et plus jamais il ne se laisserait prendre par surprise. Il posa par réflexe la main sur sa gorge en grimaçant.

Les émotions sont l'ennemi du shinobi. Aussi dure qu'avait été sa leçon, il croyait en son bien fondé. Et puis honnêtement, quelles auraient été les chances du groupe Utak, s'ils l'avaient croisé en situation réelle ? Il aurait pu les assassiner les uns après les autres. Il se voyait déjà, la lame plantée à travers la gorge de Nika, un sourire malsain destiné à enrager le reste du groupe. Il imaginait sans mal le plan de bataille et ses sinistres conséquences. Un frisson d'effroi le parcouru alors qu'il chassait cette pensée. Ça ne pourrait plus se produire, il y avait personnellement veillé.

Sarouh soupira, alors qu'il se revoyait sourire à Izul, lorsqu'elle lui avait annoncé son retour à Chikara. Qu'est-ce qu'il avait bien pu espérer ? Elle devait le détester maintenant. Une part de lui se dit qu'elle comprendrait son intention, la demoiselle était très intelligente. Nika également ne serait pas en reste. Mais de là à pouvoir nouer quoi que ce soit avec eux, c'était naïf. Ils pourraient être ennemis dès demain, par la stupidité du monde qui les entourait. Quelle connerie. Et il mourrait alors du résultat de ses propres conseils. Ça ne serait sûrement pas si mal.

Le Tsumyo se protégea le visage du soleil de sa main, cherchant en lui l'énergie de bouger. Il finit par y arriver après deux échecs cuisants. Plein de sable, il apprécia fugacement les vêtements prêtés par Izul. Très légers, ils remplissaient efficacement leur office. Il faudrait au moins rendre ça. Dans le pire des cas, Sarouh se servirait du QG comme intermédiaire. C'était justement sa destination.

Plutôt crever que retourner à l'hôpital et il avait du pain sur la planche. À la seconde où il avait foulé le sol Chikarate, il avait le devoir d'être un ambassadeur de Gensou. S'il ne voulait effectivement jamais avoir à subir ses visions d'horreur, être exemplaire en tant que tel était un minimum syndical. Il serait hypocrite de se la couler douce. Ses besoins affectifs n’avaient aucune forme d'importance ici. Secouant la tête, le chuunin trouva la détermination qui lui faisait défaut jusque-là.

Il erra au gré des bâtiments de sable, se promenant dans les larges artères qui composaient le Village du désert, attendant que l’énergie lui revienne. Il se prit une glace, espérant que le sucre l’aiderait à se remettre plus vite de son excès de faiblesse. Les blessures s’étaient enchaînées plus vite que les soins et l'opération l'avait également affaibli. Quand Sarouh avait-il pu prendre une pause pour la dernière fois ? Être blessé gravement était peut-être la meilleure chose qui pouvait lui arriver, il allait enfin pouvoir respirer.

Le soleil brûlant lui frappait la nuque, contraignant le ninja à longer les murs pour se mettre à l’ombre. Il allait devoir s’adapter à ce climat. Encore. L’air sec embrasait ses poumons, le sable insidieux le grattait, la chaleur étouffante rendait ses pensées confuses. La fièvre revint, vicieuse comme un serpent le prendre à la gorge. Le Désert se méritait et n’avait aucune pitié pour les faibles, principe qu’illustraient fièrement les Chikarates. Se plongeant dans la vanille de sa collation, il essaya de faire le tri dans ses pensées.

Ninja confirmé d’une autre nation, en dehors de sa juridiction, il n’aurait qu’une liberté très relative dans l’enceinte de ce Village. Serait-il assigné à résidence ? Probablement. Il était difficile pour Sarouh d’estimer combien de temps il serait coincé ici. Sa force spirituelle était amoindrie, il était redevable de sa vie à Chikara et Gensou n’allait sûrement pas s’empresser de le rapatrier. Il pourrait toujours servir dans des œuvres de service communes, ou dans la mise en place de mission à caractère diplomatique. Puis il y avait le spectre de la mission à Nikidami. Dur de savoir à l’avance ce que les différentes hiérarchies décideraient sans connaître les coupables.

Que ferait-il en tant que dignitaire Chikarate? Probablement que le Tsumyo s’assignerait à une équipe, pour pouvoir à la fois profiter de lui et en même temps le tenir à l’oeil. Peut-être essayer de lui soutirer des informations. Ensuite, il enjoindrait Gensou à vite ramener une équipe en soutien, pour mener une enquête conjointe, avant de montrer patte blanche avec Mahou également, pour éviter de déstabiliser les relations entre les Trois. L’illusionniste grimaça. Il n’aimait pas du tout où le menait son raisonnement.

Il se pinça l’arrête du nez, alors que ses pas l’avaient finalement amené au QG. Quelle galère… S’il avait été membre d’un quelconque clan important de la Cascade, il aurait déjà été ramené au bercail. Là, il était parfaitement disposable et allait devoir prendre ses propres initiatives dans l’ignorance généralisée. Exaspéré d’avance, il arriva à l’accueil, où il fut invité par une jeune femme agréable et professionnelle à attendre dans la salle dédiée, tout occupé qu’il était à masquer ses tremblements et sa douleur, il ne vit pas son joli visage encadré de cheveux blonds.

L’attente lui sembla interminable, mais alors que le chuunin se demandait s’il allait mourir de sa migraine avant ou après son rendez-vous, il fut invité à rentrer dans une pièce circulaire où trois hommes l’attendaient, assis à un long bureau en arc de cercle, donnant immédiatement au Gensouard l’impression d’être pris au piège. Aucune de ces personnes ne portaient la tenue officielle de kage, indiquant par là qu’ils n’avaient qu’un rôle d’astreinte et d’intermédiaire. Son cas était donc déjà réglé. Cela rassura un peu Sarouh.

Le premier soldat, à la quarantaine, l’air bourru s’adressa à lui d’une voix grave et joviale :

— Ha Tsumyo ! Enchanté, nous sommes les représentants du conseil ce jour. Nous t’attendions. J’espère que l’attente n’a pas été trop longue, de nombreuses affaires étaient en cours.

— De plus, enchérit une voix de femme mâture le visage masqué par une longue capuche, à sa gauche cette fois, vos rapports nous ont donné quelques… Difficultés.

Merveilleux. Sarouh voulait tout, sauf donner du fil à retordre à ces gens-là. Sans perdre son air impassible, il attendit patiemment que le doyen logiquement assis au centre reprenne la parole :

— En ce qui vous concerne, Gensou n’a pas de réclamations et vous souhaite un prompt rétablissement.

Sarouh entendit qu’il pouvait bien se débrouiller tout seul dans le désert, mais ne montra aucun signe d’agacement, saluant seulement la nouvelle de la tête, alors que le vieil homme continuait.

— Vos propos ont été parfaitement corroborés par Gomaki Myo, le juunin vous ayant accompagné lors de votre mission. L’enquête étant en attente pour le moment des différents éléments, notamment les autopsies des deux Villages, il en a profité pour formuler une demande à votre encontre.

— Une… demande? relança le Tsumyo, soudain mal à l’aise.

C’était donc ça, la dernière pièce du puzzle.

— Oui, il vous a précédé ici et a demandé votre intégration à son équipe. Si vous êtes d’accord, cela va de soi, nous comprendrions que vous vouliez rester au repos. Nous avons cru comprendre que vous avez subi de graves blessures lors de cette mission, notamment en protégeant l’une des nôtres.

Merveilleux. Maintenant il n’avait plus le choix. Il allait être beau l’esprit d’équipe après ce fameux entraînement. Notant mentalement qu’il n’en avait pas fini avec le Karma, Sarouh s’inclina avec raideur en acceptant de fait sa mission. Entraîner la Team Gomaki en attendant les retours des autopsies et les décisions des autorités concernées.

En sortant de la pièce, le Tsumyo tiqua enfin sur le “N’en fais pas une habitude” que le juunin lui avait lancé. Bien évidemment. Comment en aurait-il pu être autrement ? Le chuunin se maudit de ne pas avoir réfléchi plus en amont. Le laisser faire ce qu’il voulait pendant la leçon au genjutsu était à la fois un entraînement pour ses élèves mais aussi un test pour lui. Difficile de dire s’il l’avait échoué.

Si jamais les choses dérapaient entre la Cascade et le Désert, bien que cela était extrêmement peu probable, il se retrouverait dans une position d’otage, exactement comme il l'avait imaginé. En ne le réclamant pas, Gensou l’indiquait comme étant dispensable, afin que Chikara n’en retire pas un potentiel élément de négociation contre eux. Enfin, c’est ce que le chuunin aux cheveux bleus concluerait à leur place. L’échiquier politique l’épuisa tout d’un coup. Se frottant les yeux en sortant du QG, il tomba sur un Gomaki tout sourire. Pour la première fois depuis qu’il le connaissait, le frêle illusionniste eut envie de lui mettre un coup de boule.

— Ils ont officialisé la nouvelle ? commença-t-il en s’allumant une cigarette du pouce.

— En effet, siffla Sarouh, peinant à garder sa contenance.

— Ne fais pas cette tête. Je pense que tu y gagneras également. Après tout, tu as le profil parfait pour me seconder dans leur entraînement et la réciproque est vraie.

Bien sûr qu’il avait raison. Le Tsumyo le savait bien. Le Village du Taijutsu et ses pratiquants avaient effectivement beaucoup à lui apprendre, tant point de vue culturel que martial. Tomber dans l’équipe de l’Utak faisait sens à tous les niveaux. Revoir Izul et Nika lui ferait du bien. Mais…

— Je n’aime pas être manipulé.

— Sois sérieux quelques secondes, tu veux ? C’est évident que c’est la meilleure décision, tu es juste énervé de ne pas être arrivé à cette conclusion par toi même. Ou alors, pire, tu avais déjà compris...?

Sarouh avait de plus en plus mal à la tête et de moins en moins de patience et garda un silence obstiné.

— Demain, neuf heures. Apporte ton matériel. De toute façon, tu n’as plus le choix. Je compte sur toi. Il faudra former une vraie équipe. Je t’ai vu agir, je t’ai entendu parler. Tu veux le meilleur pour nous tous. C’est pour ça que tu y es allé aussi fort tout à l’heure. Tu seras très bien dans l’équipe.

Il laissa un autre silence. Se faire ainsi analyser énervait le Gensouard, bien qu’il n’arrivait pas à dire pourquoi. Surtout en étant d’accord. Des flammes dansaient dans l’émeraude de ses yeux, alors que le juunin ne se départissait pas de son sourire, comme pour lui rappeler ce que ça faisait. Il continua, impitoyable.

— Tokri est désormais chef d’équipe. Je lui ai demandé de t’intégrer. Allez, je te souhaite une très bonne fin de journée. Arrête de jouer aux héros et va te reposer. Au revoir, Sarouh.

Il quitta le chuunin d’un pas calme, alors que son collègue frisait la combustion spontanée. Il allait falloir se détendre. Alors que le jour commençait à descendre au loin, Sarouh traversa le Village d’un pas décidé, porté par sa frustration et ses souvenirs.

En même temps, qu’est-ce qu’il voulait au juste? Il aurait tué pour éviter de retourner à Gensou et il y échappait. Il voulait continuer à fréquenter Izul et Nika? C’était donné sur un plateau. Le Tsumyo ne se reconnaissait pas.

Sa colère était ailleurs. Il se voyait déjà rejeté par l’équipe de Chikara. En terminant sa petite leçon violemment, Sarouh fuyait l’attachement potentiel qu’il éprouvait graduellement pour eux et les spectres de ses relations précédentes. Que ça ne soit pas le chapitre final le forçait à affronter ses démons. Il mourrait d’envie de s’intégrer à la fine équipe et pour la même raison, en était terrifié.

Fulminant contre lui-même, il continua à progresser vers l'Ouest, suivant le soleil qui se couchait derrière l'un des deux promontoires rocheux entourant Chikara, embrasant le ciel de couleurs ocres, donnant un aspect quasi religieux à la montagne. Le Gensouard n'écoutait pas son corps engourdi, alors qu'il escaladait. Après une heure d'efforts ininterrompus, Sarouh dominait le désert ainsi que le Village. Pourquoi le Tsumyo était venu ici? Simple, c'était l'un des derniers souvenirs heureux qu'il avait, avant que sa vie ne bascule dans le chaos. En y pensant bien, il ne faisait que subir depuis ce jour-là.

Il s'assit, les jambes pendant dans le vide et se laissa aller à la contemplation. Il admira la subtile architecture Chikarate, tout en courbe. Face à lui s'étendaient les ombres agrandies par les rayons mourants. Les reflets étaient sublimes, les couleurs rougeoyantes sur les bâtiments de sable et de terre, mélange savamment étudié tant pour son efficacité que son esthétisme. De l'autre côté du Village, il voyait un autre promontoire rocheux lui faire face, comme pour le défier. Lentement, son souffle s'apaisa. L'univers lui donnait peut être une nouvelle chance. Rien n'avait changé depuis la dernière fois. Tout avait changé.

Gomaki avait raison sur un point, il n'avait pas vraiment le choix. Autant faire au mieux. L'illusionniste retira son bandeau et joua machinalement avec. Il devrait faire bonne figure dès demain. Il était probable que l'Utak et Mutika soient très remontés. Possible que Nika ait peur de lui. Sa meilleure chance était avec Izul. Il avait réussi à apprivoiser plus féroces qu'eux, dans le temps, il pourrait peut-être recommencer.

Il resta ainsi de longues heures, incapable de s'exercer ou de penser, laissant son esprit vagabonder au gré du vent du Désert, avant que la froide nuit ne le déloge. Lorsqu'enfin il sauta pour rejoindre l'Hôpital, sa décision était prise. Il ferait amende honorable et donnerait ce qu'il pourrait à l'équipe, en mettant au mieux de côté ses émotions.

Cette fois, il n'échouerait pas.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 16:01

Estimation du temps de lecture by Scribay :

Arc 1 : 5 épisodes pour 26 minutes.

Arc 2 : 30 épisodes pour 4H.

1666 - 1671 :

— La Première Grande Guerre

1733-1734 :

— Guerre entre Mahou et Chikara

1749 - 1756 :

— La Deuxième Grande Guerre

1756-1784:

— Affrontements multiples, jeu de pouvoir changeant, conflits avec les Seigneur Pirates. Période de nombreux conflits frôlant une Troisième Guerre totale à de nombreuses reprises.

1784 :

— Armistice entre ceux qui seront dorénavant surnommés “Les Trois” : Chikara, Gensou et Mahou.

1795 :

— Naissance de Tokri Utak et de Mutika Oroshi

1797:

— Naissance de Sarouh Tsumyo, Kiame Myô, Izul Leïl et de Nika Hynomori

1800 :

—Annihilation du clan Tsumyo.
— Uril Utak tue sa femme devant son cadet, Tokri Utak.

1804 :

— Organisation du premier Examen Chuunin, début de la réelle coopération inter-village

1809 à 1812 :

— Sarouh, Cacaunoy et Chiraku deviennent Genin. Asori est nommée pour être leur sensei.

— Les événements vécu par Sarouh Tsumyo dans Destinés : https://www.scribay.com/text/797402568/destines

(Facultatif pour suivre les Chroniques d'un shinobi, mais essentiel pour comprendre pleinement le personnage de Sarouh Tsumyo)

1811 :

— Echec de Tokri et Mutika à l'examen Genin.

1812 :

Semaine 1

— Tokri, Mutika, Izul, Nika et Kiame deviennent Genins du Village du Sable.

— Tokri emménage avec son ainé Okioto dans la demeure de leurs parents. Le jour même, il écrase Hiko.

Semaine 2

— Tokri est vaincu par Hika, aînée de Hika. Nika Hynomori vient à sa rescousse et parvient à vaincre en duo avec Tokri. Ils se rendent à l’hôpital. Début d’amitié entre les deux.

Semaine 3

— Formation de la Team Gomaki. Okioto fait jouer de ses relations pour que Mutika, ami d'enfance de Tokri mais en froid depuis leur échec à l'examen, et Nika soient affectées à l’équipe de son cadet. Dernière membre : Izul Leïl.

Semaine 4

— Entraînements et missions de rang D

Juin 1812 :

Semaine 1

— Entraînements et mission de rang D. Bien qu’il tente de se le nier, Tokri se lie discrètement d’amitié avec les membres de l’équipe.

— Tokri prend l’habitude de s'entraîner en solitaire à l’un des promontoires rocheux de Chikara. Soit le matin, soit le soir selon son état de forme.

Semaine 2

— Tokri affronte Toshirô Okkugi, qui se révéla avoir perdu la raison suite à une utilisation abusive du Ganseki Goken. Tokri est fortement blessé, et Toshirô meurt des suites d’un abus du Ganseki.

— Chikara n’a pas d’équipe où affecter Kiame Myô. Son ainé, Gomaki, comprend que ceci est dû aux désertions dont souffre Chikara.

— Gomaki fait découvrir à Tokri son affinité avec le vent (Le Fuuton)

Semaine 2 à 4

— Hospitalisation de Tokri. Il en profite pour se concentrer sur le Gyo et le malaxage.

Juillet 1812

Semaine 1

— La Team Gomaki part pour Nikidami pour livrer leur première mission de rang C. Objectif : protéger le village d’attaques de brigands. La mission en collaboration avec une équipe de Gensouard composé de deux Chuunins : Chihousou Masaka et Sarouh Tsumyo + un Genin : Kazuo Sabishii. Chihousou est le chef de l’équipe hybride, Gomaki est présent comme consultant et conseiller.

— Sarouh teste en duel Tokri. Sans surprise, il le bat. Lors de la première nuit de surveillance, les shinobis sont surpris de rencontrer une résistance plus importante que prévu. Sarouh est blessé. Rapprochement entre Izul et Sarouh.

— Lors de la seconde nuit, Tokri tue pour la première fois. ll est celui qui observe au plus près les aptitudes anormales de leurs adversaires.

— Tokri et Mutika renouent leur amitié.

— Avec l’aide de Sarouh, Tokri parvient à maîtriser pleinement la technique Fuuton pour aiguiser les objets. Sarouh soupçonne Mutika de lui avoir volé sa bourse et fait part de ses doutes à Gomaki.

— Lors de la dernière nuit, chacun prend sa part dans les exécutions des brigands. Lors d'un combat de Tokri et Mutika, un brigand lâche le nom de leur drogue par inadvertance : le Boost S. L’équipe est mise en difficulté par le chef des brigands, surboosté. Ils parviennent à le mettre à mal, mais ils sont sauvés in extremis par Gomaki. Le chef s’injecte une dernière dose pour affronter le Jounin, mais meurt d’un arrêt cardiaque.

— Sarouh se lie d’amitié avec Nika.

— Les cadavres sont envoyés à Chikara et Gensou pour autopsie.

Semaine 2

— Retour de l’équipe à Chikara. Sarouh, mortellement blessé, est rapatrié au Village du Sable sous peine de perdre la vie. Jeu tendu de collaboration entre Chikara et Gensou, avec en guise de pions la Team Gomaki et Sarouh.

— A la demande de Gomaki, Sarouh montre aux Genins le danger que représente le Genjutsu. Gomaki nomme Tokri chef d’équipe. Résultant des jeux d’alliance et à la demande de Gomaki, Sarouh est affecté à l’équipe en tant que consultant et agent de liaison entre les deux Villages.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 18:37

Tokri se retint du mieux qu'il le pouvait et donna un grand coup. Il s'épongea le front en expirant avant de demander à Nika :

— Comme ça ?

— C'était parfait, lui chuchota-t-elle, le souffle court. Continue !

La Hynomori était attentive à ne pas faire bouger la pièce de métal sur laquelle ils travaillaient depuis un bon quart d'heure. Le moindre décalage pouvait les obliger à tout reprendre de zéro. L'Utak abattit son marteau contre la plaque, faisant résonner un puissant tintement dans l'atelier.

Bientôt deux heures qu'ils travaillaient les pièces du nouveau Kokuro. Assez rapidement, Tokri s'était retrouvé en nage. L'effort physique combiné à la chaleur dégagée par les fourneaux servant à assouplir les plaques de métal avait amené le jeune homme à travailler torse-nue. Nika avait songé oser faire de même, avant de bannir cette idée par pudeur.

Entre deux frappes, elle observa son ami. Discrète, elle ne put s'empêcher de détailler sa musculature taillée pour le combat au corps à corps. Tout indiquait qu'il faisait attention à son rythme de vie, et la Hynomori se doutait pour les avoir côtoyé que cela faisait partie intégrante de l'éducation des Utak. Il releva les mèches qui commençaient à le gêner, tout en expirant discrètement. Tout en retenu comme à son habitude, ses yeux noisettes brillaient par les picotements dus à la chaleur et à l'effort.

Elle remarqua sa fine cicatrice sous son œil gauche, dont elle ignorait toujours l'origine. Elle se fit la réflexion que cette marque ajoutait à son charme.

La Genin sentit le rouge lui montait aux joues à cette pensée. Elle reporta son attention sur la plaque et manqua de la faire glisser de côté, au moment même où Tokri abattit son marteau. Avait-il remarqué quelque chose ? Si tel était le cas, il le masquait parfaitement. Mais l'adolescente en doutait. Nika le connaissait suffisamment pour se douter que sa réaction aurait été tout autre si tel avait été le cas.

La marionnettiste fit un geste de la main à Tokri pour lui faire comprendre de ne plus frapper. Elle inspecta la pièce et jugea que la forme était satisfaisante. Nika sentait qu'elle rougissait toujours, et espérait que l'Utak mettait cela sur le compte de la forte température. Lui-même avait les pommettes de ses joues adorablement rosie...

— On a bien avancé, l'informa t-elle. Merci de ton aide Tokri.

— De rien.

Le jeune homme prit une grande bouffée d'air, avant de se saisir de son tee shirt d'une main et de sa bouteille d'eau de l'autre. Il en but une grande rasade, puis enfila son haut au grand regret de Nika. Elle se retint de sursauter lorsqu'il se tourna vers elle, la tirant sans le savoir de ses pensées.

— Tu vas les placer sur Kokuro ? lui demanda-t-il en désignant les trois plaques qu'ils venaient de forger. Ça ne risque pas de lui faire perdre en rapidité ?

— Légèrement, répondit la Genin aux mèches violettes. Mais ce métal est naturellement souple. Mon clan a développé des techniques d'affinage, je pense être capable d'en utiliser certaines pour préserver sa vitesse.

— Impressionnant, commenta Tokri de son petit sourire en reprenant une gorgée d'eau.

Nika fit un petit mouvement de tête pour placer sa frange devant ses yeux, technique qu'elle avait développée depuis des années pour masquer sa gêne. Feignant l’ignorance, l’Utak rangea sa bouteille dans son sac, et le mit sur une épaule.

— On devrait y aller pour ne pas risquer d'être en retard.

Nika opina du chef et guida Tokri jusqu'à l'extérieur du domaine. Pour un non Hynomori, il était facile de s'y perdre. L'adolescente remarqua que son compagnon de marche observait les bâtisses du clan des Marionnettistes. Elle comprenait que l'architecture pouvait surprendre, tant elle se démarquait du reste de Chikara. Taillées dans le granit, les demeures étaient tout en angle contrairement aux formes arrondis du Village.

La marionnettiste s'attendait à quelques questions, mais Tokri garda le silence. Elle se doutait qu'il se projetait déjà dans la journée qui les attendait. Nika n'aurait pas été surprise que quiconque confie ressentir du stress en ce premier jour en tant que chef de leur équipe. Elle ne le fut pas non plus en le voyant ne rien laisser filtrer.

Lorsqu'ils arrivèrent à leur terrain d'entraînement, Tokri et Nika constatèrent que seul manquait Gomaki. Mutika les accueillit avec un sourire goguenard. A peine Tokri vit-il son visage qu'il s'attendait à une blague gênante de sa part.

— C'était physique ce matin ? lâcha-t-il après avoir remarqué leurs visages encore rougis par l'effort.

— Tagueule.

Mutika continua à afficher son stupide sourire, fier de lui. Sarouh et Izul étaient en pleine conversation et mirent quelques secondes avant de remarquer leurs arrivées. Leur discussion semblait tout en retenu, chacun souriant aux paroles de l'autre tout en jouant à replacer quelques mèches pour elle et en s'auto-ébouriffant pour lui. Tokri les salua d’un signe de tête, auquel Sarouh répondit de la même façon. Izul lui fit un signe de la main et prit congé du Tsumyo pour discuter avec Nika. Toutes deux s'éloignèrent de quelques pas des garçons.

Le Chuunin sembla hésiter en se pinçant une lèvre, et décida finalement de rejoindre l'Utak et l'Oroshi.

— Salut.

— Salut, répondirent presque d'une voix les Chikarates.

Le ton de Mutika était moins avenant que celui de Tokri. L'Utak lui jeta un regard subversif, qui eut pour seul effet de faire lever les yeux du rouquin au ciel. Sarouh prit une courte inspiration avant de se jeter à l'eau.

— Je tenais à m'excuser pour hier, dit Sarouh d'une voix qui frôlait le bredouillement. La leçon était importante pour vos carrières, mais j'admets avoir forcé le trait plus que je ne l'aurais dû. J'espère qu'on pourra partir sur de meilleures bases tous ensemble...

— C'est sûr que me faire gerber, c'est pas le meilleur moyen pour partir d'un bon pied, maugréa le concerné.

— Mutika... grogna Tokri.

Sarouh baissa brièvement les yeux tout en se mordant la lèvre. L'Utak était exaspéré. Présenter ainsi ses excuses lui demandait clairement des efforts. Il semblait bien moins sûr de lui qu'à l'accoutumée, et cette métamorphose amenait Tokri à se remémorer les paroles de Gomaki. Le Tsumyo était ninja depuis bien plus longtemps qu’eux, et avait de fait connu son lot de souffrances qui pouvait justifier son comportement.

Tokri avait le sentiment d'en lire une partie sur son visage.

— Excuses acceptées mec, lâcha-t-il finalement. Je n'ai pas été correct non plus. Le vol de ta bourse, c'était pas loyal. Je te l'amène demain.

— Ça me va, accepta Sarouh en lui adressant un sourire sincère. Merci Mutika.

— La prochaine fois que tu me fais ressortir mon p'tit déj', tu finis avec une colonne Doton dans le fion par contre, ne put s'empêcher de le provoquer l'Oroshi.

L'Utak retint un soupir de soulagement, tout en souriant à l'humour de Mutika. Sarouh marqua un temps d'hésitation et, une fois le sarcasme perçu, ricana quelques secondes. Mutika semblait avoir perçu la même chose que lui. Tokri s'apprêtait à les remercier pour leurs efforts, mais fut interrompu par l'arrivée de leur Jounin, cigarette en bouche comme toujours.

— Salut les jeunes. Vous êtes tous en avance dîtes moi. Prêts à en baver ?

Il se posta devant eux et, tout en expirant une bouffée de cigarette, les observa tour à tour. Ce qu'il vit sembla le satisfaire au vu du sourire qu'il arborait.

— Comme vous le savez déjà, notre équipe a subi quelques changements et ajustements, déclara le Myô. J'ai décidé de nommer Tokri chef de notre unité. Son rôle est de me seconder et de s'assurer de la cohésion de notre groupe. Quand je ne suis pas là, considérez chacun de ses ordres comme étant les miens. Je me suis bien fait comprendre ?

A cette question, il appuya particulièrement son regard vers Mutika. Tous opinèrent du chef.

— Deuxième changement : Sarouh a été nommé par Chikara et Gensou comme agent de liaison entre nos deux Villages. Il me secondera dans l'encadrement de vos entraînements, et participera à nos missions. Voyez le comme mon bras droit pour une durée non déterminée.

— Cette décision est-elle liée au Boost S ? demanda Izul. Je suppose qu'une enquête est en cours.

Avant de répondre, Gomaki prit le temps de reprendre de sa cigarette tout en lui souriant avec fierté.

— Perspicace comme toujours. Je n'ai toutefois pas le droit de vous divulguer ce genre d'informations. Jusqu'à nouvel ordre.

Ce non-dit était pratiquement une confirmation de la pensée de la Leïl. Il termina sa cigarette, et l'écrasa avant de prendre le temps de s'en allumer une nouvelle de son pouce.

— Le programme d'aujourd'hui sera le modèle que nous suivrons jusqu'à ce que je décide que vous êtes prêt à passer à l'étape supérieure. Je vous préviens, vous allez rentrer exténués tous les soirs à partir d'aujourd'hui. L'entraînement jusqu'à ce jour n'était qu'un amuse-gueule. Les choses sérieuses commencent pour vous à présent.

Gomaki prit une bouffée de sa cigarette pour donner le temps à ses élèves d'intégrer l'information. Tokri fit de son mieux pour masquer son impatience. Il lui tardait de passer à la vitesse supérieure.

— Pour commencer, quelques échauffements de Taijutsu. Tsumyo, avec moi. J'ai à te parler pour la suite. Les autres, comme vous voulez. En groupe ou en solo pour les exercices de votre choix.

Sarouh jeta un œil à Izul, esquissa une moue gênée et suivit Gomaki. Nul besoin d'être fin observateur pour comprendre avec qui il aurait souhaité rester. Depuis la mission, Tokri avait remarqué que quelque chose semblait se tisser entre eux. Tant que cela ne gênait pas la cohésion de groupe qu'ils tentaient d'installer, peu lui importait.

Izul fit un pas vers eux et les observa. Son regard se porta plus particulièrement sur Tokri, ce qui surprit le jeune homme. Il s'apprêtait à lui demander si elle souhaitait s'échauffer avec lui, mais la jeune femme bifurqua finalement vers Nika, en ignorant royalement Mutika .

— Reste plus que nous deux, soupira Mutika. On s'éloigne ?

— Si tu veux.

Tokri suivit son ami. Une fois hors de portée de voix, tous deux commencèrent par quelques assouplissements.

— Entre nous, dit Mutika sur le ton de la confidence. Tu en penses quoi de tout ce mic-mac ?

Après avoir suffisamment détendu ses jambes, Tokri passa à l'étirement des bras avant de répondre.

— A quel sujet ? Le fait qu'un Gensouard soit agent de liaison auprès de notre équipe ? Ou que Gomaki soit apparemment lié à l'enquête sur le Boost S ?

— Y'a ça aussi, en convint évasivement Mutika. Mais le Tsumyo, tu le sens comment ?

Se jugeant suffisamment détendu, Tokri commença à faire quelques pompes. Mutika l'imita.

— Je l'ai dit clairement hier. De une, nous n'avons pas d'autre choix que de faire avec. De deux, je pense qu'il a un bon fond. Enfin, on a beaucoup de choses à tirer de lui en matière de contrôle du Chakra.

— T'as que l'entraînement et le boulot à la bouche ma parole, souffla l'Oroshi, tant par l'effort que par l'exaspération. Et par rapport à Izul ?

— Quoi Izul ? s'étonna Tokri en passant à une série uniquement de la main droite.

Mutika afficha un rictus dont l'Utak n'avait que peu l'habitude de voir sur son visage. Son sourire ressemblait davantage à une grimace qu'à son habituelle expression enjouée. Le chef d’équipe eut un mauvais pressentiment. Finalement, l’Oroshi n’avait pas avalé la pilule aussi bien qu'espéré.

— Il veut se la taper. Et elle est réceptive. Tu l'aurais vu ce matin, avant votre arrivée. Ca minaudait d'un côté comme de l'autre...

— Et ? Que veux tu que je foute de cette information ?

— T'avais remarqué ? Et hier, elle n'a pas arrêté de le défendre.

Tokri passa à une série du bras gauche, sans retenir un grognement de lassitude face au comportement de Mutika.

— Oui, j'avais remarqué. Et contrairement à toi, je n'en ai strictement rien à carer.

— Il m'a toujours pas convaincu ce mec, pesta le rouquin en se plaçant sur le dos pour une série d'abdominaux. Ok, il avait l'air sincère en s'excusant. Mais y'a un truc pas net chez lui.

L'Utak s'assit à côté de son ami pour passer au même exercice. Le récent promu en avait plus qu'assez des excès de jalousie de son collègue. Il pensait comprendre son besoin d'extérioriser ses pensées, et son rôle de chef l'obligeait à l'écouter. D'autant plus qu'ils étaient à nouveau en bons termes. Ce genre de discussion continuait malgré tout à lui passer au-dessus de la tête. Quel intérêt que de spéculer sur les relations des autres ?

Mutika ayant besoin de se défouler, ils continuèrent un long moment à enchaîner différents exercices en silence. Lorsqu'ils décidèrent de passer à une simulation de combat, Tokri jugea que l'Oroshi s'était suffisamment calmé et relança la conversation.

— Tu crois pas que la jalousie parle à ta place ? Izul, tu l'aimes à ce point ?

Mutika stoppa un mouvement, manquant de se prendre un coup de l'Utak. Il bougea de côté au dernier moment, tout en haussant les épaules.

— Comme tout le monde je pense. Je l'avais repéré avant d'être dans sa promotion. Quand j'ai su qu'elle était dans mon équipe, j'ai songé tenter quelque chose. Sans en être raide dingue. Je n'ai jamais eu de grands espoirs, pour tout te dire. Elle était la source des regards des garçons depuis des années, tu le sais au moins ? On était tous plus ou moins amoureux d'elle.

— Ah.

— T'es pas croyable, Tokri. Parfois, je me demande si t'es humain.

A cette phrase, l'Utak tiqua. Le jeune homme avait trop entendu ce genre de réflexion tout au long de sa courte vie. Était-ce trop compliqué de comprendre que voir sa mère se faire assassiner sous ses yeux d'enfants avait forcément causé des séquelles sur ses capacités sociales ? Depuis ses cinq ans, son esprit était hanté par Uril et par son désir de vengeance. Jusqu'à ce qu'il soit affecté à la Team Gomaki, le reste ne lui importait que peu.

— J'en avais rien à foutre des gens de l'Académie.

— Je sais, je sais. Jusqu'à ce qu'on soit affecté à cette équipe, j'étais le seul à qui tu avais adressé la parole. Mais quand même, ne dis pas que tu ne la trouves pas jolie ?

Entre deux échanges, l'Utak jeta un œil à leurs partenaires féminines. Effectuant le même simuli combat que les garçons, Nika et Izul semblaient elles aussi en grande discussion. Tokri se demanda quelques instants quels pouvaient être les sujets de leur échange. Il balaya rapidement cette pensée de son esprit. Encore une fois, quel intérêt ?

La coquette Izul s'était coiffée d'une queue de cheval et avait ajouté quelques barrettes depuis le début de la session de Taijutsu. Certainement pour ne pas être gêné dans ses déplacements. Pour la première fois, il prit réellement conscience de sa beauté. Bien que plus jeune de deux ans que Tokri et Mutika, il était facile d'oublier ce détail. Les courbes de son corps et ses hanches étaient déjà celles d'une femme.

Tokri ne put s'empêcher d'observer la timide Nika. Plus enfantine physiquement que sa collègue, la Hynomori exerçait un attrait indéniable. Contrairement à Izul, la brune n'avait pas eu à se poser de questions avec sa coupe au bol, dont les mèches violettes volaient devant ses yeux au gré de ses mouvements.

— Ca y est, tu percutes qu'elle est belle cette nana ? le taquina Mutika, qui ne sembla pas avoir remarqué que le regard de son partenaire avait dévié sur Nika. Tu piges mieux pourquoi tout le monde, à part toi apparemment, n'avait d'yeux que pour elle ?

Evidemment. En plus d'être une jolie pousse, Izul avait été une brillante étudiante. Major de sa promo, elle maîtrisait toutes les bases des arts shinobiques et avait une grande maîtrise de son Chakra, même pour une Genin fraîchement sorti de l'Académie. Belle et intelligente, le cocktail parfait pour mettre à ébullition les hormones adolescentes.

Après avoir repoussé le poing de l'Oroshi, Tokri exécuta un coup de pied circulaire que son ami para. Il ne répondit qu'une fois qu'ils reprirent une position de repos.

— Je te l'accorde, admit Tokri en sachant d'avance qu'il regretterait ses paroles. Mais je te le répète, Mutika. Je m'en fous. Tant que leur relation n'a pas d'impact sur l'équipe, ce ne sont pas mes affaires.

Mutika soupira, tout en arborant son demi-sourire taquin. Sentant venir la boutade, Tokri le coupa d'avance.

— Je leur demande juste d'être professionnel.

Gomaki décréta la fin des exercices de Taijutsu et leur ordonna de se réunir autour de lui, empêchant Mutika de lancer l'une de ses blagues vaseuses sans le savoir. Une fois qu'ils furent tous présent, il déclara :

— Nous allons passer à la défense au Genjutsu. Tsumyo, à toi l'honneur.

— Putain... marmonna le rouquin en levant les yeux au ciel, exaspéré.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 18:38

— Nous allons passer à la défense au Genjutsu. Tsumyo, à toi l'honneur.

— Putain…

Bien qu’il avait été prononcé faiblement, le juron avait tranché le silence attentif de l’assemblée. Gomaki toisa du regard Mutika, l’amenant à baisser les yeux d’un air penaud. Ce fut Sarouh qui prit l’initiative d’apporter les précisions. Tokri remarqua que son front perlait de gouttes de transpiration. L'acclimatation au climat aride de Chikara devait être violente par rapport à la région pluvieuse dont il était originaire. L’Utak ne le jugeait nullement, se doutant que le choc de température le ferait certainement souffrir s’il devait d’aventure se rendre à Gensou.

— Ne vous inquiétez pas. Nous n’allons pas y aller à la même intensité qu’hier. L’objectif est de vous donner les bases pour vous défendre des Genjutsus. Je pense que vous avez bien saisi qu’en cas d’attaque par un Genjutsuka compétent, vos chances de vous en sortir sont quasi nulles.

— Tsumyo adaptera ses altérations à votre niveau, ajouta Gomaki, bras croisés. Je lui ai donné pour instruction de corser les choses au fil de vos progrès, et ce uniquement avec mon autorisation. Si vous avez la moindre plainte à formuler par rapport à ces exercices, c’est à moi qu’il faudra les adresser. Je me suis bien fait comprendre ?

Les Genins opinèrent du chef, avec moins d’entrain de la part de Mutika. Le rictus du rouquin était discret, mais Tokri le connaissait suffisamment pour comprendre son anxiété. Rien d’étonnant compte tenu du résultat de sa dernière confrontation avec l’art des illusions.

— Passons à la théorie, reprit procéduralement Sarouh. La technique que je vais vous enseigner se nomme le Kai. Comme vous le savez, un Genjutsu est un envoi de Chakra dans votre cerveau pour produire une modification déterminée par l’expéditeur. Pour dissiper une altération, le Kai va modifier la fréquence et l’intensité des zones sous emprise. Vous me suivez ?

Avant que quiconque n’ait le temps de réagir, Izul prit la parole :

— Si je comprends bien, plus le Genjutsuka a envoyé une forte dose de Chakra et plus il nous faudra en déployer pour le dissiper ?

— C’est ça, affirma Sarouh en lui adressant un charmant sourire.

Gomaki sortit une cigarette, chose qu’il n’avait pas faite durant toutes les explications du Tsumyo. Ces quelques minutes avaient manifestement été sa limite. Comme toujours, il l’alluma d’une flammèche de son pouce.

— Je vais passer devant vous à tour de rôle et altérer l’un de vos sens. A vous de le dissiper en envoyant le Chakra dans la zone concernée. Dites-vous qu’en situation réelle, votre ennemi ne vous fera pas la fleur de vous prévenir. Il vous faudra dissiper le Genjutsu et si c’est un échec, improviser avec cet handicap pour espérer survivre.

Pour les aider à se lancer dans l’exécution du Kai, l'illusionniste leur montra le signe des mains affilié. Sarouh se plaça ensuite devant Nika et lui toucha la joue. Elle sembla perdre soudainement l’équilibre tout en portant ses mains à ses oreilles avec surprise. L’Utak comprit que le Gensouard lui avait retiré l’ouïe. Mutika sursauta en se touchant la langue, tandis qu’Izul se mit à humer sa main. Tokri en déduisit que le premier avait perdu le goût, tandis que la seconde avait eu le droit à la perte de l’odorat. Il ne lui restait plus que la vision ou le toucher. Lorsque le Tsumyo se plaça devant lui, l’Utak lui demanda :

— C’est le seul moyen de dissiper une illusion ?

— Il y en a un autre, répondit Sarouh avec hésitation. Mais je le déconseille.

— Dis toujours.

— Subir une forte douleur physique. Sur le même modèle que le Kai, plus la souffrance est intense et plus ton cerveau a de chances de chasser l’illusion. Mais c’est à double tranchant. Tu peux te blesser bien plus que nécessaire, ou bien te lacérer inutilement.

— Je vois. A utiliser en dernier recours.

— Va pas t'empaler pour un exercice, le taquina Sarouh en lui adressant un sourire malicieux.

— T’es un marrant finalement, rétorqua l’Utak en lui rendant un demi-sourire.

A peine eut-il terminé sa phrase que le Tsumyo posa une main sur son front, plongeant Tokri dans la pénombre la plus totale. Son vis à vis avait donc choisi l’aveuglement. S’y étant préparé, Tokri resta impassible et apposa les deux doigts de sa main gauche contre la paume de la droite. Il envoya son Chakra comme indiqué par Sarouh, en vain. Il réitéra encore et encore, et commença à enrager intérieurement de ses échecs successifs.

Non loin de lui, il entendit Sarouh féliciter Izul. Rien de surprenant compte tenu de sa maîtrise du Chakra. Tokri fut distrait une fraction de seconde en imaginant la scène qui devait se jouer : un Sarouh charmeur et une Izul minaudante devant les compliments de l’expert. Il se reprit bien vite et reprit ses efforts, en maudissant Mutika de lui avoir parasité l’esprit avec ses commérages.

Quelques minutes plus tard, il entendit Gomaki féliciter Nika. Tokri s’appliqua d’autant plus, en prenant son temps pour localiser l’emplacement touché par le sort. Mais rien n’y faisait.

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, il tenta de réguler différemment sa quantité de Chakra lorsqu’il entendit Gomaki congratuler Mutika. Tokri était donc le dernier à devoir s’extirper du Genjutsu. Il soupira. Cet art et lui avaient toujours été incompatibles, rien d’étonnant à ce qu’il soit le dernier de la bande à s'en extirper.

Ayant eu l’intuition que sa dernière tentative avait été proche de réussir, l’Utak redoubla de concentration. Il dosa légèrement plus la quantité de Chakra, visualisa l’emplacement des nerfs optiques qu’il pensait être touché par l’illusion et exécuta le Kai. Le jeune homme sentit comme une pression à l’arrière de ses yeux, puis sa vue commença à revenir. Il cligna des yeux plusieurs fois jusqu’à ce qu’ils retrouvent la netteté habituelle de son excellente vision.

— Je crois bien que notre Utak a également réussi, commenta Gomaki en lui adressant son sourire paternel.

Mutika vint à sa rencontre et lui adressa un léger coup de poing fraternel à l’épaule.

— T’as mis le temps, le taquina t-il. Le Genjutsu, c’est vraiment pas ton truc.

— Définitivement oui, confirma l’Utak en un soupir.

Assise en tailleur, Izul et Nika lui adressèrent un sourire de félicitation. L’Utak le leur rendit, tout en prenant conscience qu’elles étaient en pleine session de méditation, certainement depuis leur propre auto-libération.

— Stoppons le Genjutsu pour aujourd’hui, décida Gomaki en expirant de la fumée.

— Déjà ? s’étonna Izul, s’attendant à reprendre les exercices. On vient juste de commencer.

— Je tiens à ce que l’on termine le programme, lui expliqua son sensei. Je préfère vous ménager. Les jours suivants, on enchaînera les exercices et vous devrez gérer vos forces en connaissance de cause en décidant par vous-même à quel moment vous souhaitez stopper vos perfectionnements.

Il se tourna vers le Chuunin, tout en sortant son paquet de cigarette.

— Ce détail est valable pour toi aussi, Tsumyo. Allez, vingt minutes de méditation avant d’attaquer la suite.

Tokri et Mutika allèrent rejoindre la ligne méditative formée par leurs collègues féminines. L’Utak perçu le regard noir qu’adressa Izul à son ami, l’amenant à se poster en tailleur à ses côtés pour éviter tout conflit. Mutika se positionna aux côtés de Nika.

— Bravo pour ta défense au Gen, lui chuchota Izul.

Ne s’y attendant pas, Tokri marqua quelques secondes de silence avant de répondre.

— Bof, j’ai mis le temps. Tu as tenu ta réputation, joli travail.

— L’important est d’avoir réussi, répondit Izul. Je te laisse à ta concentration.

Elle lui adressa un charmant sourire, auquel Tokri répondit similairement. Il ferma ensuite les yeux, et se concentra sur ses énergies. Lors d’un malaxage du Chakra, l’Utak avait la sensation que son énergie psychique possédait une douce chaleur, tandis que son énergie physique était d’une froideur extrême. Une fois fusionné, le Genin ressentait une réconfortante tiédeur, ce qui avait fait de l’exercice un rituel récurrent lors de ses baisses de moral malgré le fait que son impatience l’avait longtemps empêché de maîtriser pleinement l’acte. Il tâcha de requinquer ses réserves autant que possible.

Le Myô tapa dans ses mains en guise de signal de fin.

— Venez par ici, leur ordonna le Jounin tout en désignant un carré de sable du terrain d'entraînement. Sarouh, tu peux disposer et suivre ton propre programme pour les deux heures suivantes.

Le Chuunin acquiesça et s'éloigna du groupe pour continuer sa méditation, tandis que Gomaki exécutait quelques mudras qui provoquèrent une liquéfaction du sable. L’Utak comprit instantanément l’objectif du prochain exercice. Cette fois-ci, il ne sera certainement pas le dernier.

— Vous maîtrisez l’adhésion sur des surfaces brutes, expliqua Gomaki après avoir tiré sur sa cigarette. Ceci est la seconde étape : la marche sur des sables mouvants. Je vous conseille d’imaginer quelque chose de plus diffus qu’une simple adhérence.

— Un coussin d’air par exemple, suggéra Tokri.

Ayant le Gensouard dans son champ de vision, le jeune chef d’équipe remarqua qu’il ouvrit un oeil en lui adressant un léger sourire complice. Tokri ne put s’empêcher de le lui rendre.

— Exactement, confirma le Jounin en pointant l’Utak d’un doigt approbateur. Excellent conseil, Tokri. Si vous avez compris le principe, allez-y. Il n’y a qu’en pratiquant que vous parviendrez à réaliser l’exercice.

Tandis que ses camarades marquèrent un temps d’hésitation, l’Utak s’approcha d’un pas tranquille et sauta dans les sables tout en concentrant son Chakra vers ses pieds où il forma ses images mentales, comme lors de son entraînement à Nikidami avec le Tsumyo.

Il commença à s’y enfoncer, et eût à relever ses jambes à plusieurs reprises. Ses camarades le rejoignirent les uns après les autres, et furent surpris de constater que Tokri s’enfonçait bien moins qu’eux. Au bout de cinq minutes, le jeune Utak se tenait avec fierté et stabilité sur les sables.

— C’est bon pour toi Tokri, assura le Myô en le gratifiant d’un large sourire. Repasse en mode méditation.

— Mais… quoi ? bafouilla Mutika. Comment est-ce possible ?

Tokri passa à côté de lui en tapotant gentiment son épaule.

— Quand tu piges le truc, ça vient tout seul.

Le Genin hésita à rejoindre Sarouh pour le remercier de ses conseils, mais se ravisa. Il craignait toujours qu’apprendre que le Gensouard l’avait aidé durant la mission alors qu’ils étaient censés être en concurrence ne ravive encore plus les rancœurs de l’Oroshi. Tournant le dos à ses camarades et remarquant que Sarouh l’observait d’un regard satisfait, Tokri lui adressa un subtil clin d'œil complice.

Il se positionna en tailleur et reprit ses exercices habituels. Au bout d’une dizaine de minutes, Izul fut la seconde à réaliser l’exercice. Affichant un visage grandement satisfaite, Tokri vit en entrouvrant un œil qu’elle rejoignit le Tsumyo.

Vingt minutes plus tard, ce fut Nika qui décida de rejoindre le chef d’équipe.

— Félicitations Tokri, la complimenta-t-elle. Tu m’as impressionné.

— Tu sais garder un secret ? lui demanda l’Utak sur le ton de la confidence.

— Euh… oui, je crois, bafouilla Nika, surprise par cette question inattendue.

— Sarouh m’a aidé avec ça à Nikidami, chuchota Tokri sur le même ton. Je t’expliquerai les détails demain matin si tu veux. Mais garde le pour toi s’il te plait.

— Oh, marmonna Nika, comprenant que ce secret n’était pas sans raison. D’accord…

De toute l’équipe, Nika était la première avec qui Tokri s’était lié. Avant même de renouer son amitié avec Mutika. Elle n’avait jamais fait preuve de comportement permettant de douter de sa parole, mais Tokri préférait s’en assurer.

L’Oroshi mit bien plus de temps pour réussir l’exercice. Une bonne demi-heure s’écoula avant qu’il ne parvienne à se stabiliser. Gomaki put finalement déclarer l’exercice clos en rameutant les troupes.

— Je vous félicite sincèrement, les complimenta Gomaki avec bienveillance. Vous progressez au rythme que j’escomptais. A partir de demain, ce créneau durera une heure de plus. Nous commencerons par une session sur les sables jusqu’à ce que vous maitrisiez totalement cette pratique, puis vous apprendrez les diverses applications du Chakra. Des questions ?

Quelque peu fatigué malgré les sessions de méditation, les Genins répondirent par la négative. Tokri maîtrisait d’ors et déjà le Gyo, la manipulation permettant d’accentuer la puissance des frappes de l’utilisateur. Elle était la base de la première technique que lui avait Bril Utak : le coup de pied circulaire appelé Chikara Sen’puu. Nul doute que Gomaki avait prévu de lui enseigner une autre application.

— Nous en avons terminé pour ce matin. Je vous paye le restaurant, suivez-moi.

Gomaki les guida jusqu’à la zone commerciale du Village et s’arrêta devant l’un d’eux de ses nombreux restaurants, en arborant une expression d’intense satisfaction en humant les odeurs de nourriture.

— Mon moment favori de la journée, leur chuchota malicieusement le Myô.

Ils furent accueillis par un personnel aimable et souriant. Les jeunes comprirent que Gomaki était un habitué et qu’une table avait été réservée pour eux. Décidément, leur mentor avait calibré ce premier jour avec minutie. Chacun commandèrent un plat, puis échangèrent autour de la matinée qui venait de s’écouler. L’ambiance était légère et faisait du bien à chacun.

Lorsque les plats arrivèrent, les conversations se tournèrent vers des sujets plus légers que le travail. Assis à côté de Nika, Tokri attaqua un simple plat de pâtes-viande. Posté devant eux, Mutika lui demanda :

— Comment t’as fait pour réussir aussi rapidement l’exercice des sables ? T’as galéré comme un chien avec le Kai !

L’Utak entendit Nika manquer de s’étouffer avec sa bouchée. Il espéra très fortement que la jeune femme ne fasse aucune gaffe et le laisse parler.

— J’ai visualisé tout de suite le principe, répondit simplement Tokri sans se départir de son calme.

Mutika jeta un œil à Nika, dont le rouge était monté aux joues. L’expression de son visage démontrait ce qu’il pensait : on le prenait légèrement pour un idiot.

— Mouais, marmonna-t-il. Ça va Nika ? Un peu chaud ?

— Ça va, bafouilla-t-elle en faisant descendre ses cheveux devant son visage. Je suis un peu fatiguée.

— C’est sûr, rétorqua malicieusement l'Oroshi. C’était physique ce matin.

L’Utak comprit tout de suite l’objectif de son ami. Il savait pertinemment que le jeune homme ne lâcherait aucune information. Travailler au corps Nika avait plus de chances d’aboutir.

— Fous lui la paix et mange, espèce de chieur, l’intima Tokri avec un demi-sourire.

Mutika pouffa de rire avant de reprendre son repas. En preuve de bonne volonté, il orienta lui-même la conversation vers des sujets routiniers. Une fois le déjeuner achevé pour tous, Gomaki leur offrit un temps de digestion sur place avant d’ordonner le retour au terrain d’entrainement. Ils se placèrent une fois de plus en ligne face à leur instructeur, qui reprit la parole tout en sortant son paquet de cigarette.

— Cet après-midi sera dédié au domaine qui intéresse particulièrement la plupart d’entre vous. C’est d’ailleurs pour cela que je tenais à ce que vous maitrisiez la marche sur les sables, ça vous sera extrêmement utile.

— Ninjutsu ? demanda timidement Nika.

— Bingo, confirma Gomaki en s’allumant une cigarette. On attaque l’exploitation de vos affinités. Vous avez d’ailleurs beaucoup de chance. Excepté le Raiton, les éléments primaires sont tous réunis au sein de notre équipe.

Tokri prit soudainement conscience de cet état de fait, auquel il n’avait eu aucune réflexion jusque là. Certainement lié au fait qu’avant Nikidami, l’Utak était concentré sur sa propre progression et ne pensait que très peu aux missions qu’ils auraient à livrer.

— Par chance, je possède les affinités de trois d’entre vous. J’ai déjà en tête les tours que vous allez apprendre. En ce qui te concerne Izul…

— Puis-je me mettre en binôme avec Sarouh ? l’interrompit-elle soudainement.

Un silence de surprise s’installa auprès du groupe, uniquement perturbé par le filet de fumée de Gomaki. Sarouh et Izul étant tous deux de l’élément Eau, les faire travailler ensemble semblait tomber sous le sens. Qu’elle en fasse la demande express était bien plus intrigant. Mutika adressa un petit sourire qui en disait long à l’Utak, qui prit sur lui de ne rien laisser paraître.

“Tant que cela n’impacte pas l’équipe.”, ne cessait de se répéter Tokri.

— C’était prévu oui, lui répondit finalement Gomaki. Vous pouvez commencer d’ailleurs. Tokri, avec moi. Mutika et Nika, je viens vers vous dès que possible.

Izul s’éloigna avec Sarouh en jetant un regard narquois à Mutika, que Tokri intercepta. L’avait-elle fait uniquement pour tacler l’Oroshi suite à ses propos de la veille ? L’Utak soupira, comprenant qu’il lui faudrait certainement faire un rappel à l’ordre à la Kunoichi si ce genre de comportement persistait.

— Un soucis ? lui demanda Gomaki.

— Rien d’ingérable. Je repère des choses, c’est tout.

— C’est le métier qui rentre, répondit Gomaki avec un sourire compatissant. En cas de besoin, n’hésite pas à faire appel à moi.

— Je sais. Mais sauf votre respect, je vais essayer de gérer au mieux seul. Si je perds le contrôle du groupe, je vous appelle.

Le Jounin lui tapota l’épaule en signe d’encouragement. Suffisamment éloigné du groupe, il lui demanda d’être attentif et composa plusieurs signes en direction de mannequins d'entraînement. Un souffle de vent se leva et les fit vibrer.

— C’était le Kyouffu, le souffle du vent, lui expliqua Gomaki. Il s’agit d’une technique de base du Fuuton. Pour bien appréhender ce Jutsu, j’ai une question pour toi. Lorsque tu insuffles du Chakra Fuuton dans tes armes, as-tu une sensation particulière ? Une sensibilité avec ton environnement ?

— Il me semble.

Ressentant le besoin d’en avoir la certitude, Tokri sortit un kunai et l'affûta par le Chakra. Il prit alors conscience de ressentir avec légèrement plus de précision l’air autour de sa main.

— J’ai comme une sensation de brise autour de ma main.

— Il s’agit d’une sensation naturelle chez le possesseur du Fuuton. Tu l’as certainement ressentie depuis que tu sais produire du Chakra. Mais il s’agit de quelque chose d’inconscient chez toi, et rares sont les Fuutoniens à s’en rendre véritablement compte avant qu’on ne leur pointe le détail. Je vais donc te demander dans un premier temps de t’emparer de cette sensation, et ce sur l’ensemble de ton corps.

— Compris.

— Lorsque tu maîtriseras le Kyouffu, nous passerons à la génération de vent à partir de ton propre Chakra. Certains instructeurs procèdent à l’inverse, mais j’ai toujours eu le sentiment qu’il était bien plus simple d’utiliser les éléments qui nous entourent lorsque cela est possible. Tu comprends certainement que tu as un avantage par rapport à certaines Affinités. Izul par exemple.

Tokri jeta un oeil à la dite jeune femme. Elle fermait les yeux, les mains l’une devant l’autre, dans une intense concentration. Au centre était formé un globe d’eau, que Tokri comprit être généré par son propre Chakra. D’abord parfaitement sphérique, elle commença à se désagréger par de courts filets jusqu’à éclater au visage d’Izul. Posté devant elle, Sarouh éclata de rire. Il fut bien vite accompagné par son élève du moment. L’Utak ne put s’empêcher de trouver le Tsumyo bien différent par rapport à celui auquel ils avaient eu à faire face jusque-là. Plus enjoué, voire heureux.

— Parfait timing avec mon explication, ricana Gomaki qui avait suivi le regard de son pupille. Je vais te montrer les signes pour la réalisation du Jutsu. Tente la lorsque tu sentiras l’air sur chaque pore de ta peau.

Après lui avoir montré les signes, Gomaki prit congé de Tokri et alla rejoindre Nika pour lui donner ses propres instructions. Le jeune homme prit quelques instants pour se faire un bilan des explications de son sensei. Une fois certain d’avoir tout intégré, il ferma les yeux et se concentra sur son Chakra. L’Utak sourit en ressentant la tiédeur de l’énergie au creux de son ventre. Se rappelant la sensation avec le kunai, il se fit la réflexion que le meilleur moyen d’atteindre son objectif était de diffuser son Chakra à travers l’ensemble de son corps.

Durant un temps qui lui sembla infini, il ne ressentit rien de particulier. Peu à peu, Tokri sentit l’air caresser ses bras. D’abord par à coup, discrètement, puis de façon de plus en plus diffus. Quelque temps plus tard, le jeune homme eut la sensation d’être bercé par de douces vagues de vent.

Tokri décida d’ouvrir les yeux, et constata avec satisfaction que la sensation était toujours aussi vive. Avant de tenter le Kyouffu, le Genin jeta un œil à ses camarades. Trempée, Izul continuait à produire un globe d’eau sous la supervision de Sarouh. Il lui sembla que l’adolescente parvenait à la maintenir bien plus longtemps. Nika crachait à répétition de fines flammèches. De part le mouvement de sa tête, il en déduisit que son objectif devait être de générer en peu de temps une série de flammes. Mutika avait un genou à terre et touchait le sol. Devant lui s’était formé un mur de terre de quelques décimètres. Non loin, Gomaki surveillait attentivement sa petite troupe.

Tokri ne savait pas combien de temps sa méditation avait durée. Il était à présent temps d’essayer d’exécuter le Jutsu. L’Utak tourna son attention vers l’un des mannequins d'entraînement et composa les Mudras. A sa grande frustration, seule une légère brise se leva. Il comprit instantanément que la maîtrise du Kyouffu allait demander un certain temps.

Le jeune homme voua le reste de l'après-midi au perfectionnement de la technique. Lorsque Gomaki sonna le rappel, il était satisfait de son bilan. Sans être encore dangereuse, la brise de vent était devenue de plus en plus puissante.

— Pour votre information, cette journée fut légère et écourtée de deux heures par rapport à ce qui vous attend à partir de demain, les informa Gomaki.

Les Genins gardèrent le silence, visualisant ce que cela signifiait. Tokri sentait qu’il avait utilisé la quasi-totalité de son Chakra. Avec une intensité plus importante de l’ensemble de la journée et deux heures d'entraînements supplémentaires, il était assez clair que ses sessions nocturnes en solitaire allaient être stoppées pour un moment. Tokri avait toutefois le sentiment d’avoir grandement progressé en peu de temps, ce bilan ne le dérangea donc pas Tant qu’il avait son moment en solitaire.

— Une dernière chose, ajouta Gomaki. J’ai pour habitude de me détendre aux Bains le soir venu. Vous êtes les bienvenus si vous souhaitez vous joindre à moi. Ce serait un moment privilégié pour renforcer nos liens en dehors des entraînements.

Autant pour sa solitude. Tokri songea à décliner, mais cela serait certainement mal perçu. De plus, les Bains avaient des vertus bénéfiques pour la régénération du Chakra. Le bénéfice l’emportait sur le négatif.

— Rendez-vous vers vingt-et-une-heure pour les intéressés, conclut Gomaki en terminant une cigarette. Je vous y attendrai une dizaine de minutes, pas plus. Je compte sur le volontariat de l’un d’entre vous pour guider Sarouh s’il souhaite se joindre à nous. Pour information, ils sont non-mixtes.

Gomaki leur adressa un petit signe de la main, et s’éloigna. Tokri décida de prendre son relais.

— Je vais aux Bains, annonça t-il. Et vous ?

Mutika et Nika répondirent par l’affirmative. Une moue de gêne se dessina sur le visage de Sarouh, alors qu’il posa par un réflexe une main sur son ventre. De ce qu’il perçu du regard de Izul, elle sembla comprendre quelque chose.

— Ca va aller Sarouh ? lui demanda-t-elle. Tu as utilisé beaucoup de Chakra, entre le Genjutsu et ton aide avec le Suiton.

— Je… C’est vrai oui, avoua t-il avec hésitation.

Sans en comprendre exactement la raison, l’Utak comprit que la jeune femme tentait d’offrir une porte de sortie à Sarouh. Jugeant que leur Chuunin ne semblait pas prêt à partager ce moment avec eux, il décida de s’en mêler.

— Va te coucher, lui intima-t-il en croisant les bras. T’as l’air crevé. Et on aura besoin de toi en pleine forme demain.

Sarouh le remercia en un sourire peiné, et souhaita une bonne soirée aux Genins. Tous sentirent un léger malaise. Le Tsumyo avait clairement l’air de vouloir se joindre à eux, mais était empêché pour une raison qui leur échappait. Le groupe se sépara et se donna rendez-vous aux Bains à l’heure indiqué par Gomaki.

Tokri songea à aborder Izul vis-à-vis de ses multiples provocations de Mutika. Fatigué, il décida de laisser ce sujet de côté. Cette journée avait suffisamment puisé dans ses ressources sociales.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 18:54

La fraîche nuit tirait sa révérence, laissant bientôt place à l'aube. Dernier soir dans sa chambre d'hôpital, un shinobi aux cheveux bleus émergeait péniblement d'un sommeil bien trop court et agité de cauchemars . Face au miroir de la salle de bain, il pestait intérieurement contre son corps qui lui refusait un repos qu'il pensait pourtant mériter. Les cernes qui se dessinaient sur son visage semblaient chaque jour plus longues et profondes, la fatigue brûlait ses yeux émeraudes et son cœur battait dans ses tempes. La journée allait être une nouvelle fois très éprouvante. Il se passa de l'eau glacée sur le visage en essayant de mettre de l'ordre dans ses idées.

Gomaki leur avait fait la bande-annonce d'un programme très chargé et long au cœur duquel l'illusionniste allait être beaucoup mis à contribution. Ces insomnies pouvaient difficilement tomber plus mal. Hors de question non plus pour Sarouh d'admettre sa fatigue. Il ferait avec. Le contact glacial lui fit du bien et acheva de le réveiller.

Il tenta de mentaliser rapidement ce qu'il proposerait à ses élèves de fortune. Partie genjutsu, il avait une bonne idée de comment adapter ses exercices pour que l'Utak progresse plus vite avec Mutika. En ce qui concernait Nika, il continuerait à augmenter graduellement la difficulté, sans rien changer au plan de base. Izul, quant à elle, s'était révélée particulièrement douée. Sarouh la revit briser son illusion avec une certaine aisance, lui adressant un sourire charmeur dans la foulée. Par conséquent, il avait certaines idées pour la familiariser à des concepts plus avancés. La kunoichi n'était pas simplement à l'aise avec son chakra mais s'était aussi illustrée par ses connaissances. Lors du dîner, elle n'avait eu de cesse de lui poser des questions parfois pointues sur le genjutsu, Gensou ou la manipulation du chakra. Sur de nombreux aspects, l'azurée lui rappelait beaucoup ses propres recherches presque trois ans auparavant.

Son intelligence vive et son intérêt académique n'étaient pas les seules choses qui séduisaient le Tsumyo. Il lui avait été très difficile de nier son attirance pour la belle Chikarate lorsque son regard se perdait sur sa silhouette féminine, trempée par les exercices de ninjutsu. Une sensation inédite avait surpris plusieurs fois le Gensouard en croisant son regard alors qu'elle rougissait timidement à ses compliments, sensation qu'il s'était empressé d'enfouir tout au fond de lui-même.

Sous son mentorat, la future médecin avait progressé à une vitesse fulgurante. De plus, la demoiselle faisait preuve de compréhension, d'empathie et d'instinct. Le Gensouard était presque sûr qu'elle l'avait arrosé exprès pour veiller à ce qu'il supporte la chaleur du désert et elle lui avait ouvert en grand une porte pour lui permettre de fuir les Bains. Après tout, elle avait bien vu les multiples cicatrices qui recouvraient son ventre. Ça n'en demeurait pas moins très doux de sa part. Si les cicatrices faisaient partie intégrante de la vie de shinobi, il ne se sentait pas prêt de parler de celles-ci.

Sarouh secoua la tête, se faisant violence pour chasser son élève préférée de son esprit. Il n'était pas là pour ça et même s'il sentait son lien avec elle se développer très vite, une part importante de lui-même s'inquiétait de cet état de fait. Il s'entichait bien trop rapidement d'Izul Leïl. C'était dangereux et irresponsable. Cela compromettrait sa mission s'il s'investissait avec elle. Non, c'était décidé, aujourd'hui, le Gensouard s'appliquerait à renforcer son lien avec les autres membres de l'équipe, sans favoriser Izul.

Pour penser à autre chose, il commença doucement à s'étirer et à s'échauffer, testant les nouvelles limites de sa mobilité. Le shinobi aux cheveux bleus fut ravi de sentir ses articulations et ses muscles soumis à l'exercice rouler sans effort. Même ses abdominaux ankylosés avaient récupéré un semblant de leur forme passée. Il faudrait encore un peu de temps pour qu'il recouvre l'entièreté de ses capacités mais de son point de vue, il se considérait guéri. L'entraînement pourrait reprendre là où il l'avait laissé avec l'examen chuunin.

Il prit Aura, contemplant un instant les fines gravures animales le long de la lame et les enluminures trônant sur la poignée. Le présent de ses parents continuait à ravir ses yeux. Parfaitement équilibrée, l'arme était un trésor d'artisanat. Il la dégaina et fendit l'air à toute vitesse comme pour se remémorer les sensations qui étaient les siennes depuis l'entraînement acharné qu'il s'imposait depuis le tournoi. Lorsqu'il fut entièrement satisfait, le soleil commençait à embraser la ligne d'horizon.

Il lui fallait partir. S'habillant rapidement de sa tenue de combat, n'ayant pas eu l'occasion de racheter d'autres vêtements, il sortit à toute vitesse vers le terrain d'entraînement, sentant la fraîcheur glacée de la nuit désertique alors qu'il courrait. L'air emplissant et brûlant ses poumons le faisait se sentir vivant. Une espèce d'adrénaline sauvage le poussa à encore accélérer, arrivant en un temps record à destination, un grand sourire plaqué au visage.

Sans surprise premier sur place, le chuunin s'attela à réviser rapidement les différents types de manipulation du chakra. S'il était très à l'aise avec le Gyo, le Ren, le En et le Ten, le Zetsu lui demandait toujours un peu plus d'efforts et il voulait que sa présentation soit parfaite. Il commença doucement à malaxer son chakra et à cycler les exercices à très faible intensité. Aussi fut-il surpris par l'arrivée discrète de la marionnettiste du groupe.

Nika le salua d'une courbette, visiblement soucieuse de ne pas le déranger alors qu'il s'affairait à maîtriser son Ten. Le Tsumyo s'interrompit pour aller à son encontre en souriant. En réalité, il était ravi de la voir arriver en première, ils n'avaient pas eu l'occasion de discuter depuis la fin de la mission.Ne te dérange pas pour moi, lui dit-elle presque dans un murmure.

- Tu ne me gênes pas.

- Je suis même très content de te voir en première. Tu as fini ce que tu faisais avec Tokri ?

- Presque, je l'ai laissé partir pour qu'il puisse se changer...

Sarouh jugea qu'il n'avait pas besoin de relever la pointe de regret qu'il crut sentir dans sa voix. Tuant dans l'œuf sa curiosité, le chuunin enchaîna avec les autres sujets qu'il avait sur le cœur.

- Je tenais à m'excuser pour ce que je t'ai dit l'autre jour, déclara-t-il en s'inclinant du buste. Je ne pensais pas avoir à retravailler avec vous et par conséquent, j'y suis allé plus fort que je ne l'aurais dû. Je suis désolé.

Il avait terminé dans un quasi-bredouillement. Décidément, il était beaucoup plus doué dans sa tête pour ce genre de choses. Nika ne cacha pas sa surprise et lui répondit en évitant soigneusement de croiser son regard:

- Il n'y a pas à s'excuser. C'était nécessaire. Je pensais que tu avais compris que je ne t'en voulais pas.

- S'il y en avait une capable de comprendre, je me doutais que c'était toi. Mais je te devais les mêmes excuses qu'aux autres. Je ne peux pas respectueusement présumer de ton intelligence.

La genin s'empourpra et replaça d'un geste ses cheveux devant ses yeux, espérant que ça la rendrait invisible. C'est Mutika qui la sauva de sa gêne. Un large sourire collé sur le visage, le roux était bien plus jovial et détendu cette fois.

- Hé Tsumyo, il s'agirait de ne pas draguer toutes les filles de l'équipe.

Comme à chaque remarque de ce style, l'Hynomori sembla vouloir disparaître. Sarouh récupéra la bourse que Mutika lui lança avec un clin d'œil. Il était inutile de revenir sur cet épisode. Le Tsumyo s'essaya à rentrer dans le jeu de l'Oroshi tout en accrochant à sa ceinture son bien.

- C'est si gentil Mutika de souligner mon charisme affolant. Faut pas se sentir menacé enfin, je suis sûr que tu t'en sortiras très bien aussi.

Une seconde, le genin sembla hésiter sur la façon dont il devrait prendre sa réplique, avant de se décider à accepter avec un large sourire. Si leur relation tournait à l'échange de pics, il serait en terrain connu avec le Tsumyo. Il salua la maladroite tentative du Gensouard d'un signe de tête et s'échauffa tranquillement un peu plus loin, laissant Nika et Sarouh finir leur conversation.

- Hem, Nika, hésita le chuunin en regardant obstinément ses pieds, si un jour tu veux m'apprendre, pour les échecs, j'en serais ravi.

- Ça sera un plaisir quand j'aurais plus de temps.

La marionnettiste lui adressa un de ses rares sourires solaires. Elle semblait sincèrement heureuse de s'être trouvée un nouveau partenaire de jeu. Sarouh souffla doucement pour évacuer son stress. Pour l'instant, tout se passait bien. Peu après, alors qu'il s'était rassit en tailleur et que l'Hynomori avait copié Mutika en s'étirant doucement, les autres membres de l'équipe arrivèrent en même temps, pile à l'heure.

Tokri et son attitude impassible habituelle suivi de près d'une Izul rayonnante et d'un Gomaki tirant sur sa classique cigarette. Une seconde, Sarouh s'interrogea sur la façon dont se prenait le juunin pour ne pas être repéré en mission, avant que ses pensées ne soient balayés par le large sourire que la kunoichi d'azur lui adressa. Anticipant le taijutsu, elle avait déjà attaché ses cheveux. Habillée d'une tenue noire cintrée pour l'entraînement, elle subjugua instantanément le chuunin qui s'était pourtant juré de ne pas se laisser déstabiliser. Il pria pour que le sourire niais qu'il lui avait adressé en retour ait échappé au reste de l'équipe et se focalisa sur les instructions que donnait Gomaki, ses élèves en cercle autour de lui.

- On change les groupes d'échauffements pour aujourd'hui, c'est important pour que vous ne preniez pas de mauvaises habitudes, commença le juunin. Sarouh, tu peux participer désormais?

- Je peux et j'en serais même ravi. L'exercice me manquait.

- Allons donc, persifla Mutika.

- Je vois que vous êtes pressés de vous entraîner ensemble. Tokri tu vas avec Izul. La prochaine fois c'est toi qui décidera des paires. Nika, tu seras ma partenaire.

Sarouh et Mutika grimacèrent. De tous les membres de l'équipe, l'Oroshi était celui avec lequel il s'entendait le moins. Inutile de dire que c'était exactement la raison pour laquelle le diligent juunin les avait appairés. Il devait voir leur coopération comme indispensable en mission. Le Tsumyo aurait bien aimé travailler avec l'une des deux kunoichis mais les ninjas font rarement ce dont ils ont envie. Même Tokri lui aurait mieux convenu. Ils se seraient sûrement entraînés en silence et ça n'aurait pas été plus mal

Jetant un regard à Izul en commençant à travailler, il fut surpris de voir que Tokri était en grande conversation avec elle. Ne laissant pour une fois pas sa curiosité dicter son comportement, il reprit avec une bonne trentaine de minutes d'échauffement et d'exercices musculaires qui firent le bonheur du Gensouard, sentant son corps répondre vigoureusement à chacune de ses inflexions, puis ils passèrent à la phase de simulation de combat en duo. Étouffant un soupir, le chuunin échauffa rapidement ses articulations avant de se mettre en position.

- Ménage moi, n'oublie pas que je sors de l'hosto.

- Moi aussi, c'est pas une raison. J'y peux rien si on est faits d'un meilleur bois. Enfin... Pleure si c'est trop dur pour toi.

Le chuunin para sans problème de l'avant bras un coup de pied et Mutika dû esquiver un enchaînement de plusieurs coups de poings emprunté à la boxe. Le genin sembla surpris un instant du répondant de son adversaire. Il l'avait peut-être un peu sous-estimé. Ils continuèrent ainsi leur simulation de combat dans le plus grand silence jusqu'à ce que Mutika revienne à la charge.

- Je te voyais plus fragile que ça, après la branlée que Tokri t'a infligée.

- J'appellerais pas ça une branlée, répondit Sarouh avec un sourire en parant un autre coup. J'ai gagné il me semble.

- Pas les premiers échanges.

Mutika esquiva un crochet, tenta une balayette qui fut évitée d'un petit saut et ils se retrouvèrent en position de lutte, chacun bloquant le poing de l'autre.

- Je le testais. Es-tu si sûr que tu pourrais m'affronter, si je me battais à fond?

- Certain, lui répondit l'Oroshi en le défiant du regard en conservant son rictus.

- Je serais ravi de voir ça.

Sarouh était sérieux. L'ivresse du combat le grisait toujours et c'était l'une des rares choses qui continuaient à l'emplir de satisfaction au fil du temps. Affronter le ninja adepte du doton serait une expérience agréable et enrichissante, il en était sûr. De plus, le Chikarate n'aurait pas à beaucoup se faire violence pour l'affronter. Même maintenant il sentait la rancœur de Mutika à son sujet. Dans ses coups et ses enchaînements, il y avait une fébrilité et un manque de retenue que le chuunin ne pouvait s'empêcher de noter. Ca passerait, au fur et à mesure que ses souvenirs du trauma seraient moins nets. S'il pouvait se défouler contre le Tsumyo, leur relation serait sûrement plus simple. Ils auraient l'occasion. Gomaki les rappela bientôt autour de lui.

- Bien, je suis satisfait de ce que j'ai vu. Continuez à faire preuve de sérieux, seule la constance permet d'atteindre un niveau satisfaisant, rappela-t-il en glissant un regard à l'illusionniste qui eut du mal à ne pas le prendre pour lui. Et maintenant votre moment préféré de la journée, genjutsu !

Les réactions à cette annonce furent très différentes selon le genin. De l'imperturbable Tokri, à la visiblement ravie Izul en passant par l'un-peu-moins-ravi Mutika, tout y était représenté. D'un regard, le juunin l'enjoignit à commencer l'exercice, avant de se rallumer une cigarette.

Sarouh ignora Izul en lui faisant un signe voulant dire "J'arrive" et commença pour Nika, pour laquelle il n'avait pas d'instructions particulières. Il attendit qu'elle lui donne sa main pour ne pas la brusquer, la rendant aveugle cette fois. Il ne s'attendait pas à ce que ça lui pose problème, c'était à peine plus difficile que le précédent. Pour Mutika et Tokri, il leur fit subir exactement le même traitement que la veille, pour qu'ils récupèrent rapidement leurs marques.

Il se tourna finalement vers Izul, qui se tenait un bras avec l'autre, une moue impatiente. Avec un grand sourire, il lui expliqua :

- J'ai gardé le meilleur pour la fin. J'ai finalement pu voir tes fameuses prédispositions hier. J'ai un exercice légèrement différent si tu veux bien.

Il se mit face à elle en malaxant doucement son chakra. Il douta l'espèce d'une seconde que ses élèves avaient la moindre idée du degré de maîtrise et de concentration que ça lui demandait de contrôler aussi finement la difficulté des exercices, avant de plonger son regard dans les yeux d'Izul. Ses yeux verts clairs brillaient d'impatience et d'excitation. Tout en contenance, elle attendait que Sarouh explique. Masquant son trouble, il reprit :

- Tu as totalement assimilé le concept, quant à la localisation et l'intensité du chakra. Maintenant je vais te parler de fréquence.

- Le chakra est comme une rivière, il s'écoule à un certain débit, c'est ça ?

- Exactement, tu as dû déjà comprendre empiriquement ce que ça signifiait. Pour échapper aux illusions les plus complexes, tu ne devras pas simplement envoyer une grosse dose de chakra mais également en perturber le rythme. On va commencer avec quelque chose de facile.

La vue de la kunoichi se troubla légèrement, alors que le chuunin lâchait à regret son bras.

- Qu'est ce que tu m'as fait, je ne vois pas la... Ha ! réalisa la désormais daltonienne kunoichi en relevant la tête

- Cet exercice devrait te prendre un peu plus de temps. N'oublie pas ton analogie qui est excellente et tu devrais choper le truc. Je vais essayer de me concentrer sur Tokri et Mutika pour le reste de la session, mais n'hésite pas si tu as des questions.

- Avec plaisir. Ils en ont bien besoin ! Oh, le vert te va bien aussi, lui répondit la kunoichi, amusée et souriante de sa nouvelle expérience.

Ne sachant que faire du compliment, le chuunin fuit vers Nika qui avait déjà brisé sa première illusion. Il lui expliqua calmement qu'il allait en augmenter la difficulté mais sans changer le concept fondamental, contrairement à Izul. Toujours en se servant de la main qu'elle lui donnait, il la renvoya dans le noir. Le plus dur était à venir pour Sarouh, qui souffla doucement avant de se tourner vers les deux garçons. Mutika réussi l'exercice au moment où il arrivait vers eux, là où Tokri était toujours aveugle.

Il adressa un grand sourire à Mutika pour le féliciter et rompit lui-même l'illusion sur le genin en difficulté. Devant leur incompréhension il s'expliqua :

- On va faire ça différemment, j'ai peut-être mal étudié la situation à votre propos. On va faire comme si c'était un exercice de musculation ça vous parlera plus.

- Tu serais pas en train de nous prendre pour des abrutis sans cervelle par hasard ? persifla le roux

Tokri sembla avoir compris le changement de dynamique qu'ils essayaient de mettre en place et ne releva pas cette fois. Sarouh nota mentalement qu'il comprenait bien mieux les gens qu'il ne le laissait paraître.

- Pour toi je sais pas Mutika, mais j'oserais pas insulter le chef de votre unité enfin ! Plus sérieusement, je vais vous faire sentir ce que vous devez faire. Ça va rentrer à la mémoire musculaire, si on peut appeler ça comme ça, puisque l'abstraction c'est pas votre truc.

- Tu vas nous lancer des illusions en boucle...? Hésita Tokri. C'est pas un peu dangereux ?

- Ça le serait si j'en avais envie. Là, le seul danger est pour moi. Donnez-moi vos mains, les filles devraient avoir de quoi s'occuper un moment toutes seules.

Sous le regard dubitatif des deux genins et curieux de Gomaki, Sarouh ferma les yeux pour se concentrer, les mains de chacun des garçons dans les siennes. Il commença à malaxer doucement son chakra.

Théoriquement, il avait une idée très précise de ce qu'il faisait. Dans les faits il tâtonnait un peu. Il les renvoya dans le noir, en prenant bien soin de faire en sorte que son chakra prenne de la place. Grossière illusion, les deux genins réussirent à la dissiper du premier coup.

Sans même leur accorder une seconde de répit, il répéta l'exercice. Encore et encore, se faisant à peine plus subtil à chaque passage. À force de répétitions, Tokri et Mutika commencèrent à comprendre et ils arrivèrent bien vite à se défaire d'illusions aussi bien concentrées sur leur vue que sur leurs autres sens.

C'est Nika qui le sortit de son effort. Posant délicatement la main sur son épaule, elle le sortit de sa transe depuis laquelle il lançait mécaniquement ses jutsus. Il sursauta :

- Hem, Tsumyo... j'ai fini et Izul n'en a plus pour longtemps...

La marionnettiste était hésitante. Peut-être qu'elle avait essayé de l'appeler sans obtenir de réponse, pour en venir à le toucher. Ou simplement était-elle inquiète ? Il se tourna et lui adressa un sourire las. Pris d'un vertige, il dissimula sa fatigue en restant assis.

- Tu as compris le principe, ou tu veux un exercice similaire ? L'interrogea-t-il d'une voix mécanique

- Tu devrais peut-être te reposer, tu as l'air tout pâle.

- Même pour un Gensouard, rajouta un Mutika goguenard.

- Je peux gérer, lui assura Sarouh. Alors ?

- Tu peux passer au niveau supérieur.

Elle avait affirmé ça avec une conviction inattendue. Manifestement, elle aussi avait pris à cœur de devenir plus forte dans ce domaine. C'est qu'il avait réussi son coup. Il souffla pour se concentrer, et la rendit sourde en lui effleurant la main.

- N'en fais pas trop, Tsumyo.

L'ordre venait de Tokri cette fois. Le Gensouard lui fit un petit non de la tête avant de se lever pour rejoindre Izul. Celle-ci l'attendait les bras croisés avec un sourire mutin.

- Alors comme ça les filles peuvent attendre hein ?

- Je ne désirais pas vous faire patienter, princesse. Mes plus plates excuses, je ne suis qu'un modeste shinobi.

- Mmh, pas mal, je serais presque tentée de te pardonner. J'ai réussi, je pense avoir saisi la différence.

- Merveilleux, tu veux continuer ?

- Mmh. J'aimerais bien.

- ...Mais...?

Je pense que le grand manitou ne va pas te laisser faire, dit-elle en pointant du doigt Gomaki qui effectivement se levait pour mettre fin à la séance.

La kunoichi hésita une seconde, avant d'ajouter, un peu mal à l'aise et regardant avec obstination des grains de sable manifestement fascinants :

- Merci pour ce que tu fais pour nous. Pour ce que ça vaut, je te trouve très impressionnant. Je m'en rends compte maintenant que je comprends mieux ce que tu fais.

Pour la première fois depuis une éternité, le Tsumyo se sentir rougir. Difficile de faire croire à la chaleur du désert. Il fut sauvé par le juunin qui déclara que la phase de méditation commençait.

- Tsumyo, tu es beaucoup mis à contribution mais n'oublie pas, tu dois te ménager pour la suite.

- Je connais mes limites. Je suis en manque de chakra depuis que je suis genin, répondit platement le Gensouard

C'était vrai. Il s'entraînait comme un damné depuis l'académie et même bien avant ça. Toute sa volonté et son réconfort résidaient dans l'effort. Il crut voir de la compréhension dans le regard de Tokri, mais il n'arrivait pas à être sûr de ce que le jeune homme pensait. Le respect qu'il vit dans les yeux d'Izul et Nika était plus évident. Quant à l'Oroshi, il semblait s'être retenu de justesse de lancer une pique à l'illusionniste.

Pour la méditation, il se coupa momentanément des autres. Psychiquement, il était épuisé et il aurait bien besoin de reconstituer ses réserves afin de pouvoir faire ce qui était prévu. Il ne pouvait se permettre de faire les choses à moitié et il se soupçonnait d'être incapable de se concentrer s'il restait avec le groupe. Il se positionna en lotus dans le sable, laissant la chaleur le détendre et les odeurs portées par le vent du désert l'amener dans une autre dimension.

Bientôt il sentit l'énergie spirituelle affluer et se mélanger dans une quiétude douce, tel un lac de montagne baignant dans le soleil automnal. Il avait toujours l'impression de faire partie d'un Tout puissant et vaste lorsqu'il méditait. Chacun possédait un palais mental qui lui était propre.

Il sentait ses forces revenir, mais la pause fut de bien courte durée. Il eut la sensation qu'on le tirait de force d'une sieste tranquille. Sans se plaindre cependant, il adressa un sourire fatigué au reste de l'équipe et laissa Gomaki expliquer la suite des opérations.

- Pour la suite nous allons passer aux manipulations de chakra de base, indispensables pour votre progression en tant que shinobi, commença-t-il en expirant doucement une volute de fumée. Tokri, tu pourrais me dire quelles sont-elles ?

- Ten, Ren, Gyo, Zetsu et En. Izul n'est pas la seule à savoir lire, ajouta-t-il devant les mines étonnées de ses comparses

- Excellent. Le Ten permet de canaliser et générer son chakra. Ce n'est ni plus ni moins qu'une forme avancée de malaxage. Vous êtes tous familiers avec le concept. Pour le Gyo, il s'agit de concentrer son chakra dans un point précis pour augmenter son efficacité. Tokri vous en a déjà fait la démonstration avec son Chikara Sen'puu. Qui peut m'indiquer ce que font celles qui restent ?

- Le Ren permet d'extérioriser son chakra, ce qui en démultiplie la puissance, indiqua Izul d'une voix assurée.

Sarouh n'écoutait pas vraiment, maîtrisant bien le sujet. Apparemment, les genins dominaient l'aspect théorique. Agréablement surpris de trouver en l'Utak autre chose qu'un bourrin, il lui avait adressé une œillade complice mais discrète. Nika se taisait mais personne ne doutait réellement de ses connaissances sur le sujet. L'art du marionnettiste était déjà assez difficile en soi, combinant plusieurs de ses techniques de base. Mutika compléta avec le En et le Zetsu. Le premier bien maîtrisé par Sarouh permettait d'appréhender l'environnement avec son chakra, là où le second servait à renforcer son corps.

- Exactement, une bonne pratique du Zetsu vous sauvera la vie. Chihousou vous en a fait une excellente démonstration. Bravo Mutika.

Les deux mentors échangèrent un regard satisfait. Ils avaient bien fait leurs devoirs et cela allait grandement faciliter les choses pour la suite. Le petit groupe eut droit à une petite séance de Ten sur sable mouvant, pour montrer leur degré de maîtrise de l'exercice. Sarouh se joignit aux Chikarates sans montrer de difficultés particulières. Posté à côté de la kunoichi d'azur, ils échangèrent un petit sourire de connivence avant de passer à la suite.

- Bien, commença Gomaki satisfait, vous maîtrisez déjà tous cet aspect là. Un peu moins compliqué que marcher sur l'eau, cela reste un excellent exercice. Vous continuerez à le pratiquer à chaque séance. Avec Tsumyo, nous avons convenu d'un programme. Tokri et Mutika se concentreront sur le Ren, Nika et Izul sur le Zetsu, puis vous inverserez ensuite lorsque vous maîtriserez à un niveau que nous trouverons tous les deux suffisant.

- Pourquoi ne pas nous entraîner sur le même sujet ? Demanda lzul sortant la première des sables mouvants

- On pallie à vos besoins les plus urgents, précisa Sarouh en la suivant de près. Mutika et Tokri ont déjà montré qu'ils se débrouillent bien pour cet exercice.

La kunoichi sembla se suffire de ces explications lacunaires et le Gensouard se planta au milieu du groupe. Il expliqua d'abord le principe du Zetsu et comment s'y entraîner. Puis il embraya sur le beaucoup plus visuel Ren. Il échangea un regard avec Gomaki qui lui donna son assentiment en penchant la tête, en profitant pour s'allumer une nouvelle cigarette. Il malaxa ses maigres réserves et se plongea au fond de lui-même, les mains jointes dans un mudra.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, une douce lueur bleue saphir commença à l'entourer. Son aura emplit soudainement tout l'espace, se faisant tempétueuse et se parant de nuances bien plus profondes et menaçantes qui ne manquaient pas de rappeler les profondeurs de l'océan. Une seconde plus tard, le vent chaud de Chikara souffla doucement cet inquiétant spectacle.

Le silence salua sa performance. Cela n'avait rien d'étonnant. Expulser son chakra de la sorte était forcément perçu comme une menace par les shinobis. C'était aussi une forme de démonstration certaine de puissance même s'il n'y avait rien de bien impressionnant ici pour un chuunin.

- La forme et l'intensité du chakra en disent long sur la personne qui l'exécute, dit pensivement Gomaki. Je m'occupe des garçons, je te laisse les filles. Toi aussi tu devrais travailler ton Zetsu.

Encore une fois le Tsumyo eu du mal à ne pas le prendre pour lui, probablement parce que c'était vrai. Une partie de lui en voulait encore au juunin. Il devrait travailler là-dessus à l'occasion. Nika et Izul semblèrent heureuses de cette répartition tandis que Mutika s'éloignait avec un grand sourire à l'intention de Tokri qui ne put s'empêcher de faire non de la tête en soupirant, alors que Gomaki les éloignait.

Le chuunin commençait à vraiment se sentir bien dans cette équipe.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 11/4/2022, 18:59

Les discussions allaient bon train autour des assiettes parfumées alors que l'équipe éreintée s'en donnait à cœur joie. Afin de palier à l’une de ses rares lacunes, le Tsumyo avait pratiqué avec les deux kunoichis. Il avait discrètement regardé les filles s'entraîner, toujours hypnotisé par le contraste tout en couleur qu'elle formait. Dans une moue de concentration adorable, Nika avait progressé de manière fulgurante, talonnée par sa camarade aux cheveux azur.

Le jeune chuunin avait été sincèrement impressionné par l'équipe. Leurs avancées étaient rapides, ils étaient intelligents et volontaires. Le potentiel était énorme. Bien plus important que celui de nombre de ses collègues quand il avait enchaîné les petites missions à Gensou. Le talent appelait le talent et chaque membre tirait les autres vers le haut. La synergie entre eux était palpable pour lui qui était la pièce rapportée. Quelque part il enviait les Chikarates, mais Sarouh était sincèrement content de faire partie de l'aventure. Ses aptitudes naturelles pour la pédagogie étaient mises à bon escient et il voyait bien que tout le monde y mettait du sien à son niveau pour lui permettre de s'intégrer.

Machonnant un bout de viande en silence, il se demanda combien de temps cette parenthèse allait durer. Les nouvelles sur le Boost S n'allaient pas tarder à arriver et à ce moment le Gensouard devrait reprendre sa place à la Cascade. S'ils pouvaient au moins nettoyer cette histoire avec son équipe de circonstance, le Tsumyo aurait la sensation du travail bien fait.

Cette étrange substance était une malédiction pour eux tous. Inutile de dire qu'elle représentait un danger mortel pour le monde Shinobi. Pas tant pour ce qu’elle était que pour les idées qui se trouvaient derrière. Et le chuunin espérait vraiment que ce n’était pas un des Trois qui tirait les ficelles. Et si tel n’était pas le cas, quel que soit le réseau qui était responsable de son expérimentation, il fallait le faire disparaître jusqu'à la moindre trace. Sans que l'histoire ne s'ébruite bien sûr.

Les filles discutaient entre elles, laissant Tokri et Mutika en retrait, ce qui avait l’air de convenir à l’Utak. Le shinobi aux cheveux bleus glissa un regard curieux vers le chef d’équipe. Aîné du groupe, l’athlétique Chikarate pouvait difficilement être plus différent de lui. Un peu plus petit mais beaucoup plus large, tout en muscle et le teint basané, le contraste était difficile à louper. Mais ce n’était pas la raison de l’intérêt du Gensouard. Le jeune homme était tout en retenu, tempérant un caractère volcanique derrière une façade qui se désirait imperturbable. L’illusionniste ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur la réelle personnalité de Tokri. Les quelques éléments qu’il avait glané depuis leur retour dans le désert ne collaient pas.

Alors qu’il était plongé dans ses réflexions, il croisa le regard noisette du guerrier du sable. Sarouh y lu une forme d’interrogation, avant de rompre lui-même le contact. Gomaki dû interpréter ça comme une forme de gêne car il lui offrit une porte de sortie, lui adressant la parole avec un sourire bienveillant, à l’opposé du genin :

— Alors Tsumyo, que penses-tu de notre équipe ? Comment t’y sens-tu ?

— Vous aviez raison, je ne pouvais rêver mieux.

— C’est la réponse du diplomate ou de l’homme ? interrogea le juunin en avalant une nouvelle bouchée.

— Les deux. A ce propos, je voulais aussi m’excuser auprès de vous. J’ai… émis plus de réserves que je n’aurais dû. J’aurais dû vous être reconnaissant.

Le chuunin était au maximum de ce qu’il était capable de fournir comme excuses envers le puissant trentenaire. Sa méfiance à son propos ne s’était pas encore tue, mais il y travaillait. S’il voulait s’intégrer et opérer avec eux, il lui faudrait bien baisser sa garde un jour. Sarouh commençait à envisager que l’amabilité de Gomaki n’était peut-être pas feinte.

Après un court silence pensif, le juunin finit sa bouchée et lui répondit, maintenant son grand sourire. Le Gensouard ne pouvait s’empêcher de voir un peu d’Asori en lui. Cela le contentait autant que ça l’irritait.

— Y’a pas de mal. Je pense comprendre dans quelle situation tu te trouves. Tu risques d’être coincé ici un moment, donc faisons au mieux pour que ça continue à bien se passer.

Professionnel, calme et bienveillant à son habitude, ce qui ne manqua pas de générer une nouvelle vague d’agacement chez l’illusionniste. Secouant la tête, il s’acharna sur son propre repas en silence. Mais qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez lui ? Ce fut rapidement la fin du repas, libérant le jeune homme aux cheveux bleus de ses sombres pensées.

De retour sur le terrain d’entraînement, il fut de nouveau appairé avec la ravissante kunoichi aux cheveux azur, un peu à l’écart des autres groupes. Ayant reconstitué une partie de ses forces, il put également commencer à s’entraîner sur son propre exercice, après avoir briefé Izul sur ce qu’il attendait d’elle pour cette session.

Se concentrant tous deux sur leurs orbes d’eau, l’entraînement fut relativement silencieux. Jetant de temps à autre un regard à sa partenaire, se servant du prétexte de la vérification de son avancement, il la surprit plusieurs fois le lui rendre avec un mélange de gêne coupable et de complicité réelle.

Leurs vêtements furent rapidement trempés, collant à la peau malgré le soleil ardent. Luttant pour empêcher son esprit de s’égarer encore, l’illusionniste se concentra sur ses propres objectifs. Générer un globe d’eau ex nihilo ne lui demandait pas les efforts que mobilisaient sa pupille. En revanche, il avait pour objectif d’imprimer un mouvement de rotation puissant à l’intérieur, ne réussissant pour le moment qu’à le faire éclater. Sarouh avait plusieurs idées de ninjutsu qu’il devrait mettre en place.

Son affrontement avec la brute de Nikidami lui avait fait réaliser son manque de capacités dans le domaine purement offensif. Il lui faudrait de quoi écraser son adversaire même s’il disposait d’une immunité momentanée au genjutsu. L’eau lui servirait à contrôler, le vent à découper la menace. Le contrôle de son chakra s’était beaucoup affiné et le chuunin ne doutait pas une seule seconde de sa capacité à ajouter de nombreuses cordes à son arc rapidement.

Plusieurs heures passèrent ainsi, le silence brisé uniquement par quelques conseils et des blagues légères. Jetant un œil aux autres, Sarouh vit qu’ils n’étaient pas les seuls à progresser à bonds de géant, même s’il obtenait déjà de très bons résultats.

Nika, les cheveux collés au visage et le visage rougi par l'effort, était désormais capable de cracher de manière consistante des petites flammèches en salves rapides, poussant même le vice à essayer de se déplacer pendant l’exercice. Le muret de Mutika était désormais visible de loin, lui arrivant aux genoux. Sarouh ne parvenait pas à comprendre ce que faisait Tokri de loin, mais Gomaki en avait l’air satisfait.

Le soleil déclinait dangereusement lorsque le Juunin les rappela à lui. Il n’avait pas menti, l’entraînement avait été très rude et ils étaient tous vidés. Le regard vide, Sarouh écouta le mentor dire qu’il était fier de ses élèves et spécifier quelques détails sur lesquels Mutika, Tokri et Nika devraient travailler lors de la prochaine session dédiée au ninjutsu. De son côté, le Tsumyo n’avait rien à rajouter pour son élève, lui adressant simplement un sourire entendu qu’elle lui rendit. Le juunin poursuivit :

— Il est temps de procéder à la planification des exercices de demain. Tsumyo, si tu devais choisir deux de ces jeunes gens à affronter, lesquels seraient pour toi les adversaires les plus difficiles ? Et pourquoi ?

Le chuunin n’avait aucune envie de répondre à cette question, même s’il savait exactement quoi dire. Son regard se planta dans le sable, le temps qu’il mobilise sa volonté. Ce fut pris pour un moment de réflexion par les autres membres de l’équipe qui le regardaient avec une curiosité manifeste. Sarouh finit par se résigner avec une moue peinée :

— Nika et Tokri sans doute. La synergie est évidente. Kokuro peut me mettre la pression sans craindre les illusions. Tokri peut me déborder sur le corps à corps. Je ne pense pas être capable de surprendre Nika en termes de planification, avec autant d’éléments à gérer. Surtout qu’ils connaissent tous deux la quasi-totalité de mes compétences.

Nika avait accepté le compliment en détournant simplement le regard, là où l’Utak semblait surpris par son choix. La modestie ne lui allait pas, pensa le Tsumyo.

— Tu penses que tu perdrais ? insista le juunin.

— Non, répondit sans hésiter Sarouh. Pas encore en tout cas.

— Intéressant… Nous vérifierons cela demain. Je le rappelle, c’est un entraînement. Je ne veux que personne finisse à l’hôpital.

— Pourquoi penses-tu qu’Izul et moi ne poserions pas de problèmes? demanda Mutika en serrant la mâchoire

— Vous êtes forts dans le contrôle et le combat à mi-distance. Comme moi. Par conséquent vous n’insistez pas vraiment sur mes faiblesses. Et le marionnettiste est un peu le prédateur naturel de l’illusionniste.

Sarouh eut envie de détailler plus son propos mais s’abstint. Il en avait assez dit sur ses propres faiblesses et cela ne lui convenait pas du tout. La synergie dans l’équipe était un argument qu’il entendait parfaitement, cependant le Gensouard n’avait pas envie de faire confiance à qui que ce soit à ce point. Il n’allait pas non plus livrer un manuel détaillé sur comment le vaincre avec ça. Izul et Nika s’étaient tues mais avaient bu ses paroles. Rien de ce qu’il avait dit ne serait oublié.

— Ça suffit pour aujourd’hui. Je vous donne rendez-vous aux Bains à qui le veut. Au revoir pour les autres.

Le groupe lui adressa un salut respectueux, avant de se tourner vers le chuunin qui avait une excuse toute trouvée pour échapper au petit rituel.

— C’était ma dernière nuit à l’hôpital, je dois encore déménager et voir où je peux dormir cette nuit. Et il me faut d’autres fringues.

— Aïe, faire de la paperasse à la caserne à cette heure-ci, bon courage, l’encouragea Izul. Bonne nuit Sarouh.

Personne ne le retint et il put filer dans la nuit qui tombait. Éreinté mais heureux, il se dirigea d’un pas lent vers l’hôpital, profitant des premières brises de la nuit. Sans qu’il s’en rende compte, un sourire carnassier se dessina sur son visage, alors que son esprit commençait les premières simulations du combat qui l’attendait. Ça allait être intéressant.

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Message par Tokri-en-plus-vieux 12/4/2022, 20:13

Assis en tailleur au bord du promontoire rocheux, Tokri méditait en profitant de la légère brise du désert. Sa concentration était telle qu’il n’entendait plus Gomaki s'affairer à la préparation du terrain derrière lui, tout à son maintien de la délicate tiédeur au creux de son ventre. Il avait hésité à se livrer à quelques exercices de Ten ou de Ren, mais Tokri avait estimé sage d’éviter de perdre du Chakra avant le combat.

L’Utak avait pleinement acquis la conscience du Fuuton. La quasi absence de vent du promontoire ne l’empêchait pas de ressentir le moindre bruissement d’air. Lorsqu’il méditait, Tokri avait de plus en plus la sensation d’entrer en communion avec son environnement et il prenait cela comme un signe positif pour son apprentissage du Fuuton. Certaines idées de techniques commençaient à germer en son esprit.

— Terminé, l’informa le Jounin. J'envoie un message aux autres.

Curieux, Tokri stoppa momentanément sa méditation et jeta un œil par-dessus son épaule tout en évitant d’observer le travail que son sensei venait d’effectuer sur le terrain. Gomaki se mordit le pouce, effectua quelques signes, et apposa la paume de sa main contre le sol. Un léger nuage de fumée enveloppa son poignet. Lorsqu’il se dissipa apparut une sorte de lézard à écaille rougeâtre munis de deux petites ailes. Le Myô se pencha vers lui pour lui donner ses instructions. Visiblement ennuyé d’avoir été invoqué pour servir de messager, le lézard accepta après avoir craché un petit jet de flamme au sol et se dirigea vers le bord de la plate-forme. Lorsqu’il arriva à côté de Tokri, il lui lança un regard inquisiteur.

— Qu’est-ce tu mates ? lui lança la créature.

— Rien, répondit un Tokri quelque peu décontenancé de se faire prendre à parti par un lézard parlant.

Soupçonneux, la créature le fixa en plissant ses petits yeux. Deux traits de flamme sortirent de ses naseaux tandis qu’il déplia ses ailes.

—Mouais. Je sais ce que tu penses, morveux. Pour ton information, j’suis un dragon !

Sans laisser le temps à Tokri de réagir, il sauta dans le vide et ne fut bien vite qu’un point filant dans les ruelles de Chikara.

—Excuse-le, lui dit Gomaki avec un sourire amusé. A cet âge, ils sont susceptibles.

Il fallut quelques secondes à son élève pour intégrer le fait que son mentor était lié à des dragons. Plus il le découvrait, plus Tokri trouvait le Myô impressionnant. Il n’était guère surprenant que Okioto ait manoeuvré pour que son ami soit chargé de sa formation.

Jaugeant qu’il avait une vingtaine de minutes devant lui, Tokri repartit en méditation. Satisfaisant à peu de chose près son estimation, il finit par être définitivement tiré de sa transe par le Jounin :

— Ils arrivent.

L’Utak put enfin observer l'œuvre de leur maître. Les mannequins qu’ils avaient transporté étaient disposés à divers endroits, certains visibles et d’autres camouflés. Gomaki avait également utilisé son Doton afin de créer plusieurs amas rocheux de superficies différentes.

Lorsqu’il rejoignit les rangs des shinobis en les saluant de son habituel signe de tête, il remarqua que ses coéquipiers analysaient également le terrain. Tokri ne doutait pas que Nika et Sarouh étaient d’ors et déjà en train d’ajuster leurs plans de bataille. L’Oroshi lui jeta un regard mi-soupçonneux, mi-interrogatif qu’il ignora. Gomaki n’allait pas tarder à leur fournir les explications de toute façon.

De la petite bande, ce fut le comportement d’Izul qui frappa d’étonnement l’Utak. Yeux baissés, ses chaussures possédaient un attrait exceptionnel. L’une de ses mains tenait fermement son autre bras. Habituellement si solaire, la Leïl semblait se recroqueviller sur elle-même. Tokri fut surpris de la voir se tenir à distance de Sarouh, chacun fermant la ligne des ninjas se tenant face à Gomaki. Ils semblaient pourtant s’être rapprochés durant cette première semaine d'entraînement en compagnie du Gensouard. Ce dernier semblait éviter son regard en arborant une mine attristée.

Décidé à recueillir quelques informations supplémentaires, l’Utak se plaça à côté d’elle. Il crut la sentir tressaillir lorsqu’il la frôla involontairement de son bras.

— Suite à une suggestion de Tokri, j’ai décidé de reporter la simulation de combats ici. Nous sommes à l’écart du Village et la plate-forme offre bien plus d’espace que notre terrain habituel. Comme vous pouvez le constater, j’ai transformé les lieux pour vous offrir diverses possibilités d’action. J’ai également placé des mannequins d'entraînements pour des substitutions.

Il s’alluma du pouce une cigarette en adressant un sourire au chef d’équipe.

— Je te remercie de ton aide pour le transport du matériel.

Sa moue trahissant ses doutes, Mutika leva une main hésitante. Le Myô lui signifia d’un bref mouvement de tête qu’il avait la parole.

— Je m’en fiche un peu étant donné que ça ne concerne pas mon match, se sentit-il obligé de préciser. Mais ce n’est pas un peu déloyal que Tokri vous ait vu préparer le terrain ?

Le Tsumyo garda le silence, mais le regard qu’il lança au Jounin signifiait qu’il partageait cette interrogation.

— Légitime question, releva Gomaki en expirant un trait de fumée. Il m’a uniquement aidé pour le transport. Une fois sur place, je lui ai demandé de se livrer à une méditation en attendant que tout soit prêt. Ce qu’il a fait jusqu’à votre arrivée.

— Vraiment ? dit Mutika avec scepticisme.

— J’y ai veillé.

Tokri n’en fut pas surpris. Il s’était douté que le Jounin le testait en lui donnant cette instruction. C’était une occasion de vérifier à la fois son obéissance et ses valeurs. Le Taijutsuka n’en avait cure, sa fierté couplé à son sens de la justice l’empêchant de tricher contrairement à la plupart des shinobis.

Izul avait relevé la tête pour suivre les échanges entre leur sensei et l’Oroshi, permettant à Tokri de constater que les yeux de la jeune femme étaient rougis. Le cœur de l’Utak se serra malgré lui en en reconnaissant la cause pour l’avoir bien trop subis dans son enfance. Dans le même temps, son esprit fut envahi de questions. Pourquoi aurait-elle passé du temps à pleurer, alors qu’elle était si lumineuse la veille au soir ? S’était-il passé quelque chose avec le Tsumyo ? Ayant lu dans son regard davantage d’inquiétude que de culpabilité, Tokri doutait que le problème vienne de lui.

Bien que discret, Izul remarqua que l’Utak l’observait et fit quelques pas vers Nika pour s’éloigner de lui. Gomaki le remarqua, mais ne releva pas. Son regard trahissait toutefois un soupçon d’interrogation mêlé à l’inquiétude vis-à-vis de la major de promotion.

— On commence par le duo Tokri-Nika contre Tsumyo.

D’un geste de la main, le Jounin demanda à Mutika et Izul de le suivre pour libérer de l’espace aux combattants. Nika et Tokri se positionnèrent l’un à côté de l’autre en s’échangeant un regard entendu. Cela n’échappa pas à Sarouh qui dégaina Aura tout en gardant un œil à la bâche dans le dos de la marionnettiste. L’Utak n’en fut pas surpris, se doutant au vu de ses paroles de la veille qu’il ferait tout pour ne pas se laisser déborder. D’un mouvement du pouce, le Tsumyo rendit invisible sa lame.

— Tu crois vraiment que ça va changer quelque chose ? le provoqua Tokri. Je le connais ce tour.

Pour toute réponse, Sarouh lui adressa un sourire carnassier. L’Utak le lui rendit, déjà grisé par le combat. Même s’il avait perdu la dernière confrontation, le Chikarate s’était admis avec le recul avoir adoré combattre le Tsumyo. Tous deux possédaient les forces faisant défaut à l’autre, rendant l’affrontement riche en enseignements. Il était également impatient de tester les tactiques concoctées la veille avec la Hynomori. Depuis leur rencontre, il la savait intelligente et dotée d’un esprit stratégique aiguisé, mais elle était encore parvenue à le surprendre.

— Commencez ! ordonna Gomaki.

Ne perdant pas de temps, Tokri se munit d’un kunai de sa main directrice tout en expédiant des shurikens de l’autre. Sarouh les dévia, avant de parer la frappe de kunai de l’Utak. Ils alternèrent ainsi entre attaque et défense, Sarouh de son katana et Tokri de son kunai. Mutika admira la démonstration des aptitudes de son ami dans son maniement de la fine lame, et se fit la réflexion que le Kenjutsu serait plus tard un art dans lequel il devrait songer à s’investir. La lame invisible ne posait aucun souci au guerrier du sable, qui s’efforçait d’en maintenir une image mentale.

Bondissant d’un côté à l’autre, Nika envoya des projectiles à trois reprises, qui poussèrent Sarouh à des interceptions à l’aide d’Aura. A chaque percée, Tokri en profita pour réussir une frappe du poing ou du pied, gardant en tête d’éviter toute hospitalisation. Le kunai n’était là que pour contenir le Tsumyo, pas pour le blesser et il savait que son adversaire en faisait de même avec son katana.

Sarouh comprit que Nika conservait Kokuro pour plus tard. Ayant essuyé trop de dommages à son goût, le Gensouard décida de changer de cible. Après avoir évité une frappe d’estoc, Tokri tenta de le frapper de la paume en plein plexus solaire. Il pesta lorsque sa main ne rencontra que de l’eau ayant la silhouette de l'illusionniste. L’Utak en extirpa sa main et repéra un mannequin derrière l’amas d’eau qui se liquéfia. Tokri se tourna vers Nika et vit que Sarouh fonçait vers son dos.

— Derrière toi !

Ayant détaché la bâche, Nika la plaça face à elle et se retourna à l’avertissement de son ami. Lorsqu'il atteignit la kunoichi, Sarouh eut la surprise de se retrouver face à Tokri. A quelques mètres d’eux se trouvait la bâche à laquelle il venait de se substituer.

Affichant un large sourire narquois, l’Utak intercepta le poignet du Gensouard et le bloqua de son bras gauche. Il frappa de son pied droit la main tenant Aura avant qu’il ne la mette hors de sa portée. Sous la surprise, la lame tomba au sol. Sachant qu’il n’avait qu’une fraction de secondes avant de perdre son avantage, Tokri éloigna son vis-à-vis d’un violent coup de boule en plein front. Sarouh recula de quelques pas avant de reprendre une posture de combat, tout comme son adversaire.

Le Chuunin jeta un bref coup d'œil autour de lui et constata que Nika avait disparu. Repérant la bâche au sol, il comprit ce que cela signifiait.

— Kokuro est toujours en réparation ?

— Pour un gars malin, t’en as mis un temps pour comprendre.

Sarouh ricana. Tokri savait qu'il prenait clairement son pied dans cet affrontement. Éprouvant la même chose, il ne pouvait pas le lui reprocher.

— Juste une question avant de reprendre. Votre stratégie vient de Nika ?

— Les bases sont de moi. Elle a tout développé, révéla-t-il en lui rendant son sourire.

— Je vois, répondit le Tsumyo en élargissant un peu plus son sourire. Ok, amène toi.

Tokri ne se fit pas prier. Usant du Gyo pour maximiser sa vitesse, il fondit sur Sarouh et enchaîna les frappes en veillant à ne pas le laisser s’approcher d’Aura. Tant qu’ils restaient dans cette configuration, ses chances de prendre dessus restaient fortes. Le Tsumyo para et esquiva, guettant une occasion de percer les assauts du Chikarate qui donnait le maximum de ses capacités contre le Chuunin.

Le menton de Sarouh encaissa un uppercut, avant de se liquéfier en une éclaboussure. Voyant la bâche à quelques pas de lui, Tokri en déduisit sa position actuelle. Il composa rapidement des mudras tout en se retournant pour se retrouver face au Tsumyo, à deux doigts de toucher son visage.

Le Gensouard fut frappé par une forte rafale de vent qui le fit reculer de quelques pas. Profitant de sa surprise, Tokri fondit sur lui et le frappa de deux poings successifs à l’estomac, avant d’enchainer par de multiples frappes rapide au visage.

Se reprenant bien vite, Sarouh profita d’une ouverture d’une fraction de seconde pour frôler la tempe de l’Utak du bout des doigts. Plongé dans le noir, Tokri perdit un instant l’équilibre. Ce fut suffisant pour permettre au Tsumyo de le saisir au bras et le faire passer par-dessus son épaule d’une solide clef. Tokri se retrouva face contre terre, tenta de se relever, mais ne vit pas venir le coup de pied qui lui fit mordre la poussière.

— Reste au sol, le prévint Sarouh. Il ne me reste plus qu’à retrouver Nika, et je gagne.

A la surprise générale, Tokri se releva d’un bond et frappa le Tsumyo de son Chikara Sen’puu. Ses réflexes lui permirent de parer au dernier moment. En équilibre en l’air, l’Utak frappa de son pied libre le torse du Gensouard qui recula à nouveau. Le Taijutsuka fondit une fois de plus sur lui. Tout en parant les frappes, Sarouh analysa la situation.

Le niveau au Kai de Tokri ne pouvait pas lui avoir permis de se libérer aussi rapidement de son jutsu d’aveuglement. D’autant qu’il l’avait calibré avec minutie pour lui demander quelques instants de concentration afin de s’en dépêtrer. Malgré le fait que ses attaques étaient précises, le regard de l’Utak restait fixé dans le néant. Seule une bonne maîtrise du En lui aurait permis de réussir de combattre par lui-même. Or, il ne connaissait pas encore cette manipulation.

La solution se présenta d’elle-même : Nika était derrière tout cela.

Tout à son analyse, Sarouh perdit sa concentration sur l’action et accepta d’encaisser quelques frappes. Tokri avait une force et une allonge conséquente, mais il en avait vu d’autres. Souffrir de quelques coups ne le mettrait pas hors-jeu, même s’il devait éviter de trop en recevoir.

En observant son assaillant, Sarouh finit par percevoir de discrets filaments bleus qui partaient de ses jambes et bras, mais également de ses épaules et de son dos. Il esquissa un sourire, satisfait d’avoir découvert le pot aux roses.

Le Tsumyo encaissa encore quelques frappes avant de parvenir à déterminer la position de la Hynomori. Il esquiva un uppercut, et généra deux Mizu Bunshin pour occuper l’Utak avant de foncer vers la colonne sur laquelle trônait discrètement Nika, à demi camouflé par un rocher en son sommet.

Ayant compris qu’elle était découverte, Nika manoeuvra son ami pour se débarrasser au plus vite des Bunshin et plaça ses mains pour l’aider à générer un Kai avant de relâcher ses fils. Elle fut surprise de constater que l’Utak parvint à se débarrasser rapidement de sa cécité. L’adrénaline et le sentiment d'urgence semblaient donner un formidable bonus d'efficacité aux compétences de Tokri.

Malheureusement, Sarouh avait pris trop d’avance. Jouant le tout pour le tout, elle bondit hors de sa cachette et souffla plusieurs boules de feu qu’il esquiva. S’étant munis d’un kunai, il se retourna par intermittence pour détourner les shurikens que lui envoya l’Utak qui avait engagé une course-poursuite.

Le Tsumyo se munit d’une balle fumigène, qu’il fit éclater au sol pour échapper à leur vue. Comprenant son objectif, Tokri exécuta un Kyouffu pour dissiper la fumée et gravit la colonne à toute vitesse. Il soupira d’exaspération et leva les yeux au ciel une fois au sommet. Sarouh était déjà posté derrière Nika, sa lame posée au niveau de la carotide de la kunoichi.

— J’ai gagné, leur lâcha-t-il avec un petit sourire satisfait.


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Message par Tokri-en-plus-vieux 14/4/2022, 19:10

Bras croisés, Tokri observait Izul et Mutika prendre place dans l'arène. Par-dessus son épaule, la jeune femme lança un bref regard peinée à Sarouh qui le lui rendit tout aussi discrètement. Décidé à comprendre ce qu’il se passait avant que ça ne déteigne sur l’ensemble de l’équipe, l’échange n’échappa pas à l’Utak qui raya l’hypothèse d’une dispute entre les deux de sa liste.

Pour penser à autre chose qu’à leur inquiétude vis-à-vis de l’état de la Leïl, Sarouh et Nika étaient en grande conversation post-combat. L’esprit déjà concentré sur les combattants, Tokri ne perçut que des bribes de félicitations réciproques.

L’approche du combat jouant sur son mental, le regard de Izul semblait s’embraser de seconde en seconde. A l’inverse, Mutika était peu à l’aise et dodelinait d’un pied sur l’autre, manifestant sa hâte de clôturer au plus vite le combat. La kunoichi azurée en voulait-elle toujours à l’Oroshi ?

Lorsqu’ils furent face à face, Gomaki leur laissa quelques secondes pour se préparer mentalement. A son regard, Tokri se doutait que la vigilance du Jounin était grande. Il finit par leur donner le feu vert, sans enthousiasme. Avait-il songé à annuler l'entraînement ? Instantanément et à la stupéfaction générale, Izul fondit sur Mutika et tenta de le frapper de plusieurs coups de poings rageurs.

— Mais que… ? bredouilla Nika, stupéfaite.

Tokri et Sarouh échangèrent un regard entendu. Décidément, quelque chose n’allait pas chez l’adepte du Suiton. Son comportement n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait démontré depuis la formation de l’équipe. Maîtresse de son Chakra, elle excellait dans le contrôle à mi-distance de son adversaire. Le contact frontal n’était pas son style.

— Tu nous fais quoi là ? l’interrogea Mutika en déviant un coup visant son nez.

La mâchoire serrée, Izul garda le silence et multiplia ses assauts. Mutika continua à les dévier et à les esquiver, sans manifester la moindre intention de contre-attaquer. En plus de l’incompréhension, on pouvait lire de plus en plus de peine dans l’expression du jeune homme. Il para un coup de pied visant son visage, dévia un nouveau coup de poing ciblant son torse et se contenta de la repousser d’une légère tape. La Leïl lui adressa un regard furieux.

— Tu vas frapper oui ? lui hurla-t-elle, vexée du manque de répondant de l’Oroshi.

— Pas tant que tu ne te seras pas ressaisis, rétorqua Mutika.

Dans un nouveau rugissement incompréhensible, Izul repassa à l’attaque. Le rouquin l’évita d’un pas de côté, se baissa pour éviter un coup de pied sauté et, n’ayant toujours pas l’intention de frapper, recula sans même lever les bras.

Rien ne collait. Même si le niveau de Mutika en Taijutsu était supérieur à celui de Izul, cette dernière s'acharnait de façon bien trop hasardeuse. L’Utak n’avait même pas le sentiment que son objectif était de toucher. Que voulait-elle ? Que Mutika la cogne ?

— Tu m’en veux toujours, c’est ça ? lui demanda Mutika presque en la suppliant. Je t’ai dit que j’étais désolé.

Essoufflée par ses assauts infructueux et surprise par la question de son adversaire, Izul s’arrêta un court instant.

— Quoi ? s'étonna-t-elle en peinant à reprendre son souffle. Non, rien à voir.

— Bat-toi comme d’habitude alors !

Les larmes montèrent aux yeux de la jeune femme, qui serra les poings et fondit à nouveau sur le Genin.

— Putain ça suffit, souffla un Mutika ulcéré.

Il composa rapidement des mudras. Un mur arrivant à peine au niveau de la rotule s’érigea devant Izul qui trébucha et tomba de tout son long, face contre terre. Mutika semblait ne pas croire à ce qu’il venait de provoquer.

— Regarde toi, bon sang ! Même pas capable d’éviter un piège aussi grossier !

Prostrée au sol, le corps d’Izul était secoué de tremblements et de soubresauts. Mutika s’approcha d’elle, mais n’osa pas la réconforter de peur de provoquer une nouvelle crise de colère.

— On arrête, ordonna Gomaki en marchant vers les duellistes. Ce n’est clairement pas le bon jour.

Mutika alla à sa rencontre. Penaud, il se frotta l’arrière du crâne et n’osa pas regarder son sensei dans les yeux.

— Je suis désolé, marmonna-t-il. Je ne voulais pas la mettre dans cet état.

Le Myô posa une main qui se voulait réconfortante sur son épaule, tout en lui adressant un sourire peiné.

— C’est à moi de m’excuser, lui avoua t-il. J’aurai dû comprendre la situation et annuler tout de suite cet entraînement. Tu peux rejoindre tes équipiers, mon grand.

Il lui tapota l’épaule, avant de se baisser vers Izul qui s’était assise. Elle se frottait les yeux de son poignet et reniflait par à coup. Le Jounin discuta avec elle à voix basse, tandis que l’Oroshi rejoignait ses collègues mutiques. Le groupe s’échangea des regards, comme si chacun espérait que les autres leur apportent des réponses. Malheureusement, il semblait être au même niveau de compréhension.

Comprenant que ses amis ne possédaient pas d’informations, Tokri fixa Gomaki et Izul. Leur maître l’aida finalement à se relever pour rejoindre les rejoindre. Tandis que Gomaki s’arrêta face à eux, Izul leur passa devant sans même un regard. D’un pas traînant, elle se dirigea vers le chemin menant vers Chikara. Nika et Sarouh furent à deux doigts de l'interpeller lorsque Gomaki les coupa :

— Izul a besoin d’un peu de solitude. Nous arrêtons donc notre matinée. Profitez de votre après-midi et de vos deux jours de repos. Vous les avez mérité.

Gênée, Nika baissa la tête. Sarouh sembla sceptique face à cette déclaration :

— Vous a-t-elle confié ce qui lui arrive ? demanda-t-il.

— Non, répondit simplement le Jounin. Je l’ai encouragé à le faire en lui signifiant que l’équipe est là pour elle. A elle de décider.

Sarouh se mordit une lèvre, se retenant manifestement à formuler le fond de sa pensée.

— Si vous avez des soucis entre vous, ne profitez pas des entraînements pour régler vos comptes, ajouta Gomaki avec gravité. Parlez m’en, ou à Tokri si cela vous semble plus simple. Nous serons amenés à mener de nombreuses missions ensemble, de plus en plus difficiles qui plus est. Évitons que des rancœurs ne mettent leurs réussites en péril.

— A peine culpabilisant pour elle, laissa échapper à demi-mot Sarouh.

Le Myô lui lança un regard noir. La remarque ne lui plaisait clairement pas.

— N’oublie pas que je suis le sensei de ces jeunes gens, Tsumyo. Je n’ai cure de tes avis concernant ma pédagogie. Peut-être feras-tu mieux lorsque tu seras en charge de ta propre équipe. Pour l’heure, j’en suis l’unique encadrant.

Un silence pesant tomba à la suite du recadrage mené par le Jounin. Tokri leva les yeux au ciel. Jusque là satisfait par l’apaisement que vivait la fine équipe, il sentit soudainement que sa sociabilité venait d’atteindre ses limites.

— Permission de disposer ? demanda-t-il à Gomaki.

— Accordé. Repose-toi bien, Tokri.

Sans demander son reste, Tokri les salua de la main et prit le chemin cahoteux suivis par Izul quelques instants plus tôt. Il les entendit vaguement reprendre leur conversation tandis qu'il s'éloignait. Les mains dans les poches, son esprit fatigué ne put s’empêcher de réfléchir aux derniers évènements. L’Utak comprenait la réaction du Tsumyo pour avoir lui-même une fâcheuse tendance à s’opposer systématiquement à l’autorité, du moins s’il n’avait pas acquis son respect. Gomaki représentait l’inverse pour Tokri. Figure à part de par son amitié avec Okioto Utak, le Jounin lui avait prouvé au fil des semaines qu’il était un individu en qui on pouvait se fier. Sarouh ne le connaissait certainement pas encore assez pour percevoir l’homme derrière le shinobi. Ou bien la propre subjectivité de l’Utak jouait dans son appréciation ? Pas impossible.

A l’instant où il commença à ressasser ses réflexions vis à vis du comportement d’Izul, il se rendit compte que la jeune femme était en vue à quelques mètres de lui. Le Genin constata que sa collègue avançait d’un pas traînant, expliquant le fait de l’avoir si vite rattrapé. Il hésita un instant sur la marche à suivre. Devait-il ralentir son pas ? Izul risquait de remarquer sa présence et se demandait pourquoi il marchait aussi lentement. Lui passer devant ? Tokri bannit vite cette possibilité. Il travaillait durement pour tisser des liens avec ses équipiers et n’avait aucune envie de les mettre à mal aussi stupidement.

L’Utak ne se décida qu’au dernier moment, lorsqu’il se retrouva à marcher à ses côtés. Étonné de le voir, Izul leva la tête. Ses pleurs avaient cessé, mais ses yeux restaient brillants et trahissaient la détresse qui l’étreignait :

— Si tu souhaites être seule, je trace, lui assura Tokri.

— Non, chuchota-t-elle. Un peu de compagnie me fera du bien.

Elle redevint mutique. Si seule une présence lui était nécessaire, cela lui convenait. Ils continuèrent donc la descente en silence. La situation devait plus la gêner que lui, car ce fut Izul qui finit par dire d’une petite voix :

— C’était un superbe combat. Vous formez un bon duo.

— Nika a été incroyable, répondit Tokri en souriant. On a passé au moins deux heures à planifier nos actions, après les Bains. A chaque idée que je proposais, elle avait tout de suite une dizaine de plans.

La réponse de l’Utak arracha un sourire malicieux à Izul. Le jeune homme en était ravi, mais il sentait venir le prochain sujet et s’empressa d’embrayer :

— Sarouh est impressionnant également. Même à deux contre lui et dans un environnement défavorable, il parvient à garder des ressources.

Il sentit de la surprise dans l’expression d’Izul. Etant l'un des acteurs de l'affrontement, ses conclusions lui étaient venues naturellement. Et en vue de son état, il était probable qu’Izul soit moins encline à repérer des éléments qu'en temps normal.

— Il n’était pas à fond ?

— Je ne le pense pas, admis Tokri avec réserve. Je me trompe peut-être, mais c’est le sentiment que j’ai eu.

— Impressionnant est le mot, chuchota presque Izul.

Ils se turent quelques secondes. Tokri se mordit la lèvre, puis ricana de sa stupidité :

— Quelque part, je le jalouse un peu. Mais j’ai l’impression de m’améliorer à chaque fois que je l’affronte. J’espère que j’arriverai à le rattraper pour lui rendre la pareille un jour.

— Mentalité de mec ça, le taquina la Leïl en lui adressant un sourire narquois. Tu n’as pas à te rabaisser ni à rougir. Compte tenu d’où tu viens, tes progrès sont fulgurants.

— Merci.

Ne s’attendant pas à ce compliment, Tokri eut la crainte de se mettre à rougir à la Nika. Après quelques pas, Izul cessa de marcher et se raidir, comme prise d'un soudain stress. Le jeune homme se rendit compte qu’ils venaient de déboucher sur la ruelle de Chikara. L’Utak n’osa pas lui demander la raison de sa soudaine angoisse et se contenta d’un regard interrogatif, qu’Izul fit semblant de ne pas percevoir.

— Je te remercie pour la discussion. Ça m'a changé les idées. Je vais rentrer chez moi, pas besoin de m’accompagner.

— Comme tu le souhaites, répondit Tokri en tentant d’être le plus aimable possible. N’hésite pas si tu en as besoin.

Izul lui adressa un charmant sourire, qui arracha la réflexion à l’Utak qu’elle était vraiment une très belle femme.

— Je sais. Bonne journée, Tokri.

Le Genin la regarda disparaître au coin d’une ruelle, ne sachant pas quoi penser de la situation. Un court instant, il songea à la suivre. S’il était suffisamment discret, peut-être pourrait-il découvrir la raison de son mal-être. Mais le jeune homme chassa cette pensée aussi rapidement qu’elle était venue. Hors de question de s’immiscer dans la vie privée de ses équipiers tant qu’il pouvait l’éviter.

Planté au milieu de la rue, Tokri prit conscience qu’il avait devant lui sa première après-midi de réelle liberté depuis la formation de la Team Gomaki. Son temps avait été partagé entre les missions et les entraînements, tant avec l’équipe qu’en solitaire. Il fut tenté de retourner au promontoire rocheux pour se perfectionner au Kyouffu, mais son corps lui envoya quelques signes lui intimant le repos. Tokri se fit la réflexion qu’il ne s’était pas rendu depuis bien trop longtemps à un endroit de Chikara qu’il affectionnait particulièrement. Le simple fait d’y songer lui mettait du baume au cœur, définissant ainsi l’occupation de son après-midi.


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Message par Tokri-en-plus-vieux 14/4/2022, 19:11

Pris d’un bâillement, l’Utak se cacha derrière sa main. Il leva le bras que Sarouh avait saisi pour le projeter quelques heures plus tôt. Tout son corps était courbaturé par sa semaine de labeur et son combat de la matinée, mais ce membre était particulièrement endolori. Il s’enfonça plus profondément dans son siège, déterminé à exploiter chaque millimètre de confort, et se replongea dans sa lecture. Le jeune homme se rendait compte que ses moments d’évasion à la Bibliothèque de Chikara lui avaient terriblement manqué.

Tokri avait hésité à lire des romans légers pour se détendre, mais il avait finalement opté pour un exemplaire de “L’Histoire du Yuukan”. L’Utak connaissait par cœur le passé de son pays, mais il appréciait se les remémorer régulièrement.

En des temps lointains n’existait qu’un unique Village du nom de Shinobi. Cette Cité vécut plusieurs siècles d’âge d’or, qui lui permit de développer les Arts ninjas.

En 850, Shinobi fut frappé par des scandales internes concernant la succession de son Kage, qui menèrent à une guerre civile entre les principaux clans souhaitant mettre l’un des leurs à la tête du Village. Pour mettre fin à la guerre, un concile composé des doyens de chaque parti finit par se mettre d’accord sur le nom d'un dirigeant.

Ce choix ne convint pas à deux hommes : les frères Linoru et Shaoshi Satsuma. Refusant cette décision arbitraire, ils furent ralliés dans leur rébellion par de nombreux révolutionnaires. Grands noms du Taijutsu, ils menèrent une exode pour fonder le premier Village dissident de Shinobi au beau milieu d'un immense désert : Chikara. Par la suite, les adeptes du Ninjutsu et du Genjutsu finirent par faire sécession pour fonder les deux autres Villages principaux du Yuukan : Mahou et Gensou.

Plongé dans sa lecture, Tokri ne perçut qu’au dernier moment la personne qui se planta devant lui.

— Sérieusement ? l’apostropha une voix familière.

Le Genin leva la tête de sa lecture et eut la surprise de reconnaître Izul, mains croisées et serrant un livre contre elle. Elle avait détaché ses cheveux devant son visage, et s’était coiffée de deux queues de cheval qui descendaient le long de son dos. Malgré le regard furieux qu’elle lui adressait, Tokri ne put s’empêcher de se dire que ce style lui allait bien.

— Oui ?

— Que fais-tu ici ? lui demanda-t-elle froidement.

Son ton accusateur piqua au vif l’Utak. Il pensait comprendre ce qu’elle s’imaginait, et ça ne lui plaisait vraiment pas. Il leva l’ouvrage qu’il tenait dans ses mains.

— Je lis.

— C’est cela, répliqua-t-elle, acerbe. Je ne te vois jamais ici d’habitude.

Retenant la page où il s’était arrêté, Tokri ferma délicatement son livre et le posa dans un coin de son fauteuil. Il croisa également les bras et toisa froidement sa coéquipière.

— Va au bout de ta pensée, Izul. Que t'imagines-tu ?

La Leïl se mordit la lèvre. Le calme de Tokri la faisait douter, mais la coïncidence était bien trop grande à ses yeux pour qu’elle en soit une.

— Je viens ici dès que possible, et je ne t’y ai jamais croisé. Tu veux me faire croire qu’il s’agit d’une coïncidence après ce matin ? Je te pensais du genre honnête, mais tu es comme les autres finalement ! Menteur, manipulateur et…

— Jamais ? Tu en es sûre ? la coupa Tokri avant que ses reproches ne le sortent de ses gonds.

Un silence tomba entre eux, que l’Utak accorda à la jeune femme pour se livrer à ses réflexions. Le jeune homme refusait de donner du grain à moudre à sa paranoïa et préférait miser sur l’intelligence d’Izul pour lui faire prendre conscience de son erreur. Jugeant qu’elle avait eu suffisamment de temps de préparation, il lui livra les faits :

— Avant que je ne me décide il y a un an à devenir Genin, je venais pratiquement tous les jours. Quand je séchais, c’était plus discret que d’aller au centre de documentation de l'Académie. Moins de risque de me faire attraper par les professeurs.

Izul semblait comprendre où il voulait en venir, mais n’était pas encore convaincu par son plaidoyer.

— Et donc ?

— Je t’apercevais souvent en fin de journée, lâcha t-il simplement.

Le regard de Izul trahit le sentiment de culpabilité qui la saisit, tandis que sa bouche forma un petit “ah” de surprise. Soit elle n’avait jamais fait attention à la présence de Tokri, soit elle l'avait simplement oublié et quelques souvenirs étaient en train d’émerger. L’Utak aurait misé sur la seconde possibilité, croyant lire une forme de révélation dans son expression faciale.

Si tel était le cas, il ne lui en voulait pas. Ils avaient fait partie de la même promotion que l’année passée et n’était alors qu’un vague inconnu à mauvaise réputation pour elle. Lui-même n’avait cure de sa présence à cette époque.

— Pourquoi venais-tu ici plutôt qu’en cours ? demanda-t-elle, des soupçons toujours présents dans sa voix.

— Je ne suis pas certain que la réponse te plaise.

— Dis toujours, l'invita-t-elle en haussant les épaules.

Tokri baissa le ton de sa voix. Il savait qu’il prenait un risque en confiant cela, d’autant plus par la réputation de son père auprès du QG. Il valait mieux éviter qu'une oreille indiscrète ne l'entende.

— Pendant que vous subissiez le formatage de l’Académie…

Il pointa son crâne du doigt.

— … c’est ça que j’entrainais.

Abasourdie, Izul écarquilla les yeux. Cette conversation allait de surprise en surprise.

— Je vois.

Elle le fixa droit dans les yeux. Soutenant le contact visuel, l’Utak se perdit un court instant dans l’émeraude de ses iris. Il n’avait jamais remarqué jusque-là qu’elle possédait un si envoûtant regard. Semblant satisfaite de ce qu’elle y voyait, elle s'asseya dans le fauteuil à côté de celui de Tokri en soupirant de lassitude.

— Désolé. Je n’aurai pas dû t’agresser ainsi.

— Tant que tu n’en fais pas une habitude.

Izul se pinça une lèvre, un geste que Tokri avait retenu comme témoignage de sa géne. Il jeta un œil au livre qu’elle tenait et vit qu’il s’agissait d’un manuel avancé sur le Genjutsu.

— Ça potasse même en repos ?

Avec un sourire amusé, Izul jeta un œil à l’ouvrage que Tokri venait de placer sur ses genoux.

— Je ne suis pas la seule. Passionné d’Histoire ?

— J’apprécie savoir d’où je viens, répondit Tokri en lui rendant son sourire.

Sa réponse semblait lui parler de par l’expression complice qu’elle lui lança. Izul s’étira, avant de se lever.

— Je dois rentrer. Encore désolé, Tokri. Je vais essayer de prendre sur moi.

— Repose-toi bien, lui conseilla l’Utak. Et si tu as besoin de parler, tu sais où me trouver.

Elle lui adressa un sourire de remerciement, et quitta l’établissement. Le Genin médita sur la marche à suivre. Bien que cette possibilité lui avait effleuré l’esprit, la pister était une option qu’il avait rapidement rayée le matin-même. Sa réaction venait de remettre cette résolution en question. Izul était au-delà de la tristesse en frôlant ainsi la paranoïa. L’instinct de Tokri le poussait à tout tenter pour découvrir la cause de son malaise.

Il se remémora les paroles de Gomaki concernant les failles que cachaient ses équipiers et sur la difficulté des missions qui les attendaient. Bien qu’il n’avait pas le droit de le leur dire clairement, tous avaient compris que le Jounin était en charge de l’enquête concernant le Boost S. L’Utak se doutait que les Villages finiraient par faire appel à leur équipe sur cette affaire. En vue de la dangerosité de la substance, le jeune homme refusait de prendre le moindre risque. Au-delà de son inquiétude pour Izul, il en allait de la survie de ses amis.

Il soupira, rangea son livre dans son sac, et se leva à contrecœur. Tokri quitta la Bibliothèque, et prit la route pour se ravitailler dans la première boutique qui croisa son chemin. Il allait avoir besoin de réserves pour la longue attente qui l’attendait.

***
Tokri but une gorgée d’eau, et se fit la réflexion que de stationner sur un toit arrondi de Chikara n’allait pas être apaisant pour ses courbatures. Il jeta un œil au coin du rebord où il était caché. Il avait une bonne vue sur la chambre de Izul, où cette dernière était en train de lire son livre sur le Genjutsu.

La nuit venait de tomber. Tant qu’Izul restera éveillée, le jeune homme avait décidé de continuer sa surveillance. Il avait pris garde à ne pas être en vue par qui que ce soit.

Tokri avait noté un premier indice. Depuis qu’il avait pris position, Izul ne s’était absentée de sa chambre que pour se nourrir. A son retour, il avait eu l’impression que ses yeux étaient embués de larmes, mais il émettait un doute de par la distance entre son toit et la chambre.

Tandis que le Genin jouait avec le papier du sandwich qu’il venait de dévorer, il fut surpris de la voir sursauter tout en se tournant vers la porte de sa chambre. Elle sembla un temps attentive, avant de se relâcher. Tokri pensait qu’elle reprendrait sa lecture, mais elle posa au contraire son livre sur sa table de chevet. Assise dans son lit, Izul posa sa tête entre ses bras, coudes contre les rotules. Les lèvres de Tokri se pincèrent en la voyant agitée de soubresauts. Il n’eut pas besoin d’apercevoir son visage pour savoir qu’elle était en prise à une nouvelle crise de larmes.

L’Utak enrageait. La vérité était toute proche, il le sentait.

Izul redressa finalement la tête en séchant ses larmes du poignet. Elle se leva, se dirigea vers son armoire qu'elle ouvrit avant de retirer son tee shirt. Gêné, le cœur de l’Utak battit la chamade tandis qu’il se plaqua contre le toit tout en fermant les yeux. Une intense chaleur s’était répandue dans tout son corps. Il se frotta les yeux en s’insultant de divers titres péjoratifs. Comment avait-il pu ne pas se préparer à ce moment ? Espionné une femme chez elle et ne pas s’attendre à la voir se changer ?

— Abruti, se marmonna-t-il honteusement à lui-même. T’es vraiment le roi des crétins, Utak.

Tokri se risqua à jeter un œil, en croisant les doigts pour ne pas s’immiscer plus qu’il ne le souhaitait dans son intimité. Bien que restant rouge de honte, il soupira de soulagement en constatant qu’elle était en train de rejoindre son lit, nuisette enfilée. La jeune femme continuait à jeter des regards inquiets à la porte de sa chambre, avant d’éteindre la lumière.

C’en était fini pour ce soir. L’Utak observa la ruelle, et descendit discrètement lorsqu’aucun passant ne fut en vue. Il reprit la route jusque chez lui pour prendre enfin un vrai temps de repos.

Il pesta de n’avoir pas mis le doigt sur la source du souci. Il lui faudrait réitérer l’opération le lendemain. Et aussi longtemps que nécessaire.

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